Jardins en commun(s) – Politiser l’écologie ordinaire, de Victoria Sachsé – Editions de la Maison des sciences de l’homme/Collection 54, 17 octobre 2024 – 312 pages
Si les jardins partagés peuvent être perçus comme un phénomène de mode pour un public urbain en manque de verdure, ils sont issus d’une longue histoire de réappropriation des terres, en réaction à leur privatisation ou à leur abandon. Au-delà du simple territoire à cultiver, ils soulèvent de nombreuses interrogations sur l’organisation sociale telle que nous la connaissons.
Victoria Sachsé propose une analyse approfondie des jardins partagés en milieu urbain, en s’appuyant sur des études de cas à Strasbourg et à Rome. Elle démontre comment ces espaces, gérés collectivement, transcendent leur fonction première de lieux de culture pour devenir des laboratoires de la démocratie participative et de l’engagement citoyen.
L’auteure met en lumière la manière dont ces jardins favorisent l’émancipation des individus et la politisation des questions écologiques. En participant activement à la gestion de ces espaces, les citoyens redéfinissent leur rapport à la terre et à l’alimentation, remettant en question les rôles traditionnels de consommateur et de producteur, ainsi que le modèle agricole conventionnel.
Sachsé souligne également les défis liés à l’appropriation de l’espace public par ces initiatives. Les interactions avec les institutions locales varient, oscillant entre collaboration et conflit, et révèlent les tensions inhérentes à la coproduction de l’espace public. Ces dynamiques participatives interrogent les notions de propriété et introduisent la perspective des « communs » comme réponse aux crises sociales et environnementales actuelles.
Toutefois, l’ouvrage pourrait approfondir davantage les limites et les obstacles rencontrés par ces initiatives, notamment en ce qui concerne leur pérennité et leur capacité à influencer les politiques publiques à plus grande échelle. De plus, une comparaison avec d’autres formes de participation citoyenne en milieu urbain aurait pu enrichir l’analyse.
« Jardins en commun(s) » offre une contribution significative à la compréhension des jardins partagés en tant qu’espaces de transformation sociale et écologique, tout en ouvrant des pistes de réflexion sur la réappropriation collective de l’espace urbain.
Enfin, l’ouvrage montre comment les associations de jardiniers deviennent légitimes pour penser la coproduction de l’espace public aux côtés des institutions, redéfinissent la propriété et introduisent la notion de « communs » en réponse à la crise sociale et environnementale.
Victoria Sachsé est docteure en géographie, elle travaille à la frontière entre géographie sociale et sociologie politique. Sa thèse porte sur les jardins partagés à Rome et à Strasbourg comme lieux d’appropriation de l’espace public, de participation citoyenne, et d’expérimentation de nouveaux communs. L’interaction entre la ville et la « nature » est également interrogée dans ses travaux. Dans ses expériences ultérieures, ses réflexions s’élargissent aux systèmes alimentaires de manière plus globale afin d’observer les transformations à l’œuvre à différentes échelles ainsi que la contribution des différents acteur(rice)s (agriculteur(rice)s, citoyen(ne)s, entreprises, collectivités…) à ces changements.