Ce 1er septembre, un article de Erin Griffith dans PandoDaili.com, par ailleurs journaliste reporter pour l’Huffington Post, le VCJ ou encore le Time Out New York, titre « Why French Startups Want an American Touch».
De nombreuses start-up françaises cherchent à américaniser leur business. Pour cela, elles investissent sur des consultants qui les aident à formaliser un programme d’approche du marché américain. La plupart du temps, ce programme se contente de créer des opportunités de partenariats de business avec des sociétés technologiques outre-Atlantique et en général, de tenter de constituer des relais de business développement. Un programme plutôt superficiel ; peu ont le courage, la volonté ou les moyens de passer la vitesse supérieure.
Il est maintenant admis que si une société française ambitionne un développement durable, il est indispensable qu’elle ne se cantonne pas au marché français. Celles qui restent sur ce marché, même si elles deviennent des leaders, risquent à coup sûr d’être volatilisées de la scène économique si une compagnie américaine plus grande débarque sur leur territoire. De nombreuses sociétés françaises ont compris ce risque et cette nécessité ; mais toutes n’y arrivent pas.
Une des caractéristiques principale des sociétés techno américaines est de viser d’emblée « gros et global ». De plus et surtout, l’objectif ultime est toujours de conduire le développement de la compagnie dans des perspectives de sortie les plus attractives possibles. En Europe et plus particulièrement en France, l’intention existe peut-être, mais pas la pratique. Les IPO sont quasiment inexistantes et les success stories de sociétés globales européennes en matière de nouvelles technologies sont rarissimes. On cite toujours en exemple Skype et Sound Cloud mais ce sont des sociétés aujourd’hui qui sont établies à Seattle et à San Francisco.
Pourtant, les start-up françaises ne sont pas à l’abandon dans leur pays ; elles font l’objet de nombreuses attentions, elles sont reconnues et souvent soutenues. En effet, d’une part, le gouvernement et les organisations publiques mettent en place pas mal de sources d‘investissements, d’amorçages et de systèmes d’incubation pour les aider (OSEO, …) ; d’autre part, Paris peut se targuer légitimement de posséder parmi les meilleures écoles d’ingénieurs au monde. Dans de nombreux cas nous pouvons crier cocorico car la technologie et la recherche françaises rivalisent et surclassent très souvent leurs homologues américains.
Pourtant, cela ne suffit pas et le Graal des compagnies françaises qui veulent devenir globales est de partir. Finalement, pourquoi ? Et quelles sont les grandes raisons qui les amènent à cela ?
Six facteurs explicatifs sont apportés de façon très intéressante dans un commentaire de cet article par un franco-américain, vivant depuis longtemps en Silicon Valley.
Première idée :
En France, les développeurs et les « technos » sont sous-considérés. Le « Big Boss », pivot d’une société française, c’est LE commercial. Et parfois même le directeur de projet.
Pour un américain, il est très exotique qu’un « project manager » ou un commercial puisse avoir plus d’influence qu’un développeur talentueux et créatif. En Silicon Valley, c’est tout le contraire : les bons développeurs sont les hommes-clés des sociétés : « Good developters rule the house ».
Deuxième idée :
Pour un même produit, une compagnie techno française est valorisée dix à quinze fois moins que la même compagnie en Silicon Valley. (Une compagnie anglaise sera valorisée de cinq à sept fois moins).
C’est un fait. Certes, on peut dire que les start-up de Silicon Valley sont largement surévaluées, mais entre une sous-évaluation et une sur-évaluation, que choisiriez-vous ?
Troisième idée :
La culture française ne valorise pas vraiment les succès financiers et, en ce moment, elle a même tendance à les stigmatiser. Il est vrai que les propositions du nouveau gouvernement de taxer à 75 % tous les revenus dépassant le million d’euros, combiné avec les taxes CSG, ISF, etc…, font que les prélèvements fiscaux et sociaux représentent une part énorme pour ceux qui gagnent de l’argent. Il est évident qu’aucun Zuckerberg, Jack Dorsey ou autre entrepreneur ambitieux n’a envie de travailler dans ces conditions.
En clair, quand on fait de l’argent en France, on est obligé de s’en excuser. Ou partir. Ce que certains n’hésitent pas à faire…
Quatrième idée :
Le travail est sous-valorisé en France. En fait, si tu travailles trop en France, tu n’es pas considéré comme quelqu’un de très malin : si tu l’étais, tu travaillerais moins pour faire la même chose.
En France, il y a certes beaucoup de gros bosseurs, mais ils n’ont aucune reconnaissance pour cela. Alors qu’aux USA, les gros bosseurs sont considérés avec un maximum de respect.
Cinquième idée :
Les employés des sociétés françaises qui travaillent beaucoup – et ils sont nombreux -, se trouvant dans une culture qui dévalorise le travail, entendent constamment dans leur entourage le reproche qu’ils travaillent trop et ne prennent pas assez de vacances. A la fin, ce discours ambiant a un impact qui démotiverait les plus courageux. Pourtant, développer une technologie et un marché de rupture ne peut se faire qu’au prix d’immenses sacrifices. Plusieurs années de « galère » sont souvent le passage obligé pour gagner le gros lot.
Aux USA, les employés d’une entreprise performante ont réellement cette possibilité de gagner beaucoup d’argent, alors qu’en France, la plupart d’entre eux considère cela comme une probabilité équivalente à celle du Loto !
Sixième idée :
Même si elle s’en défend, la culture française est très franco-centrée. Les start-up font souvent l’erreur de développer le marché français pour ensuite conquérir d’autres pays. Or, ce marché est très particulier, au regard de sa démographie et de ses comportements et il est donc très difficile de le passer à l’échelle. Le seul exemple de réussite que l’on pourrait donner est celui de Dailymotion. Rare !
Cette analyse peut paraître brutale ; elle comprend certainement ses parts de vérité. Qu’en pensez-vous ? Donnez votre témoignage, le débat est ouvert.
{jacomment on}