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Biodiversité dans les rivières françaises : il est temps de sonner l’alarme !

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Malgré les dépenses déployées pour les politiques de l’eau, estimées à 500 milliards d’euros depuis 20 ans, les populations d’oiseaux et de poissons d’eau douce stagnent de manière inquiétante et seulement 43,1% des cours d’eau et plans d’eau en France hexagonale sont en bon état écologique. C’est sur ce constat alarmant de l’état de santé des écosystèmes d’eau douce que s’ouvre le nouveau rapport du WWF France “Pour des Rivières Vivantes » qui tire la sonnette d’alarme sur les menaces qui pèsent sur un écosystème en danger et pourtant inestimable.

Des torrents qui coulent des glaciers alpins aux affluents calmes de la Loire, les rivières françaises remplissent des fonctions fondamentales au niveau physique et écologique. Les rivières ne sont pas qu’un simple décor bucolique. Elles participent au cycle de l’eau et au cycle géologique en transportant les sédiments issus de l’érosion vers la mer.
Réservoirs de biodiversité, elles abritent un grand nombre d’espèces et répondent aux besoins essentiels d’autres espèces, comme les oiseaux migrateurs.
Ces écosystèmes remplissent donc des fonctions essentielles, pourvu qu’ils soient maintenus dans un bon état écologique… Elles ont en effet un rôle d’épuration naturelle et servent d’habitat à de nombreuses espèces de poissons, d’oiseaux mais aussi de corridors écologiques. Pourtant, malgré leur rôle essentiel, près de 56,9 % des eaux françaises ne sont pas en bon état écologique, comme l’indiquent les données produites par les agences de l’eau.

De plus, le nouveau rapport du WWF France “Pour des Rivières Vivantes”, paru ce 22 mai 2024, met en lumière un léger déclin des populations d’oiseaux et de poissons observées en rivière (-0,4%), avec des espèces emblématiques comme la truite des rivières ou le grèbe huppé particulièrement menacées. Cette quasi stagnation masque une dégradation globale de la qualité des petits cours d’eau du milieu rural, compensée par une amélioration de la qualité de l’eau des fleuves en aval des grandes villes.

« Les rivières et cours d’eau sont les témoins des enjeux de notre temps. Les zones humides abritent une biodiversité très riche et stockent même plus de carbone que nos forêts. Victimes de destruction et de pollution, elles figurent aujourd’hui parmi les écosystèmes les plus dégradés. Leur bon état est pourtant déterminant pour notre adaptation au changement climatique.
Ces écosystèmes très diversifiés contribuent à l’économie, à la sécurité alimentaire et au bien-être humain. La plupart de nos villes anciennes se sont développées autour des fleuves, qui permettent le transport des biens et des personnes. Et surtout, les cours d’eau remplissent des fonctions écologiques insoupçonnées en servant d’habitat et de couloir de migration aux espèces terrestres et aquatiques, en régulant les crues et la température ou en contribuant à l’épuration des eaux et la recharge des nappes phréatiques.
Hélas, les constats de notre rapport sont clairs : l’état écologique de nos rivières est alarmant. Malgré les investissements considérables consentis depuis trois décennies pour améliorer la qualité des eaux françaises, la biodiversité aquatique du pays décroît légèrement depuis vingt ans. Autrement dit, si l’eau qui coule dans les fleuves est plus propre aujourd’hui grâce aux efforts des villes et des industries, les milliers de kilomètres de petits cours d’eau qui faisaient la biodiversité ordinaire de la France voient, eux, leur qualité écologique continuer de se dégrader.
Force est de constater que la France est bien loin de l’objectif fixé par la Directive Cadre sur l’Eau : atteindre un bon état écologique de ses eaux à l’horizon 2027, qui constitue déjà une seconde dérogation par rapport à l’ambition initiale fixée pour 2015…
Les données compilées témoignent d’une perte de biodiversité de 0,4% en 20 ans dans les milieux d’eau douce, en ne comptant que les oiseaux et les poissons. La perte est plus sensible pour les oiseaux associés aux milieux agricoles.
Heureusement, des solutions existent. Nous en déclinons plusieurs dans ce rapport car le constat qu’il délivre sur l’état de nos rivières, loin de paralyser notre action, doit être une invitation à accélérer l’action.
Pour améliorer l’état quantitatif et qualitatif de nos cours d’eau, repenser l’usage des ressources qui nous entourent et l’ensemble de nos modes de vie est essentiel. Nous devons inventer de nouveaux modèles plus efficaces, plus équilibrés, plus durables, en commençant par hiérarchiser les usages de l’eau.
Nous sommes confrontés à la nécessité de changer notre système en profondeur, avec le défi de faire évoluer ce qui constitue vraisemblablement la plus existentielle de toutes nos relations : celle qui nous lie à la nature.
Pour y parvenir, nous avons besoin de l’engagement de tous : celui des décideurs publics, dont on attend des politiques ambitieuses, à la hauteur des enjeux, mais aussi celui de chacun d’entre nous, car les particuliers, en additionnant leurs efforts, ont le pouvoir de faire bouger les lignes.
Parce que les rivières ne sont pas qu’un simple décor bucolique. Elles nous approvisionnent en eau et en nourriture et nous offrent des services aussi précieux qu’irremplaçables, comme la fertilisation des sols ou l’épuration de l’eau.
Parce que l’eau est un bien commun et que nous en sommes tous dépendants pour notre bien-être.
Ensemble, préservons la qualité de cette ressource indispensable.« 
Véronique Andrieux, Directrice générale du WWF France

Les rivières, symbole de la maîtrise de l’homme sur la nature

En effet, les rivières ont été malmenées par les activités humaines depuis des décennies et particulièrement par l’agriculture intensive. L’intensification des pratiques agricoles a participé de manière forte à recalibrer les rivières en les approfondissant et en les élargissant, à arracher les haies incluant les ripisylves (perte de 43% entre 75-85 et 2006).

