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La fermentation, atout pour soutenir la production alimentaire de demain

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A quelques jours de l’ouverture du Salon International de l’Agriculture, les acteurs du secteur se préparent pour présenter et discuter des enjeux de l’agriculture de demain. Dans ces enjeux on parlera bien évidemment de l’alimentation, sujet colossal avec l’évolution du monde. Marc Chevrel, directeur d’Arbiom, entreprise de biotechnologies spécialisée dans la production de protéines à hautes qualités nutritionnelles, présente ici son point de vue sur la fermentation comme atout pour soutenir la production alimentaire de demain.

Le processus de fermentation consistant à transformer des matières organiques en aliments et boissons, est à la fois ancestral et moderne. Depuis des siècles déjà, l’humanité a profité des avantages de la fermentation, un moyen efficace permettant la conservation et la production d’aliments nutritifs. Cette technique a donc largement démontré son utilité pour nourrir le monde ; est-ce la solution pour répondre aux défis de la croissance démographique et de la transition écologique ? Est-il possible de développer largement la fermentation et les innovations qui en découlent mais qui demeurent méconnues du grand public ?

La croissance de la population mondiale, estimée à 9 milliards en 2050, et l’augmentation du niveau de vie sont les moteurs essentiels de l’augmentation des besoins en nourriture, qui représente un véritable défi pour l’humanité. Dans le même temps, le système alimentaire a un impact indéniable sur notre environnement : il est une cause majeure d’utilisation de nos ressources, demandant toujours plus de terres ou d’eau, et il représente à lui seul 25 à 30% des émissions des gaz à effet de serre. Pour réussir à nourrir l’humanité tout en préservant la planète, il est indispensable d’innover et de faire appel à de nouvelles façons de produire nos aliments.

En particulier, nous devons nous appuyer sur le développement de nouvelles sources de protéines. Selon le rapport BCG Food for Thought : The Protein Transformation, le vaste marché des protéines alternatives atteindra 290 milliards de dollars en 2035.

Innover grâce aux savoirs ancestraux

La fermentation est un processus de transformation naturel dans lequel diverses bactéries, levures et champignons transforment un substrat comprenant des sucres et de l’eau. Les microorganismes se multiplient, colonisent le substrat (qui peut être alimentaire), et en modifient son goût, sa texture, son aspect, tout en permettant sa conservation. La fermentation est à l’origine des fleurons de notre gastronomie tels que le pain, le vin ou encore le fromage ou les yaourts. Ces techniques séculaires nous offrent de délicieux produits mondialement reconnus, et consacrés par l’inscription de la gastronomie française au patrimoine mondial de l’Unesco.

L’industrie agroalimentaire génère plus de 30 % de résidus ou co-produits : pelures de fruits et légumes, marc de fruits et du vin, drêches de brasserie (céréales après fermentation…) Ces rebuts sont utilisés comme nourriture pour les animaux, transformés en compost ou biogaz, ou finissent à la décharge. Une seconde vie pourrait être donnée à ces rebuts de l’industrie alimentaire en les transformant par fermentation.

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Comme l’expliquent les auteurs du livre « Au cœur de la fermentation » (1), « Pionnières de la vie sur terre, les levures et bactéries sont omniprésentes dans notre environnement, et les boissons et aliments fermentés sont au cœur des gastronomies du monde entier. Du faisandage de la préhistoire aux recherches en biotechnologie d’aujourd’hui, la technique s’est affinée mais le principe reste le même : s’appuyer sur le vivant pour améliorer l’alimentation des hommes. »

Aujourd’hui les innovations foisonnent dans ce secteur et positionnent cette technique comme une solution nutritionnelle, savoureuse et durable aux enjeux alimentaires et environnementaux du XXIe siècle. En effet, nous sommes désormais en mesure d’utiliser ces savoirs ancestraux pour la production à grande échelle de nouveaux ingrédients qui viendront compléter notre alimentation avec une multitude d’effets bénéfiques pour la santé comme la préservation de la flore intestinale ou encore un renforcement du système immunitaire.

Les microorganismes se multiplient à grande vitesse, sont économes en intrants et peuvent potentiellement utiliser des sources variées de carbone pour leur croissance, ce qui permet de valoriser des sous-produits des industries agro-alimentaire ou forestière. Ils peuvent être produits toute l’année et partout dans le monde dans des unités de production constituées de fermenteurs. En outre, chaque microorganisme a ses caractéristiques propres, que ce soit pour sa valeur nutritive, son goût, ses bénéfices pour la santé : exploiter cette immense variété, dont nous ne connaissons encore qu’une infime partie, sera porteur de développements majeurs pour l’alimentation.

Toutes ces qualités font de la fermentation la solution la plus plausible pour répondre au double défi de nourrir le plus grand nombre tout en limitant le plus possible les ressources utilisées et les émissions de carbone.

Favoriser l’essor industriel en France

Malgré son immense savoir-faire dans l’agro-alimentaire, la France n’exploite pas encore tout son potentiel dans le domaine de la fermentation. Afin de supporter au mieux les initiatives locales existantes et encourager le développement de nouvelles solutions, la France doit affirmer son soutien à l’industrialisation sur son territoire. Améliorer l’accès aux infrastructures de recherche et de mise à l’échelle industrielle en France est essentiel. Cela permettra en partie de faciliter les déploiements industriels d’innovations, apportant de nouvelles capacités de production qui contribueront à garantir la souveraineté et l’indépendance alimentaire en Europe.

Des initiatives existent comme la création de la plateforme Grand Défi « Ferments du futur », programme unique en Europe de recherche et d’innovation piloté par INRAE et l’ANIA, financé par l’État à hauteur de 48 millions d’euros dans le cadre de France 2030 et lancé de manière opérationnelle mi-décembre 2022. Objectif : « Préparer l’alimentation du futur, à la fois saine et durable ».

En outre, l’accès aux financements reste un défi que nous pouvons relever par le biais de programmes d’investissements publics comme celui de France Relance, mais également en suscitant un fort intérêt auprès des investissements privés en positionnant les start-ups et scale-ups françaises comme incontournables en matière d’innovation en fermentation.

La fermentation est pleine de promesses pour réussir à changer de paradigme alimentaire dans le  respect de l’environnement. Pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle le plus rapidement possible, il est primordial d’encourager l’écosystème français autour de cette technologie par des investissements publics et privés, afin de déployer les projets d’industrialisation sur notre territoire.

Rédaction UP’ Magazine, avec Marc Chevrel, directeur d’Arbiom

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Photo d’en-tête : © Marie-Claire Frédéric, journaliste gastronomique, historienne de l’alimentation, formatrice en fermentation

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