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Le Jardin planétaire 2015 de Thierry Gaudin

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L’expression « Jardin planétaire » est destinée à se substituer à  « développement durable » en posant clairement que la finalité ne peut plus être économique, comme le suggère le mot « développement », mais beaucoup plus vaste : la construction d’un équilibre harmonieux entre l’espèce humaine et la nature.

« Ne doutez jamais qu’un petit groupe de citoyens réfléchis et engagés puisse changer le monde. C’est même la seule chose qui ait jamais réussi »
Marguaret Mead, Anthropologue américaine (1901-1978)

Objectifs Colloque Jardin Planétaire 2015

En mars 1999, des experts en provenance de 25 pays, réunis à Chambéry à l’occasion d’un colloque autour du concept de Jardin Planétaire adoptèrent unanimement une déclaration qui, sans nier les acquis de la civilisation moderne, lançait un cri d’alarme face aux dérives d’une exploitation et d’une commercialisation sans limite du Vivant qui conduit l’Humanité à la catastrophe.
Pour relever ce défi, elle exhortait tous les responsables à replacer le long terme au centre de leurs préoccupations pour transformer la Planète en un jardin capable de participer de manière durable à la satisfaction des besoins (nutritionnels, énergétiques, économiques et esthétiques) des populations.

Cette déclaration, qui n’a peut-être pas reçu tout l’écho nécessaire, anticipait une situation qui, aujourd’hui, s’impose comme évidence aux yeux de tous. Forte de ce constat et s’appuyant sur des réflexions ininterrompues poursuivies depuis quinze années, l’association 2100 estime qu’il est de sa responsabilité et de son devoir de provoquer une nouvelle rencontre pour échanger et partager toutes les réflexions et expériences permettant de résoudre la crise écologique globale de la Planète. La perspective de voir la France hôte d’une conférence internationale décisive sur le changement climatique en 2015 offre à cet égard une occasion exceptionnelle.

Cet appel à un nouveau colloque autour du concept de Jardin planétaire s’articule autour de trois parties dédiées aux défis actuels de la Planète, à la présentation du concept de jardin Planétaire et aux thématiques qui pourraient être au centre des débats lors de cette prochaine rencontre.

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1. Les défis planétaires du 21ème siècle

L’avenir de la Planète est largement imprévisible. Mais tout le monde sait, sans toujours se l’avouer, que les principaux défis du 21ème siècle sont d’ordre écologique : changement climatique, épuisement des ressources naturelles, en particulier pertes de biodiversité, pollutions des eaux, des sols et des airs,…

Ces questions se posent dès aujourd’hui. Mais leur ampleur va être démultipliée dans l’avenir : non seulement la population mondiale va passer de 7 à 10 milliards d’habitants d’ici à 2050, mais surtout, du fait du rétrécissement du monde (à la base du concept devillage planétaire cher à Mac Luhan), entrainé par le développement des Technologies de l’Information et de la Communication –TIC- ,  il faudra qu’à cette échéance une plus grande partie de l’Humanité puisse connaître des conditions de vie proche de celles d’un Européen sobre. Sinon les frustrations, notamment celles des populations du Sud, seraient trop grandes et le monde serait alors déchiré par des guerres sans fin.

Les conséquences de ces évolutions sur les ressources naturelles sont considérables puisque la majorité des experts pense que la consommation énergétique et alimentaire de la population mondiale pourrait doubler d’ici 2050.

