Dans le massif des Maures (sud-est de la France), les collines commencent à reverdir après un incendie qui avait brûlé l’été dernier quelque 7.000 hectares de végétation. Mais la régénération de la forêt méditerranéenne, pourtant adaptée aux feux, pourrait avoir des limites.
« C’était le quatrième depuis 1979 », compte avec un certain fatalisme, Michel Mondani, maire des Mayons, en énumérant les incendies qui ont ravagé son village et dont le dernier, en août 2021, a fait deux morts sur la commune voisine de Grimaud, au-dessus du Golfe de Saint-Tropez. Des milliers de vacanciers avaient dû être évacués face à l’avancée des flammes dans cette zone boisée.
Un an plus tard, les arbousiers, le thym et autres arbustes reprennent doucement vie au milieu des chênes-lièges et pins d’Alep encore noircis qui surplombent les crêtes, constate cet ancien pompier volontaire. « La nature reprend ses droits, mais on voit que les incendies successifs l’épuisent », poursuit l’ex-chef du centre d’incendie et de secours de ce village de 630 habitants.
Une écorce très épaisse qui protège le chêne-liège de l’impact létal des températures lors du passage de flammes, des pins dont les cônes libèrent une banque de graines qui, au contact de la cendre, donnent naissance à de nouveaux arbres, des arbustes dont les nœuds de reprise sont situés sous terre… En région méditerranéenne « la majorité des espèces sont adaptées au feu », explique à l’AFP Anne Ganteaume, spécialisée dans l’évaluation des risques incendie, au sein de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) d’Aix-en-Provence.
Limites de la résilience naturelle
« Si la fréquence des incendies est modérée ce n’est pas un problème majeur. Le feu permet de réguler certaines plantes invasives. Cela peut surprendre, mais sans incendie, un contingent d’oiseaux comme les alouettes, les bruants pourraient disparaître car leurs habitats s’embroussailleraient », rappelle également Roger Prodon, professeur émérite à l’Ecole pratique des hautes études et spécialisé dans « l’écologie des incendies ». Les scientifiques mettent toutefois en garde sur les limites de cette « résilience naturelle » de la flore méditerranéenne face au changement climatique et aux canicules à répétition, un de ses symptômes.
Si le nombre d’hectares brûlés avait baissé de manière générale en France avec 45.000 hectares en moyenne par an dans les années 1970-1980 contre 12.000 hectares depuis 2006, le feu qui a ravagé 21.000 hectares en Gironde et la fréquence des feux appellent à la vigilance. « Si la fréquence des feux augmente, ce qui est attendu dans le futur, l’intervalle deviendra trop court pour que, par exemple, le pin d’Alep arrive à maturation et libère ses graines avant qu’un nouveau feu ne le brûle », prévient Mme Ganteaume.
En France, « l’activité (des feux) va s’intensifier dans les zones où elle est déjà forte, dans le Sud-Est et aussi s’étendre aux marges montagneuses de cette région du Sud », ainsi que « dans la moitié Nord où les températures et la sécheresse vont augmenter », pointe Jean-Luc Dupuy, spécialiste des incendies à l’Inrae d’Avignon. À l’image du feu en juillet sur les Monts d’Arrée, en Bretagne ou celui de la forêt de Baugé dans le Maine-et-Loire.
« Il ne faut pas s’attendre à ce que les espèces s’adaptent à l’arrivée d’un nouveau régime de feu (fréquence naturelle de feu que peut supporter un écosystème sans effets irréversibles à long terme, NDLR) en quelques décennies », prévient M. Dupuy. « L’adaptation nécessite plusieurs milliers d’années », insiste le chercheur particulièrement inquiet pour « les nouveaux territoires » dont la végétation est moins adaptée aux feux qu’en région méditerranéenne.
En Provence-Alpes-Côte-d’Azur, pour la première fois, des fonds publics et privés ont été débloqués à l’initiative de la Région, via son programme Respir, afin de venir en aide aux massifs forestiers et prévenir de nouvelles catastrophes. Les effets collatéraux des incendies à répétition sont en effet nombreux : faute de végétation pour retenir l’eau de pluie le risque d’inondations augmente, le ruissellement des cendres dans les fossés peut aussi déséquilibrer la qualité de l’eau, essentielle aux animaux.
Quelque 468.000 euros ont ainsi été engagés pour des travaux prioritaires comme du « fascinage » consistant à consolider les berges des cours d’eau avec des morceaux de bois et à ralentir le ravinement de l’eau dans les pentes les plus raides. Auparavant, près de 200.000 euros de travaux d’urgence (abattage d’arbres calcinés menaçant de s’effondrer, élagages) avaient déjà été engagés.
« Il faut rendre la forêt la plus résistante possible face au prochain incendie », reconnait Julie Mariton, du Syndicat mixte du massif des Maures, « il faut être humble, on sait que ça se reproduira ».
AFP