La surpopulation est un élément de base de la fiction dystopique depuis des décennies, avec des récits prédisant une expansion illimitée de l’humanité, poussant les ressources de la Terre au point de rupture. Un regard neuf sur les chiffres dépeint un scénario très différent : la démographie humaine chutera, certains pays perdant jusqu’à la moitié de leur population. On pourrait croire qu’un recul démographique allègerait l’empreinte humaine sur l’environnement. Mais la réalité d’une population en baisse pourrait être bien sombre.
Une équipe de chercheurs estime que d’ici les années 2060, il y aura peut-être deux milliards de personnes supplémentaires sur Terre. Mais quelques années plus tard, les chiffres chuteront à mesure que les taux de fertilité diminueront et que des pays comme le Japon et l’Italie perdront jusqu’à la moitié de leur population. Il est difficile de dire quel sera l’impact de ce déclin global sur la société et la planète. Mais la réalité d’une population en baisse n’est pas forcément une bonne nouvelle.
Des défis nouveaux
« Bien que le déclin de la population soit potentiellement une bonne chose pour réduire les émissions de carbone et la pression sur les systèmes alimentaires, plus de personnes âgées et moins de jeunes est une situation qui pose des défis économiques nouveaux aux sociétés. Celles-ci devront s’efforcer de se développer avec moins de travailleurs et de contribuables, et les capacités des pays à générer la richesse nécessaire pour financer l’aide sociale et les soins de santé pour les personnes âgées seront réduites », déclare le premier auteur cette étude Stein Emil Vollset, biostatisticien de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) à Washington.
Dans leur nouvelle recherche publiée par la revue The Lancet, Stein Vollset et une équipe de l’IHME et de la faculté de médecine de l’Université de Washington ont utilisé des données recueillies dans le cadre de l’étude 2017 sur la charge mondiale des maladies pour évaluer la croissance de la population dans le monde. Leurs résultats suggèrent que le chiffre actuel de 7,8 milliards d’êtres humains devrait augmenter jusqu’aux environs de 2064, où il se stabilisera à 9,7 milliards. Ensuite, le bassin démographique diminuera, nous ramenant à 8,8 milliards à la fin du siècle. (voir le tableau complet des statistiques démographiques)
Ces chiffres contrastent fortement avec d’autres estimations faites ces dernières années, certaines avançant des chiffres aussi élevés que 12,3 milliards d’ici 2100, sans aucun plateau en vue. Alors, qui devons-nous croire ? Savoir à quelles prédictions se fier dépend des outils mathématiques dans lesquels on a le plus confiance.
La carte fluctuante des populations
Pour prévoir la taille d’une population dans une région donnée, il faut disposer d’un modèle capable de prendre en compte avec précision les diverses contraintes et incitations qui influent sur le nombre d’enfants que les gens produisent au cours d’une vie. Les tentatives passées se sont appuyées sur ce que l’on appelle l’indice synthétique de fécondité, qui est simplement le nombre total d’enfants nés d’un individu au cours d’une vie. Une alternative consiste à utiliser la fécondité de la cohorte achevée – une moyenne du nombre d’enfants nés d’un groupe de femmes à un âge donné. Dans le cas présent, à l’âge de 50 ans.
La dernière étude utilise cette alternative, et adopte également une approche légèrement différente pour déterminer les schémas de migration qui affectent la trajectoire de la croissance démographique pour une zone donnée. « En rendant explicites les voies par lesquelles les modèles de fécondité, de mortalité et de migration peuvent changer, notre modèle est capable d’identifier en quoi les tendances temporelles futures pourraient être différentes des tendances passées », écrit l’équipe dans son article.
Les résultats fournissent plus qu’un simple nombre actualisé d’humains vivant sur Terre dans les décennies à venir. Les chercheurs décrivent une carte fluctuante des densités de population et des changements critiques dans la composition de la citoyenneté dans divers pays.
Aujourd’hui, les nations d’Afrique subsaharienne ont une moyenne d’environ 4,7 naissances par femme, un chiffre qui devrait tomber en dessous du taux de remplacement d’ici 2100. Le Niger a détenu le record en 2017, par exemple, avec un nombre étonnant de sept naissances par mère. Ce chiffre devrait, selon ce tout nouveau modèle, tomber à 1,8 d’ici 2100.
Conséquences « dévastatrices »
Dans d’autres endroits du globe, les chiffres devraient s’effondrer à moins d’un changement radical. La population du Japon pourrait passer de 128 millions en 2017 à 60 millions en 2100. Même la Chine pourrait passer bien en dessous du milliard d’habitants d’ici là, s’établissant à un peu plus de 730 millions.
À l’heure actuelle, la Chine est susceptible de dépasser les États-Unis en termes de produit intérieur brut dans les années à venir. Mais si sa population en âge de travailler diminue comme prévu, la croissance économique pourrait facilement régresser et redonner la première place aux États-Unis au début du siècle prochain. Ceci, bien sûr, si l’Amérique maintient une population active grâce à l’immigration et à un soutien accru aux services de santé reproductive.
« Pour les pays à revenu élevé dont le taux de fécondité est inférieur au taux de remplacement, les meilleures solutions pour maintenir les niveaux de population actuels, la croissance économique et la sécurité géopolitique sont des politiques d’immigration ouvertes et des politiques sociales qui soutiennent les familles ayant le nombre d’enfants qu’elles souhaitent », déclare Christopher Murray, directeur de l’IHME et responsable de la recherche.
« Cependant, il existe un danger très réel que, face à une population en déclin, certains pays envisagent des politiques qui restreignent l’accès aux services de santé reproductive, avec des conséquences potentiellement dévastatrices. » Ces conséquences « dévastatrices » d’une diminution de la population dépendent aussi largement de la manière dont les nations protègent les droits des travailleurs et redistribuent les richesses.
Les individus âgés de plus de 80 ans connaîtront un boom dans la seconde moitié du siècle, se multipliant par six. Cela constituera non seulement un défi en termes de soutien social, mais mettra en grande tension les ressources en matière d’hospitalisation et de soins de santé.
Les auteurs de l’étude sont conscients qu’ils ne détiennent pas forcément la vérité sur la taille prévisible des populations. Leurs modèles sont certainement très affutés mais ils ne peuvent travailler que sur les données disponibles à un moment donné. Or si une pandémie mondiale nous a appris quelque chose, c’est bien que les événements qui bouleversent les populations sont tout sauf prévisibles. Néanmoins, il s’agit d’un avertissement opportun. Une croissance sans fin reste un scénario catastrophe pour l’écologie de notre planète, mais une diminution de la population mondiale pourrait être tout aussi dramatique pour l’humanité, du moins dans le cadre des régimes économiques actuels.
Image d’en-tête : Photo Joël Philippon
Bonjour
Enfin une bonne nouvelle dans ce temps difficile. Vous avez certainement en tête ce graphique qui montre que la pollution la plus importante et de très loin pour notre planète, est l’enfant supplémentaire. Donc, enfin on voit le bout du tunnel de cette croissance démographique folle qui nous mène dans le mur.
Merci aux auteurs du travail. Je lègue un monde moins invivable à mes arrières petits enfants…