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Le drainage des terres qui l’a accompagné a aussi contribué à la disparition de près de la moitié des zones humides entre 1960 et 1990. Or, les politiques de restauration des rivières mises en place depuis plusieurs années et les dépenses importantes accompagnant cette réorientation n’ont malheureusement pas suffit à ce jour à contrebalancer l’ensemble des atteintes à l’environnement.

Yann Laurans, directeur des programmes du WWF France, explique que “Le déclin observé de 0,4% des populations de poissons et d’oiseaux d’eau douce peut paraître anecdotique. Pourtant c’est une donnée inquiétante. Car c’est près de 500 milliards d’euros qui ont été déployés depuis 20 ans pour en assurer la préservation : cela signifie que malgré tous ces efforts, l’état écologique des rivières ne progresse pas comme nous pourrions nous y attendre.
Les pressions exercées par l’homme sur cet écosystème, notamment pour continuer à nourrir un système agricole productiviste, mettent aujourd’hui en danger certaines espèces comme la truite des rivières. Depuis des années, le WWF se mobilise pour enrayer ce déclin, notamment grâce à des programmes de préservation des zones humides. Mais nous avons aussi besoin de mobiliser les pouvoirs publics : seule la mise en place d’une politique de l’eau ambitieuse permettra de préserver cette ressource indispensable.

Les solutions pour garder nos rivières vivantes

Afin de continuer à protéger les écosystèmes d’eau douce, le WWF France s’est fixé deux priorités sur le terrain :

  • La préservation des zones humides, reposant notamment sur un projet d’acquisition foncière de zones humides en France et le déploiement de projets de Paiements pour Services Écosystémiques avec des propriétaires d’étangs. Il faut systématiser la protection des zones humides et leur déclinaison dans les documents de planification territoriaux, tels que les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT) ou Plans d’urbanisme (PLUi), au regard de la faiblesse de leur prise en compte dans ces outils de planification. Au-delà des enjeux de protection, l’Etat doit encourager financièrement l’acquisition foncière de zones humides par les collectivités, ce qui demeure le meilleur moyen de les préserver. Comme lors du Grenelle de l’environnement, l’Etat doit pouvoir se fixer un objectif d’acquisition (20.000 hectares de zones humides à l’époque).
  • Le renforcement de la résilience de l’eau face au changement climatique, en soutenant une agriculture économe en eau et en s’appuyant sur les solutions fondées sur la nature.

Mais l’amélioration significative de l’état de santé des écosystèmes d’eau douce ne pourra pas se faire sans des politiques publiques ambitieuses. Ainsi, le WWF France appelle les pouvoirs publics à :

  • Une restauration de grande ampleur des cours d’eau en réaffirmant l’objectif français pris à l’occasion des Assises de l’eau en 2018, de préserver et de restaurer 25 000 km de cours d’eau et leur continuité à l’horizon 2030. Cet objectif, fixé en 2018 à l’occasion des Assises de l’eau, est malheureusement resté sans suite. En vue de la tenue du Sommet international « One Water Summit », initié par la France et qui se tiendra en septembre 2024, le WWF attend du gouvernement qu’il porte une telle ambition en matière de restauration des cours d’eau et de leur continuité. Le WWF appelle le gouvernement Français à réaffirmer et mettre en œuvre cet engagement de protection et de restauration des écosystèmes d’eau douce.
  • Une réévaluation de la fiscalité de l’eau pour appliquer le principe pollueur-payeur face aux impacts majeurs des pollutions agricoles diffuses sur la ressource en eau, et inciter à réorienter les pratiques agricoles vers l’agroécologie. Face aux impacts majeurs des pollutions diffuses agricoles (nitrates, pesticides notamment) sur la ressource en eau, la redevance dont s’acquitte le monde agricole est aujourd’hui insuffisante et donc impuissante à réparer les dégâts causés comme à réorienter les pratiques. Une trajectoire progressive de hausse de la redevance pour pollutions diffuses est nécessaire pour financer la transition agroécologique, ainsi qu’une évolution de son assiette pour englober un maximum de polluants au-delà des pesticides, comme les engrais azotés et les micropolluants. 

La préservation de la ressource en eau est l’affaire de chacun. Il nous appartient à tous de façonner le monde que nous voulons, un monde où les besoins des personnes et ceux de la nature seront satisfaits, de manière équitable.
À notre échelle, nous pouvons donc agir aussi. Au-delà des recommandations habituelles, comme ne pas laisser couler le robinet inutilement ou privilégier les douches au détriment des bains, il y a un geste, à la portée de tous mais auquel on pense moins : manger autrement ! Aujourd’hui, les cultures les plus gourmandes en eau sont celles destinées à l’alimentation des animaux d’élevage… que nous consommons sous forme de viande.
En somme, bien qu’au premier abord, le lien de cause à effet ne saute pas aux yeux, en mangeant moins de viande et en privilégiant des produits d’élevage de plein air et nourris à l’herbe, nous contribuons à une meilleure gestion de la ressource en eau à l’échelle mondiale.

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