Face à ces perspectives, les avis sont partagés :

  • Du fait de la capacité de l’espèce humaine à ne pas croire ce qu’elle sait, la plupart de nos concitoyens adoptent le comportement de l’autruche : ces questions sont largement traitées par les médias mais on se comporte comme si cela ne nous concernait pas, ni aujourd’hui, ni demain ;
  • considérant les prodiges que le progrès technique a réalisés depuis deux cent ans, d’autres comptent sur les scientifiques et les ingénieurs pour trouver les solutions relevant ces défis ;
  • mais l’opinion publique a appris qu’il n’y a pas de progrès technique sans risques. Aussi des voix s’élèvent pour plaider en faveur d’une décroissance technologique et économique de manière à limiter l’empreinte écologique de nos consommations. Toutefois, une telle approche est totalement rejetée par les pays du Sud qui la considèrent comme une nouvelle forme de colonialisme. Se référant au passé, ils font observer que jusqu’à la fin du 20ème siècle, c’étaient les pays occidentaux qui étaient la cause principale des problèmes écologiques de la Planète et en sont encore largement responsables.

Ainsi la dialectique dominante du futur sera l‘opposition frontale entre compétition et solidarité. Celle-ci s’exprime aujourd’hui dans la confrontation de la logique libérale qui domine à l’OMC et qui privilégie la compétition et la performance avec celle des Cours Suprêmes de justice nationales ou régionales et de nombreuses organisations non gouvernementales qui promeuvent le partage et la solidarité.

2. Le concept de Jardin Planétaire

Depuis sa fondation, ces questions sont au cœur des travaux de l’Association Prospective 2100, créée il y a plus de vingt ans par Thierry Gaudin et Lucien Deschamps. Elle constitue le thème de réflexion d’un de ses clubs, dénommé Jardin Planétaire, lancé par Hervé Bichat à partir d’une proposition de Michel GriffonLes hypothèses de base sont les suivantes :

  • Il faut prendre acte que l’Homme a exploré, puis exploité – voire sur exploité -, toutes les terres émergées, les océans et maintenant l’espace. Il est aussi illusoire de penser que la solution aux problèmes actuels consisterait à diminuer fortement son impact que de revenir à l’état des Amériques avant l’arrivée de Christophe Colomb.
  • Le destin de la Planète est entre les mains des peuples de la Planète. Leur première responsabilité est de prendre conscience que ses ressources ne sont pas infinies et que leurs prélèvements ne peuvent qu’être limités. C’était l’expérience fondamentale des premières cultures et des civilisations paysannes. Elle a été perdue depuis la  Révolution industrielle qui a exacerbé les désirs pour développer les industries de consommation. Ce retour aux fondamentaux est très douloureux. Il peut multiplier les tensions entre les couches sociales et les pays. Mais il est indispensable pour éviter une catastrophe écologique mondiale.
  • Il faut éviter de penser qu’il y a UNE solution pour sortir le Monde de la difficulté où il se trouve. En réalité, la difficulté de concilier l’écologie et l’économie tient à ce que les échelles de temps et d’espace de l’une et de l’autre ne s’accordent pas : si les écosystèmes sont locaux et s’inscrivent dans des temps longs, l’économie cherche à tirer toutes les conséquences de la mondialisation des activités humaines en privilégiant des temps très courts. Pour illustrer ce propos, jamais l’Amérique latine ne ressemblera à l’Europe ou à l’Asie du Sud-Est. Il ne sera donc possible de concilier les performances économiques et les contraintes écologiques qu’en prenant pleinement en compte ces contraintes de temps et d’espace. Cela devrait conduire à reconnaître qu’il est pleinement légitime de respecter l’autonomie des communautés humaines à l ‘échelle la plus appropriée pour faciliter cette convergence indispensable de l’écologie et de l’économie.
  •  Le concept de Jardin Planétaire va au delà de la notion économique d’agriculture « durable » (sustainable agriculture), car il pose que la relation du jardinier avec son jardin, symbole de celle de la Société avec la Nature, est une valeur en soi qui ne passe pas par une médiation comptable. L’amour de la Nature qu’il exprime est à la fois universel et particulier. Chaque civilisation a sa manière de jardiner, chaque jardinier a son inspiration personnelle et doit pouvoir l’exprimer. Le jardin est aussi un projet : c’est d’un territoire sous sauvegarde mais en devenir. Il responsabilise directement le jardinier, c’est à dire l’individu citoyen et non pas seulement l’institution
  • Il fait bien entendu référence à celui de Village planétaire : nous sommes dans un monde fini, rétréci par les avancées des technologies de l’information et des communications (TIC). Celles-ci posent d’ailleurs un problème aujourd’hui car l’expansion de ces technologies paraît encore sans limite (« loi de Moore ») alors que c’est tout à fait différent en ce qui concerne les ressources naturelles.
  • Il prend acte de ce que l’espèce humaine, désormais dominante dans l’écosystème mondial, doit faire un effort pour être davantage maîtresse de elle-même. Cela suppose qu’elle retrouve les voies d’une maîtrise heureuse de ses désirs. Celle-ci est indispensable pour qu’elle gère la Planète comme le ferait un jardinier.
  • Le concept de « jardin planétaire » plaide, non pas pour un retour illusoire au passé mais au contraire pour aller, avec prudence mais aussi avec détermination vers de nouveaux horizons s’appuyant, à la fois sur les avancées de la science et de la technologie, et aussi sur les expériences sociales et politiques aux différents niveaux de la communauté humaine en devenir.

