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Les plans de Joe Biden pour lutter contre l’urgence climatique
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Les plans de Joe Biden pour lutter contre l’urgence climatique

C’est bien mais il y a encore beaucoup à faire

Joseph R. Biden vient de prêter serment sur les marches du Capitole. Il devient le quarante-sixième président des États-Unis. Le monde entier l’attend, particulièrement sur la question de la lutte contre les dérèglements climatiques. Son action consistera d’abord à remettre en question toutes les initiatives délétères prises par son prédécesseur en la matière. Un plan ambitieux mais qui souffre encore de lacunes importantes.

Pour combattre le changement climatique, le président Joe Biden va réengager immédiatement les Etats-Unis dans l’accord de Paris sur le climat, et doit, selon toute vraisemblance, bloquer le projet controversé d’oléoduc Keystone XL, au risque de froisser ses relations avec le Canada. Mais après quatre ans de présidence Trump, il incombe surtout au nouveau président de restaurer la crédibilité des Etats-Unis sur la scène internationale, en affichant des objectifs concrets sur la manière d’atteindre la neutralité carbone dès 2050.

Pour cela, Joe Biden doit entreprendre une reconquête diplomatique. Il prévoit de réunir les dirigeants des nations les plus polluantes pour un sommet où il entend convaincre ces pays de revoir à la hausse leurs engagements. « Il est important que les Etats-Unis montrent qu’ils sont déterminés, et notamment chez eux », juge David Waskow, du World Resources Institute, un institut qui plaide pour que l’Amérique fixe une réduction de 45 à 50 % des émissions totales de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005.

La nouvelle administration prévoit ainsi d’imposer des limites strictes en matière de méthane pour les nouvelles infrastructures pétrolières et gazières, a indiqué à Vox un porte-parole de l’équipe de transition du président élu, Jamal Brown.

Il existe de nombreuses mesures à la portée du démocrate pour effacer les dommages environnementaux causés par son prédécesseur. Joe Biden peut ainsi notamment rétablir la série de réglementations environnementales annulées par Donald Trump – des normes d’émissions des voitures à la pollution atmosphérique industrielle, tout en dévoilant de nouvelles normes comme la protection de 30% des terres et des eaux américaines d’ici 2030.

Le Président devrait lever également les attaques en justice lancées par l’administration Trump contre l’État de Californie visant principalement à endiguer son programme de réduction de gaz à effet de serre. Cette décision redonnera les coudées franches aux États les plus avancés dans leur transition énergétique et permettra d’entraîner les autres États américains dans cette course.

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Économie verte

Le président démocrate présentera au Congrès le mois prochain son plan de 2.000 milliards de dollars pour le climat, censé placer durablement les mesures vertes au cœur de l’économie américaine. Il promet ainsi « de faire face à la crise climatique, de construire une économie basée sur l’énergie propre, de s’attaquer à l’injustice environnementale et de créer des millions d’emplois syndicaux bien rémunérés ». Ces mesures sont très similaires au « green new deal » préconisé par la frange progressiste du parti démocrate.

Or c’est là que les choses risquent de devenir plus délicates : le parti démocrate n’exercera qu’un contrôle très mince sur le Sénat et risque d’être confronté à des levées de boucliers. « Le défi sera de rallier les Républicains à un projet d’infrastructure d’énergie propre qui pourrait considérablement réduire les émissions américaines », analyse auprès de l’AFP Paul Bledsoe, conseiller climatique de l’ancien président Clinton, aujourd’hui au Progressive Policy Institute.

Mais intégrer pleinement l’action climatique à la manière dont l’économie est construite est ce qui en fera un programme « durable », juge M. Waskow. Car les défis politiques et techniques sont importants, et M. Biden sera soumis à des pressions pour ne pas réduire trop rapidement les combustibles fossiles, en particulier le gaz naturel, qui a aidé les Etats-Unis à réduire leurs émissions pendant une décennie et qui est considéré comme une énergie de transition essentielle.

Un public américain qui veut agir pour le climat

Un sondage mené après l’élection et publié la semaine dernière par l’université de Yale a révélé qu’une majorité des électeurs des deux partis soutenait les politiques visant à réduire la pollution au carbone et à promouvoir les énergies propres. Plus de la moitié estime que le réchauffement climatique doit être une priorité importante, voire très importante, pour le président et le Congrès, tandis que deux tiers voient dans le développement de sources d’énergie propre une priorité élevée ou très élevée.

