Comment soigner les douleurs neuropathiques, maladie chronique qui affecte 7 à 10 % de la population française et pour laquelle aucun traitement n’est efficace ? La solution viendrait de chercheurs de l’Institut des neurosciences de Montpellier (Inserm/Université de Montpellier) et du Laboratoire d’innovation thérapeutique (CNRS/Université de Strasbourg) (1) qui ont mis en évidence le mécanisme responsable de l’installation et du maintien de la douleur. Grâce à leur découverte, ils ont mis au point un prototype de traitement innovant qui montre, sur des modèles animaux, un effet thérapeutique immédiat et durable sur les symptômes douloureux.
La douleur neuropathique est le résultat d’une lésion des nerfs périphériques provoquée par des pathologies comme le diabète, le cancer ou le zona ou bien causée par un traumatisme accidentel ou par une intervention chirurgicale. Ou encore après des opérations pour hernies discales, une lésion de la moelle épinière, des maladies neuronales… : entre 3 et 4 millions de Français souffrent de douleurs neuropathiques, rebelles aux antalgiques classiques.
Des chercheurs français viennent de mettre en évidence un rôle inattendu dans la douleur chronique d’une molécule particulière, appelée FLT3, connue pour son rôle dans différentes fonctions sanguines et produite par les cellules souches hématopoïétiques à l’origine de toutes les cellules sanguines. Dans cette étude, les chercheurs ont montré que les cellules immunitaires sanguines qui envahissent le nerf au site de la lésion synthétisent et libèrent une autre molécule, appelée FL, qui s’accroche et active FLT3, ce qui déclenche dans le système sensoriel une réaction en chaîne qui est à l’origine de la douleur. Ils ont mis en évidence que FLT3 induit et maintient la douleur en agissant très en amont sur d’autres constituants du système sensoriel, connus pour rendre permanente la douleur : c’est le phénomène de « chronicisation ».
Au-delà de la découverte du rôle de FLT3, les chercheurs ont créé, en passant informatiquement au crible trois millions de configurations possibles, une molécule anti-FLT3 (BDT001) ciblant le site d’accrochage de FL. Cette molécule bloque la liaison entre FL et FLT3, empêchant ainsi la chaîne d’événements conduisant à la douleur chronique. Administrée à des modèles animaux, BDT001 a réduit, en trois heures, les symptômes douloureux neuropathiques typiques comme l’hyperalgie, une sensation douloureuse accrue, ou l’allodynie, une réaction douloureuse à des stimuli normalement non douloureux, avec un effet qui persiste 48 heures après une seule administration.
La douleur neuropathique, qui affecte environ 4 millions de personnes en France, est une maladie invalidante avec un coût social très élevé. Les traitements actuels, essentiellement constitués de médicaments repositionnés, comme les antidépresseurs et les antiépileptiques, les patch très concentrés en capsaïcine ou les emplâtres de lidocaïne sont souvent peu efficaces : moins de 50 % des patients obtiennent une réduction significative de leurs douleurs. De plus, ils peuvent générer des effets secondaires importants. Alors que la prise en charge de la douleur constitue une priorité de santé publique en France, le bilan n’apparaît pas toujours à la hauteur… Parmi les Français en souffrance, les patients atteints de douleurs neuropathiques sont bien souvent en situation de profonde détresse.
Altérant considérablement la qualité de vie des patients, les douleurs neuropathiques se caractérisent par un fond douloureux permanent à type de brûlure avec parfois des sensations de coups de poignard, des brûlures ou de chocs électriques. Ces paroxysmes douloureux peuvent être spontanés ou induits par le froid, l’effleurement, les émotions, la fatigue… » déclare le Pr. Serge Blond, chef du service de neurochirurgie, coordonnateur du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur du C.H.R.U. de Lille. Ces sensations s’accompagnent généralement de fourmillements ou de démangeaisons. Autant de symptômes qui résultent d’une lésion ou un dysfonctionnement du système nerveux.
Le développement de l’innovation thérapeutique (2) issue de ces travaux de recherche est assuré par la startup française Biodol Therapeutics, qui pourrait ainsi mettre au point la toute première thérapie spécifique des douleurs neuropathiques et, à terme, soulager de nombreuses personnes.
Cette étude a été publiée le 12 mars 2018 dans Nature Communications.
(Source : CNRS)
(1) Ces travaux impliquent également des chercheurs de l’Institut de génomique fonctionnelle (CNRS/Inserm/Université de Montpellier).
(2) Ce projet a notamment été financé par l’ANR et la SATT AxLR de Montpellier. L’Inserm a licencié les droits d’exploitation des brevets attachés à cette découverte (WO2011/083124 et WO 2016/016370) à Biodol Therapeutics, une jeune startup installée à Montpellier et Strasbourg et soutenue par la BPI et la Région Occitanie.
Bibliographie :
Inhibition of neuronal FLT3 receptor tyrosine kinase alleviates peripheral neuropathic pain in mice. Cyril Rivat, Chamroeun Sar Ilana Mechaly, Jean-Philippe Leyris, Lucie Diouloufet, Corinne Sonrier, Yann Philipson, Olivier Lucas, Sylvie Mallié, Antoine Jouvenel, Adrien Tassou, Henri Haton, Stéphanie Venteo, Jean-Philippe Pin, Eric Trinquet, Fabienne Charrier-Savournin, Alexandre Mezghrani, Willy Joly, Julie Mion, Martine Schmitt, Alexandre Pattyn, Frédéric Marmigère, Pierre Sokoloff, Patrick Carroll, Didier Rognan & Jean Valmier. Nature communications, le 12 mars 2018. DOI : 10.1038/s41467-018-03496-2
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