En conclusion, ce concept de Jardin Planétaire apparaît comme complémentaire de celui dedéveloppement durable lequel est repris comme un moulin à prière par les commentateurs. En effet ses impératifs, écologiques, économiques et sociaux sont souvent contradictoires. Alors que le Jardin planétaire nous appelle à créer une vraie harmonie avec la nature grâce à une gestion, aussi savante que consciente, des écosystèmes de la Planète.

3. Vers un nouveau colloque Jardin Planétaire

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Au stade actuel de ses réflexions, le club Jardin Planétaire estime que le moment est venu de procéder à une nouvelle synthèse des réflexions poursuivies autour de cette thématique. La prochaine négociation internationale sur le climat qui devrait se dérouler en 2015 et que beaucoup d’experts estiment décisive, offre à cet égard une opportunité qu’il convient de saisir.

Ce nouveau colloque Jardin Planétaire 2 pourrait être construit autour des  cinq thématiques suivantes :

  • Les questions vitales posées par l’action de l’Homme : Il est entendu que l’espèce humaine joue désormais un rôle central dans l’évolution de la Planète. Or l’histoire des civilisations montre de nombreux cas d’effondrement où une inadaptation des comportements aux ressources ont entrainé soit des famines, soit des épidémies et réduit l’ordre de grandeur de la population. Venant après le rapport Bruntland (1987), qui a introduit l’expression « développement durable », les travaux de Jared Diamond (notamment Effondrements, 2005) invitent à poser clairement  la question de la pérennité des civilisations, de la civilisation contemporaine mondialisée en particulier. Trop souvent ces questions sont traitées de manière économique et académique en présupposant que la quantité des échanges est le seul objectif légitime sans se préoccuper du contexte naturel, social et politique. Le concept Jardin planétairesuppose que pour surmonter les crises écologiques et d’approvisionnement qui s’annoncent, il faudra gérer l’ensemble des écosystèmes planétaires comme ceux d’un jardin tout en satisfaisant les besoins de l’Humanité. Pour autant cette intervention humaine massive devra respecter un certain nombre de règles éthiques car la fin (satisfaire les « besoins » ou supposés tels de l’humanité) ne saurait justifier l’emploi de tous les moyens. Cette réflexion devra  tenir compte des situations d’urgence, ce qui concerne, entre autres, les biotechnologies.
  • Quelles règles du jeu ? : le concept initial, traduction française de sustainable development(Bruntland 1987), est aujourd’hui évoqué en permanence alors que l’expérience prouve qu’il est plus que difficile de concilier les développements écologique, économique et social comme il le revendique. Ce « développement durable » est donc un oxymore. Il n’est pas opérationnel. Il sert  surtout à des exhortations dont l’impact concret sur les comportements reste à démontrer. Cette insuffisance permet de comprendre l’apport du concept de Jardin Planétaire. Mais énoncer un concept ne suffit pas ; il faut aussi définir et mettre en œuvre des règles du jeu qui fassent en sorte que les 8 milliards d’humains construisent de leur propre mouvement un jardin pérenne, ce que ne font pas les règles du jeu économique actuel. Il sera sans doute nécessaire, à cet effet, de revoir les notions de travail et d’emploi et même de mettre en chantier un autre système monétaire que celui que nous connaissons.
