LIRE DANS UP :Le Groenland fond à vitesse exponentielle et pourrait faire monter le niveau des océans de sept mètres
La fonte des glaces s’accélère au Groenland. L’introduction massive d’eau douce dans l’Atlantique pourrait provoquer de très graves sécheresses au Sahel ainsi qu’une crise migratoire d’ampleur.
Deux espaces que tout oppose mais pourtant liés par le réchauffement climatique : le Groenland, terre glacée inhabitée, et le Sahel, zone tropicale densément peuplée.
Une équipe de chercheurs français de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) basé à Marseille a expliqué qu’une accélération de la fonte des glaces du Groenland pourrait impacter les millions de personnes vivant au Sahel. Ces recherches ont fait l’objet d’un compte-rendu sur le site de l’IRD et d’une publication complète dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Cette étude vient de démontrer que la région sahélienne pourrait connaître une grave crise agricole et démographique du fait de la fonte des glaces du Groenland, accélérée par l’augmentation des températures. Ces travaux se basent sur l’un des scénarios les plus pessimistes du dernier rapport du GIEC où le niveau de la mer augmenterait de 0,5 à 3 mètres d’ici 2100. « Le Groenland fond plus vite que l’Antarctique et l’introduction de cette eau douce et froide en grande quantité dans l’Atlantique ralentit le Gulf Stream, explique le premier auteur de l’étude Dimitri Defrance. On observe alors un refroidissement de l’hémisphère Nord qui s’étend jusqu’au Sahara. Au Sud, le golfe de Guinée est plus chaud. Ce différentiel de températures génère un gradient de pression qui empêche la mousson de remonter vers le Sahel. »
L’AMOC (circulation atlantique méridionale de retournement) est un courant marin familier des océanographes dont un des segments est encore plus connu : le Gulf Stream apportant à l’Europe l’air chaud en provenance des Bahamas. Il s’avère que l’AMOC fait dans son ensemble le lien entre les deux zones que sont le Groenland et le Sahel. Ce courant charrie les eaux chaudes de l’océan Atlantique au niveau de l’Équateur africain vers le Groenland. Si ce courant s’arrête ou ralentit du fait de la fonte des glaces, c’est l’Europe puis l’Afrique qui seraient gravement impactés mais de manière très différente. En effet, le climat sous les tropiques deviendrait encore plus chaud alors que notre continent pourrait se refroidir de manière significative. Cette situation occasionnera un déplacement de la mousson vers le sud du Sahel, faisant chuter drastiquement le niveau des précipitations.
En l’absence de pluies, la région sahélienne s’assècherait et se réchaufferait. La culture du sorgho qui nécessite entre 520 et 600 mm de précipitations annuelles, d’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ne pourrait plus être pratiquée dans ces conditions. Plus de 360 millions de personnes vivant dans ces zones de culture seraient concernées d’ici la fin du XXIe siècle, soit un tiers de la population du Sahel. Dans cette situation, l’exil constituerait une des solutions de survie. « La majorité des migrants climatiques se déplacent généralement à l’intérieur de leur propre pays, détaille le spécialiste des risques côtiers Jean-Paul Vanderlinden. Ils s’installent dans les grandes agglomérations ou les zones côtières. Mais dans ce scénario, le littoral serait érodé par l’augmentation du niveau de la mer. Il souffrirait davantage d’inondations et ne pourrait plus accueillir ces migrants. Ils devraient se déplacer à l’extérieur de leurs pays. »
Un autre moyen de lutter contre la sécheresse serait la modification des pratiques agricoles : techniques de paillage pour limiter l’évaporation de l’eau, meilleure gestion de l’eau pluviale, rotation des cultures, modifications du calendrier agricole ou sélection de nouvelles variétés. Par exemple, le sorgho pourrait être remplacé par le mil, plus résistant à la sécheresse. « Les agriculteurs pourraient cultiver des variétés plus résistantes à la sécheresse, souligne le climatologue Benjamin Sultan. Mais ces variétés sont moins productives alors que la population augmentera fortement. Ce type de semences est également peu accessible dans cette région. »
Face à ce constat, les chercheurs élaborent des modélisations ciblées, notamment à travers des projets de recherche comme Agricora. L’enjeu est d’apporter des outils d’aide à l’adaptation pour les acteurs locaux à travers ces informations météorologiques, agronomiques et hydrologiques. « Le Sahel connaît depuis longtemps des crises climatiques et ses habitants ont développé des techniques d’adaptation qui peuvent être mises en défaut par l’ampleur des changements climatiques à venir, relève Benjamin Sultan. L’objectif est de renforcer ces techniques en facilitant l’accès des acteurs locaux aux informations climatiques et aux scénarios produits par les chercheurs. »
Un enjeu d’autant plus crucial que les dernières mesures enregistrent une accélération imprévue de la fonte des glaciers du Groenland.
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