Des lacunes

Il reste toutefois de graves lacunes dans les plans de Joe Biden sur le climat et l’environnement. C’est le cas notamment de la pollution par les plastiques qui est passée sous silence. Les combustibles fossiles sont de plus en plus décriés et écartés des plans de production énergétique. Mais les compagnies pétrolières ont déjà trouvé un moyen de sortir de l’ornière climatique : miser sur la production de plastique.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, le plastique et les autres produits pétrochimiques représentent actuellement 14 % de la consommation mondiale de pétrole. Mais si la tendance à la croissance se poursuivait, ils devraient être à l’origine de la moitié de la croissance de la demande mondiale de pétrole d’ici 2050. Pourtant, malgré des impacts évidents sur le climat, la santé publique et la nature, Joe Biden n’a pas fait beaucoup de promesses pour freiner la production de plastique. Le plan climatique du président ne fait aucune mention des émissions de gaz à effet de serre du plastique, reconnaissant seulement brièvement que la pollution des océans constitue une menace. Pendant sa campagne, M. Biden a déclaré que le pays devrait éliminer progressivement les sacs à provisions en plastique, mais n’a pas dit grand-chose d’autre sur la réduction de la production.

« La pollution par le plastique n’a pas encore été directement abordée par l’administration Biden, mais j’espère qu’elle reconnaîtra qu’on ne peut pas résoudre la crise du changement climatique sans s’attaquer à la production de plastique », a déclaré Judith Enck, ancienne administratrice régionale de l’Agence de protection de l’environnement et présidente de Beyond Plastics.

Bien sûr, il n’est pas possible que l’administration Biden arrête complètement la production de plastique en quatre ans seulement. Cela signifie qu’elle devra également commencer à travailler sur des politiques visant à éliminer durablement le plastique qui existe déjà. En pratique, cela implique de mettre fin au recyclage chimique et à l’incinération, deux méthodes qui créent des pollutions très toxiques. Le plan d’action présidentiel pour les plastiques suggère plutôt que les régulateurs travaillent avec le National Institute of Standards and Technology (l’agence des normes américaines) pour fixer des normes minimales de contenu recyclé pour les plastiques à usage unique, et chargent l’Agence de protection de l’environnement de créer de meilleurs systèmes pour suivre dans quelle mesure les villes, les États et les entreprises réduisent réellement leur consommation de plastique et améliorent leurs programmes de recyclage.

Marges de manœuvre

Ces actions sont toutes possibles même sans le soutien du Congrès. Car le président Biden, en s’appuyant sur les institutions américaines, ses agences et administrations possède une marge de manœuvre considérable. Mathilde Godard analyse dans Forbes que si le pays est à bien des égards allergique au « Big Government » et à l’« Establishement », il n’est pas pour autant démuni de tout pouvoir central. Au contraire, l’État fédéral est un acteur clé de l’économie américaine et a marqué l’histoire du XXe siècle par son interventionnisme (Complexe Militaro-Industriel, taux d’intérêt, cours du dollar, …). Le Président Joe Biden entend utiliser cette puissance fédérale comme moteur de la lutte contre le réchauffement climatique. L’objectif est de relayer l’influence de l’Etat fédéral à travers différentes agences qui pourront insuffler un vent réglementaire nouveau, plus ambitieux et contraignant en modelant le marché américain vers des actifs moins émetteurs de gaz à effet de serre.

La commande publique reste le champ d’action fédéral le plus important. L’État central détient et gère plus du tiers du territoire américain. C’est lui qui alloue les permis d’exploitation, les locations de parcelles, les autorisations d’extraction de matières premières… Dans cet environnement institutionnel, Biden peut forger une double ambition : d’une part, accélérer le développement de projets renouvelables sur ces terres fédérales afin d’influencer et stimuler le marché, notamment off-shore ; d’autre part, protéger les espaces terrestres et marins en règlementant ou interdisant l’exploitation de leurs ressources. Le Président Barack Obama avait déjà œuvré en ce domaine en interdisant l’exploitation du pétrole contenu dans la zone exclusive située au Nord-Est des Etats-Unis dans les océans Arctique et Atlantique. Cette décision a marqué l’histoire législative du pays par son caractère inédit et son irrévocabilité.

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Maintenant, avec les démocrates qui contrôlent le Sénat et la Chambre, l’administration du président Biden, avec sa figure de proue climatique en la personne de John Kerry, pourrait faire encore plus pour enrayer d’urgence non seulement la crise du plastique mais la crise climatique en général. Biden en a les moyens ; il lui reste toutefois à réinventer l’imaginaire américain, nourri par trois siècles d’exploitation intensive des ressources de la planète. Ce ne sera pas le plus mince de ses défis.

Source : AFP, Gizmodo, Forbes

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