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People’s Climate Case : le Tribunal reconnaît le changement climatique comme une menace pour les individus, mais déclare l’affaire irrecevable

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C’était pourtant le premier procès, la toute première action en justice pour le climat au niveau de l’Union européenne : des familles européennes et mondiales contre les instances européennes en mai 2018 pour leur inaction face au changement climatique. Mais le Tribunal de l’UE a acté l’irrecevabilité de cette action, nommée « l’affaire du People’s Climate Case », ce 15 mai 2019, pour des raisons de procédure. Si le tribunal reconnaît dans sa décision les impacts du changement climatique comme menaçant les droits humains des plaignants, celui-ci a déclaré de fait, que les familles et les jeunes affectés par le changement climatique n’avaient pas le droit de recourir aux tribunaux pour contester les objectifs climatiques européens – objectifs qui mettent leurs droits fondamentaux en danger. Les familles à l’initiative du recours ont prévu de faire appel devant la Cour Européenne de justice (CJUE).
 
En mai 2018, dix familles du Portugal, d’Allemagne, de France, d’Italie, de Roumanie, du Kenya, des Fidji ainsi que l’Association suédoise de la jeunesse saami, Sáminuorra, se rassemblaient dans un recours unique face au Parlement européen et au Conseil Européen, pointant l’insuffisance de l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030, et les impacts de cette politique inadéquate sur leurs droits humains fondamentaux. Les plaignants, au travers de ce recours inédit, affirmaient que l’objectif de l’UE en matière de lutte contre le changement climatique visant à réduire les émissions nationales de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, était trop faible et ainsi menaçait leurs droits fondamentaux à la vie, à la santé, au travail et à la propriété (1).
 
Dans le cadre de leur défense, le Parlement européen et le Conseil européen, en octobre 2018, avaient demandé au Tribunal de statuer sur la recevabilité de l’affaire – une procédure préliminaire permettant de déterminer si les dix familles et les jeunes Saamis pouvaient être autorisés à contester la politique climatique de l’union devant le Tribunal européen.
 
Dans sa décision du 15 mai 2019, et même si le Tribunal de l’UE admet que « chaque individu est affecté d’une manière ou d’une autre par le changement climatique » (“every individual is affected one way or another by climate change”) – ce qui confirme la légitimité des demandeurs à l’origine de la présente affaire -, la plainte est rejetée sur le fondement d’une interprétation des dispositions légales, en particulier le critère de « préoccupation directe et individuelle ». Cette décision négative sur la « recevabilité » est décevante mais pas surprenante, car ce critère est connu pour restreindre l’accès aux tribunaux sous certaines conditions. En 2017, un comité de l’ONU a estimé que l’interprétation de ce critère (pour les ordres exécutifs) par la Cour européenne contrevenait aux dispositions de la Convention d’Aarhus relatives à l’accès à la justice.
 
Les familles et l’association de jeunesse Saami prévoient de faire appel devant la Cour de justice européenne avant le 15 juillet 2019. Le tribunal de grande instance et de dernière instance (i.e. la CJUE) a toute latitude pour interpréter la loi différemment et ainsi initier de nouveaux développements juridiques, ce que les plaignants appellent de leurs vœux. Celle-ci devra décider si les familles des demandeurs et les jeunes Saamis sont autorisés à faire valoir leurs droits devant la justice européenne.
 
Roda Verheyen, avocate coordinatrice de l’affaire, a déclaré : « L’affaire n’est pas classée sur le fond. Au contraire, la Cour admet que le changement climatique a un impact sur tout le monde, mais s’abstient de traiter des faits relatifs au changement climatique et aux impacts sur les droits humains. Au cours de la procédure d’appel, nous demanderons à la Cour de justice de la Communauté européenne d’examiner la décision à la lumière des faits climatologiques et des conséquences pour les droits humains que nous avons démontrées au travers de notre requête. Cet ordre ne peut subsister si l’UE souhaite réellement porter le projet d’une « Europe pour tous »”.
 
