L’Art des Ghostnets – Approche anthropologique et esthétique des filets-fantômes, de Géraldine Le Roux – Préface de Gilles Clément – Edition du Muséum national d’Histoire naturelle, décembre 2022 – 447 pages
Entre urgence écologique, attraction esthétique, engagement économique et valeur mémorielle, Géraldine Le Roux révèle comment des filets de pêche abandonnés en mer (ghostnets) mettent en branle des écosystèmes.
L’émergence et la reconnaissance internationale de l’art des ghostnets sont au cœur de l’ouvrage. Des sculptures faites à partir de morceaux de filets, des paniers tressés en corde et des représentations ultra réalistes obtenues à l’aide de fibres cousues sont l’œuvre d’une centaine d’artistes autochtones et non-autochtones, d’Australie, d’Océanie, des Amériques et d’Europe. Les gestes artistiques empruntent autant au langage des vanniers qu’au monde de l’art contemporain.
En restituant les processus de collecte sur la plage et la transformation des déchets marins dans les ateliers, la sélection et l’exposition des œuvres en galerie ou au musée, le livre questionne la place du plastique dans le monde à l’aune des savoirs locaux et des souverainetés autochtones.
Le filet-fantôme, objet a priori déchu, est régénéré tant par les gestes écologiques et artistiques que par les mémoires qu’il entrouvre et les actions qu’il entrelace entre passé, présent et futur.
« Géraldine Le Roux sillonne les océans et les îles avec un œil d’anthropologue engagée. Depuis sa thèse pionnière sur les artistes aborigènes et océaniens résidant dans les villes de la côte est australienne, elle n’a eu de cesse de contextualiser et de valoriser, par des articles scientifiques et l’organisation d’expositions, des œuvres peu connues. Dans cet ouvrage, elle inventorie des créations artistiques uniques et les croise avec des voix autochtones et des discours tenus par d’autres usagers de la mer, qui, tous, invitent à prendre soin des océans. » explique Barbara Glowczewski, directrice de recherche et médaille d’argent du CNRS.
>>>> Discussion entre Barbara Glowczewski et Géraldine Le Roux à l’occasion de la publication de l’ouvrage de G. Le Roux, L’art des ghostnets, le 8 juin 2023 à 17h30 – Amphithéâtre Rouelle, Jardin des Plantes, au MNHN – Paris Ve
Géraldine Le Roux, anthropologue à l’Université de Bretagne Occidentale, chercheuse associée à la James Cook University en Australie et commissaire d’exposition, travaille depuis plus de vingt ans auprès d’artistes australiens aborigènes et insulaires du détroit de Torres, et de créateurs polynésiens, samoans, maori et kanak. Mises en exposition, processus de patrimonialisation et circulation internationale des objets et des discours sont au cœur de ses analyses. En 2012 à Paris, Géraldine Le Roux a exposé pour la première fois des œuvres en ghostnets et a coordonné en 2021 la première collection muséale d’art des ghostnets en France. Pour suivre la trace du plastique, elle a embarqué pour un tour du monde à la voile, une expérience de science participative racontée dans Sea-Sisters. Un équipage féminin à l’épreuve de la pollution dans le Pacifique, prix du livre engagé pour la planète (2021).
Barbara Glowczewski, directrice de recherche émérite du CNRS au Laboratoire d’Anthropologie Sociale, est l’auteure d’une douzaine de livres. Les Rêveurs du désert/Desert Dreamers et Rêves en colère mettent en valeur la pensée réticulaire à l’œuvre dans la créativité onirique et les cartographies mythiques, rituelles et artistiques des Warlpiri et d’autres Aborigènes d’Australie rencontrés au cours des décennies. Ses travaux récents portent sur la justice sociale : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/aborigenes-d-australie-une-voix-au-parlement-8206780, l’interdépendance du soin de la terre et de ses habitant.es humain.es ou non et la nécessité d’alliances transversales face à l’urgence climatique (Indigenising Anthropology with Guattari and Deleuze, Réveiller les esprits de la terre). B. Glowczewski cherche à restituer les recherches anthropologiques sous des formes innovantes et expérimentales pour rendre visible la singularité créative des populations et leurs modes d’attachement à la terre qui se reconstruisent face aux injustices sociales et environnementales.