Les milliers de personnes électrosensibles en France vont-elles pouvoir enfin sortir de leur isolement ?
Une décision de justice du tribunal de Toulouse du 25 août 2015 pourrait faire jurisprudence et ouvrir la voie à plus de reconnaissance pour les malades d’électrosensibilité, admettant enfin cette allergie aux ondes électromagnétiques comme handicap grave. Mais une application innovante de réalité augmentée pourrait aussi permettre une visualisation de ce monde d’ondes dans lequel nous vivons, les éviter et permettre peut-être une vie normale.
Antennes relais, wifi, fréquences basses, téléphones portables, … sont les pires cauchemars de ces malades souffrant de maux de tête, d’insomnie, tachycardie, brûlures, pas toujours pris en considération par les autorités sanitaires de notre pays. Selon l’Institut national de veille sanitaire (INVS), un manque de description clinique prècis de la maladie ne permettrait pas sa reconnaissance et sa prise en charge. La décision de justice du Tribunal de Toulouse permettrait donc de faire reconnaître davantage de travailleurs comme handicapés et d’être indemnisés.
L’action de Robin des toits
C’est grâce à l’action de l’association Robin des toits et son représentant, Etienne Cenrier qui milite pour la sécurité sanitaire dans les technologies sans fil, que cette décision judiciaire a pu aboutir. A l’origine, Marine Richard, ex-journaliste, vivait recluse dans les montagnes de l’Ariège depuis cinq ans pour éviter toutes les ondes électromagnétiques, l’empêchant de travailler. Le jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité de Toulouse reconnaît ainsi, après expertise médicale, la demande de la plaignante. Dans ce jugement, il est estimé que sa déficience fonctionnelle est de 85 % « avec restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi ». La justice lui accorde en conséquence le droit à une « prestation de compensation » pour adulte handicapé pour trois ans, éventuellement renouvelable, sous forme d’aide technique et d’aménagement de son logement, selon Le Monde.fr.
Dans l’attente d’un traitement efficace dans ce monde saturé de signaux sans fil…Mais lequel ?
Quelles solutions pratiques ?
Malgré des controverses entre experts, malades et associations écologistes qui mettent en avant le principe de précaution et réclament la création de « zones blanches » ou « refuge » sans ondes électromagnétiques, une loi encadrant l’exposition du public aux ondes électromagnétiques générées par les technologies sans fil a été adoptée en janvier 2015 : la première en France à mettre en place une politique de prévention comme « relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques ». Par ailleurs, en 2016, l’agence de sécurité sanitaire doit rendre un rapport sur les effets des ondes sur notre santé. L’AFNR (Agence nationale des fréquences) devra aussi réaliser, chaque année, un recensement national des « points atypiques », c’est-à-dire des « lieux où le niveau d’exposition du public dépasse substantiellement celui généralement observé à l’échelle nationale » (Source : Le monde.fr – Janvier 2015).
Mais entre les partisans d’un encadrement plus strict de ce secteur et les opérateurs de téléphonie sans fil, opposés, eux, à tout frein réglementaire, le problème n’est pas prêt d’être résolu.
Une innovation technologique pour voir l’invisible
« Nous sommes complètement entourés par un système invisible de câbles de données et de signaux radio provenant de points d’accès, de tours téléphoniques et autres satellites » déclare l’artiste designer hollandais Richard Vijgen sur son site présentant son application « The Artchitecture of Radio » qui permet de visualiser les ondes des communications sans fil autour de soi, mais aussi les signaux des antennes téléphoniques et des satellites d’observation.
Cette appli récupère les données environnantes et restitue, dans leur contexte, toutes les communications réseau. L’application utilise les bases de données disponibles comme les cartes recensant les antennes relais pour ensuite reproduire le schéma en direct, dans un lieu précis, grâce au GPS. Le designer utilise aussi le programme Ephemeris de la NASA, qui localise les satellites. Grâce à ces différentes données, le système va donc calculer la position orbitale des appareils qui envoient des signaux pour ensuite faire apparaître les ondes en réalité augmentée permettant de redécouvrir complètement l’endroit où vous vous trouvez. Pour réaliser les images, Richard Vijgen dit avoir utilisé deux logiciels: Three.js qui permet de créer des scènes en 3D et Iconic Framework qui sert à créer des applications mobiles (Source : Gizmodo).
L’application sera prête dès décembre 2015 pour iOS et au printemps 2016 pour Android. Mais une version de l’application sera présentée au public au Centre ZKM pour l’art et les médias de Karlsruhe, en Allemagne, de septembre 2015 à avril 2016.
Visualiser le monde « caché » des réseaux numériques peut-il recréer des liens humains ? Permettre à ces personnes électrosensibles de sortir de leur isolement et de leur douleur est essentiel. Si l’innovation technologique s’ajoute à la prise de conscience publique et politique, peut-on arriverons-nous à construire l’avenir au service d’une solidarité renouvelée. Comme le disait Roger Pol-Droit lors d’un colloque de la Croix Rouge en 2014, « [le numérique] c’est une juxtaposition du meilleur et du pire, mais surtout une manière de penser une nouvelle distribution des liens, de nouvelles interactions, et de nouvelles solidarités ».
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