  • L’Agroécologie : Au cours des années 1990, les impacts écologiques négatifs de la Révolution verte, qui avait rénové en profondeur les conditions de la production agricole dans de nombreuses régions tropicales (et notamment dans les plaines alluviales de leurs grands fleuves), sont devenus de plus en plus manifestes. C’est pourquoi les meilleurs experts ont appelé à une révolution doublement verte. Leurs réflexions débouchent aujourd’hui sur le concept d’Agroécologie. L’objectif est de mettre au point des systèmes agricoles aussi performants globalement que ceux des systèmes techniques pratiqués aujourd’hui (en termes de production et de productivité du travail) mais qui seraient beaucoup plus économes en facteurs de production xénobiotiques (engrais minéraux, pesticides chimiques, énergie fossile). Cela débouche actuellement sur de nombreuses recherches et expérimentations autour de nouvelles associations de cultures rassemblant chercheurs et agriculteurs. 2015 serait une bonne échéance pour faire le point de ces travaux, leurs avancées et leurs limites, de manière à ce que ce concept ne devienne pas une nouvelle ritournelle sans impacts réels.
  • Biopolis : les agglomérations urbaines s’imposent de plus en plus comme des acteurs majeurs tant au niveau économique que social : la mondialisation est d’abord une métropolisation ! ces espaces urbanisés ont de multiples impacts écologiques négatifs : consommations excessives, pollutions gravissimes des eaux, des sols et des airs, pertes de biodiversité irrémédiables, montagnes de déchets… Mais ces dérives ne sont pas inévitables. Des urbanistes et des élus novateurs ont montré qu’il était possible de concevoir des villes économes et pour une part autonomes, en harmonie avec leurs hinterlands. Cette réflexion doit être poursuivie. Elle peut constituer un thème majeur du colloque envisagé.
  • Education des jeunes : les citoyens de 2050 sont nos enfants d’aujourd’hui. Leur éducation constitue donc un enjeu considérable pour les préparer à affronter les crises écologiques à venir. Or le jardin est un lieu exceptionnel pour favoriser l’éveil de tous les sens et de l’intelligence de l’enfant. Il est également un bon media pour lui faire découvrir la diversité du vivant dans un environnement de plus en plus standardisé. Initié dès son jeune âge aux problématiques d’un jardin, même de dimension modeste, il sera davantage apte, devenu adulte, à comprendre les enjeux écologiques de la Planète et à agir pour trouver les bonnes solutions. L’éducation des jeunes à travers un jardin constitue donc une thématique très importante qui fait l’objet de nombreuses expérimentations. Le colloque pourrait constituer une occasion pour favoriser les échanges et les partages.

Conclusions

La situation de l’Humanité, confrontée aux limites écologiques de la Planète, est très grave. Mais en même temps, de multiples initiatives sont prises pour essayer de relever ces défis. L’association 2100 suggère que le concept de Jardin Planétaire est particulièrement approprié pour faciliter les échanges et les débats. Elle espère qu’elle pourra trouver les partenariats nécessaires pour organiser en 2015 un nouveau colloque dans le cadre de la préparation de la Conférence internationale sur le changement climatique dont la France sera l’hôte. 

©Jardin planétaire 2014

– Essai « L’aménagement du terriitoire vu de 2100 » de Thierry Gaudin (30 juin 2013)

– Livre « L’impératif du Vivant » – Thierry Gaudin 

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