Sanna Vannar, 23 ans, représentante de l’association de jeunesse Saami, a déclaré : « Depuis que nous avons déposé ce recours l’an dernier, les effets du changement climatique se sont encore aggravés. Pour les jeunes Saamis, le changement climatique ne concerne plus seulement la politique. Cela affecte notre vie quotidienne : feux de forêt frappant les pâturages Saamis, morts de rennes dûs au manque de nourriture, et stress émotionnel créé par l’incertitude des conditions climatiques devenant le principal problème de santé de ma génération. Nous avons besoin que les tribunaux examinent les faits sur le changement climatique et rappellent aux dirigeants de l’UE qu’ils ont le devoir de protéger les citoyens. Ce n’est pas juste un recours comme les autres. Il s’agit de protéger nos droits et notre avenir. «  
 
Maurice Feschet, lavandiculteur français âgé de 73 ans, a déclaré : « À mon âge, en plus de soutenir les marches pour le climat avec les nouvelles générations qui se lèvent, cette affaire est la seule chose que je puisse faire pour protéger mes enfants et mes petits-enfants. En tant que citoyen, je me dois de faire appel devant les tribunaux de cette décision, car les politiciens ne parviennent malheureusement pas à prendre les mesures qui s’imposent en faveur du climat. »
 
Pour Marie Pochon, Coordinatrice Générale de Notre Affaire à Tous : « Partout dans le monde et en Europe, les impacts du changement climatique affectent de plus en plus nos droits fondamentaux, et aggravent les inégalités déjà existantes. Or en refusant d’ouvrir la possibilité pour ces personnes de faire entendre leurs voix et leurs préjudices en matière environnementale ou climatique, ce sont bien les plus fragiles que nous privons de justice. Il est temps que les institutions tout autant que le droit s’adapte à la nouvelle donne climatique, et permette à chacun de faire valoir ses droits, non seulement fondamentaux, mais aussi, à un avenir juste et vivable. Nous irons jusqu’au bout de cet appel, et continuerons d’exhorter les élus, à tous les niveaux, d’agir à la hauteur de la crise climatique et des solidarités que nous vivons. »
 
Depuis le lancement du People’s Climate Case en mai 2018, le Parlement européen a adopté deux résolutions appelant à augmenter de 40 % à 55 % les objectifs climatiques de l’UE à l’horizon 2030. La semaine dernière, plusieurs États membres, dont la France, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, l’Espagne, le Portugal, le Luxembourg, la Lettonie et la Belgique, ont publié une déclaration commune invitant tous les dirigeants de l’UE à se mettre d’accord sur la neutralité carbone à l’horizon 2050 et sur le rehaussement de l’Objectif 2030 au Conseil européen de juin.
 
 
 
Notes :
 
1/ L’analyse de ClientEarth sur la procédure d’admissibilité du People’s Climate Case met en évidence le manque d’accès aux tribunaux de l’UE :
 
2/ Chronologie du People’s Climate Case :
  • 24 mai 2018 : 10 familles et l’association de jeunes saami déposent le People’s Climate Case devant le Tribunal de l’UE ;
  • 13 août 2018 : le Tribunal européen publie l’affaire au Journal officiel de l’Union européenne et la procédure commence officiellement ;
  • 24 septembre 2018 : Le CAN Europe, Wemove.eu et l’Association allemande des petits agriculteurs (Arbeitsgemeinschaft bäuerlicher Landwirtschaft e.V.) deviennent intervenants dans le People’s Climate Case ;
  • 15 octobre 2018 : la défense écrite du Parlement européen et du Conseil sont soumises à la Cour ;
  • 10 décembre 2018 : les plaignants répondent à la défense de l’UE et la procédure écrite est close ;
  • 15 mai 2019 : le Tribunal européen partage son ordonnance du 8 mai 2019 sur l’irrecevabilité de l’affaire.
3) Les plaidoiries relatives au People’s Climate Case et à l’ordonnance de la Cour : https://peoplesclimatecase.caneurope.org/documents/
 
Source : CP People’s Climate Case
 

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