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Où sont passés les anchois et les sardines ?

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En dix ans en Méditerranée, la biomasse des sardines a été divisée par trois, passant de plus de 200 000 tonnes à moins de 67 000 tonnes. On retrouve ces mêmes proportions chez les anchois. Mais où ces petits poissons – également appelés « petits pélagiques » – sont-ils donc passés?
 
Pour comprendre le phénomène qui a des impacts économiques importants, les scientifiques se sont associés aux pêcheurs. Chaque mois, les pêcheurs ont prélevé des anchois et sardines selon un protocole scientifique bien précis (lieu, date, heure, méthode de pêche). Le projet EcoPelGol a décrypté pendant trois ans les fluctuations des stocks de petits pélagiques dans le golfe du Lion. La faute n’incombe ni aux prédateurs, ni aux virus mais bien à l’environnement. Face à la baisse de qualité du plancton, les poissons utilisent plus leur énergie pour se reproduire que pour grandir… Financé par France Filière Pêche, EcoPelGol été réalisé par l’unité mixte de recherche MARBEC (IRD / Ifremer / CNRS / Université de Montpellier)[1] en partenariat avec l’Université de Gérone (Espagne) et l’Institut Méditerranéen d’Océanologie MIO (Aix Marseille Université/Université de Toulon / CNRS / IRD).

Autant de poissons… mais plus petits

« Ces dernières années, la biomasse d’anchois et de sardines avait considérablement baissé », précise Claire Saraux, coordinatrice du projet EcoPelGol, chercheuse à l’Ifremer de Sète et membre de l’UMR MARBEC. « En revanche, globalement le nombre de poissons n’a pas diminué, il a même augmenté. Mais la taille des poissons a sensiblement diminué, passant de 15 à 11 cm pour les sardines. » Cette diminution s’expliquait par deux facteurs : d’une part, une baisse de la croissance des poissons et d’autre part, une disparition des individus âgés de plus de 2 ans : les plus gros. Par ailleurs, les scientifiques ont constaté une forte diminution du gras accumulé par les poissons. Comment s’explique ce phénomène ?

L’alimentation, la prédation, les agents pathogènes ?

De nombreuses pistes ont été étudiées par les chercheurs. Les poissons ont-ils subi une trop forte prédation des thons rouges ? « Ce n’est pas le cas, confirme Claire Saraux. Les thons rouges consomment une part infime des populations de petits pélagiques (moins de 2%) et ils ne sélectionnent pas leurs proies en fonction de leur taille ! » La faute à des agents pathogènes qui viendraient affaiblir, voire tuer, les anchois et les sardines ? Là non plus, pas de résultat probant. « Nous avons évalué plus de 1000 sardines pendant un an. Aucun virus, aucune bactérie n’a été détectée. Et si la majorité des poissons est porteuse de micro-parasites, aucun impact d’agents pathogènes n’a pour le moment été trouvé. Toutefois, un doute persiste encore sur un parasite du foie des poissons que nous sommes actuellement en train d’étudier. »
 
Le coupable serait donc l’alimentation ? En étudiant le contenu des estomacs d’anchois et de sardines, les scientifiques ont montré que les proies ingérées étaient plus petites que dans les années 1990. « Les populations de sardines et d’anchois seraient affectées par un changement de la communauté planctonique, constituée d’espèces moins énergétiques qu’avant. Cette baisse de qualité du plancton serait liée non pas à la pêche mais bien à des changements environnementaux (tels que la température, le débit du Rhône, etc.» Moins d’énergie, moins de gras, moins de croissance ?

La reproduction plutôt que la croissance

Malgré cette diminution dans l’apport d’énergie, les sardines et les anchois se reproduisent plus qu’ils ne grossissent. Ils commencent à se reproduire plus jeunes et développent des gonades (glande sexuelle reproductrice) toujours aussi grosses, voire plus, proportionnellement à leur taille. Cela explique également pourquoi la durée de vie des sardines et anchois « nouvelle génération » est plus faible : en favorisant la reproduction au détriment de la croissance, les poissons mettent en danger leur survie sur le long terme. « Au-delà d’EcolPelGol, nous poursuivons nos recherches pour mieux comprendre les liens entre croissance, reproduction et conditions environnementales » souligne Claire Saraux. « Pour cela, nous avons commencé des tests de mise en captivité des sardines. Les premiers résultats semblent confirmer qu’il est possible pour les sardines en captivité de reconstituer rapidement leurs réserves et de rétablir leur croissance.»
 
Les petits pélagiques, c’est quoi ? On appelle poissons pélagiques les poissons qui nagent entre deux eaux. Les thons, les marlins, les espadons… sont des grands pélagiques. Les sardines, anchois, harengs … sont des petits pélagiques. On les nomme également « poissons bleus ». Les petits pélagiques sont des espèces clefs de voûte de l’écosystème de par leur place centrale dans la chaîne alimentaire. Ces espèces représentent un enjeu économique très important pour les pêcheries françaises. 50% des poissons pêchés en Méditerranée sont des sardines et des anchois. « Le fait que les sardines et les anchois soient petits et maigres pose vraiment un problème de revenu aux pêcheurs », souligne Claire Saraux. « Il n’y a pas de marché pour des poissons si petits et avec si peu de gras. Le prix d’achat est très bas et la rentabilité n’est plus suffisante pour les pêcheurs. Résultat, l’activité de pêche est devenue très opportuniste, par exemple en été, quand la sardine est proche de la côte autour de Port-Vendres (Pyrénées Orientales) et qu’il y a un marché local très développé
 
[1] L’Unité Mixte de Recherche (UMR) MARBEC, MARine Biodiversity, Exploitation and Conservation, est l’un des plus importants laboratoires travaillant sur la biodiversité marine et ses usages en France avec environ 230 agents, dont 80 chercheurs et enseignants-chercheurs. MARBEC est implantée à Sète, Montpellier et Palavas-les-Flots, ainsi que dans l’océan Indien, en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Elle étudie la biodiversité marine des écosystèmes lagunaires, côtiers et hauturiers, principalement méditerranéens et tropicaux.
 
Source : IFREMER 30/03/2016

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