L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture estime que la population mondiale devrait compter un peu plus de 9 milliards d’âmes en 2050. Une prévision selon laquelle un accroissement de l’ordre de 70 % de la production actuelle sera nécessaire pour nourrir l’ensemble. Mais à l’heure où l’alimentation mondiale impose déjà une charge particulièrement lourde à la planète, la perspective d’une telle croissance est de très mauvais augure pour l’écosystème. Comment nourrir l’ensemble de cette population sans que l’impact environnemental ne soit plus grand. Quelles alternatives s’offrent aujourd’hui à l’élevage intensif ?
À en croire Jean-Michel Chardigny, la problématique majeure en matière d’alimentation qui se posera à l’humanité sur les prochaines décennies sera celle de la consommation de protéines.
Pour le directeur des recherches au Département Alimentation Humaine de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), dans tous les pays du monde, l’augmentation du PIB a tendance à entraîner celle de la consommation des protéines d’origine animale. Bien que l’amplitude du phénomène soit fortement corrélée à la zone géographique ou au pays, la tendance de fond demeure la même.
Il y a certes eu quelques épisodes de crise qui ont provoqué un infléchissement de la consommation de viande en occident. Mais la croissance démographique planétaire continue inlassablement de tirer la demande en protéine animale vers le haut. Et cela d’autant plus que la consommation de grandes quantités de protéines reste plébiscitée pour prendre de la masse musculaire ou pour maigrir, bien que ces régimes hyperprotéinés ne soient pas sans effets secondaires.
Pour le compte de l’année 2000, ce sont au total 229 millions de tonnes de viande qui ont été consommées. Mais selon les prévisions, la demande sera de 465 millions de tonnes en 2050. Et en ce qui concerne le lait sur la même période, il est annoncé une demande de 1043 millions de tonnes contre 580 en 2000.
En 2008, l’élevage représentait à lui seul environ 40 % de la production agricole mondiale. Aussi, selon les rapports de la FAO, son impact sur l’environnement est bien plus important que celui de l’automobile. Il serait en effet responsable de bien plus d’émission de gaz à effet de serre que l’ensemble du secteur des transports.
Mais en dehors du rôle joué dans le réchauffement climatique, l’élevage nécessite d’énormes ressources en matière d’espace. Environ 80 % des terres agricoles y sont consacrés. Et à défaut de proposer de nouvelles sources de protéine, nous nous retrouverons bien assez tôt dans une impasse selon Jean-Michel Chardigny.
La première alternative réside dans une revalorisation des protéines d’origine végétale. Selon l’expert, le régime protéiné des pays occidentaux est excessif. Nous consommons bien plus qu’il n’en faut ; et la part réservée aux protéines animales est bien trop importante. Alors qu’il est recommandé d’équilibrer les apports en protéine d’origine animale et végétale, on constate plutôt une allocation de l’ordre des ⅔ à la viande.
Les lentilles, pois chiches et autres légumineuses sont mal considérés alors même que ce sont d’importantes sources de protéines. Un comportement d’autant plus regrettable que leur revalorisation règlerait une importante partie des problématiques de l’élevage intensif.
En effet, pour produire de la viande, il est nécessaire de fournir aux animaux des protéines d’origine végétale. Or, selon Jean-Michel Chardigny, la production de protéine d’origine animale a un rendement moyen de facteur cinq. En d’autres termes, il faut 5 kilogrammes de protéine végétale pour produire 1 kilo de viande.
Alors que cette protéine végétale est également assimilable par l’organisme humain, c’est donc une perte de rendement qui ne dit pas son nom. D’autant plus que les légumineuses sont connues pour fixer l’azote de l’air et par conséquent, limiter l’utilisation d’engrais azoté. Un tableau gagnant sous tous les angles.
Dans la droite ligne des objectifs de développement durable, l’option de la substitution des protéines animales par des protéines d’insectes est une option sérieusement envisagée par la FAO pour endiguer la demande croissante en protéines.
D’autant plus que son rendement est bien plus élevé. Il ne faut en effet que 2 kilos de nourriture pour produire 1 kilo d’insectes comestibles, contre 8 pour un kilo de viande. Et il en existe beaucoup dont la teneur en protéine est bien plus importante que celle de la viande.
Plus de 2 milliards de personnes dans le monde ont déjà un régime protéiné à base d’insectes. Mais en Europe, il faudra encore faire face à un blocage culturel et réglementaire. Dans l’immédiat, l’utilisation des insectes est surtout envisagée pour l’alimentation du bétail. Cela permettrait un tant soit peu de réduire les importations de protéines et limiter les coûts du processus de production.
Hugo Blanc, Nutritionniste
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