Les îles Canaries, archipel espagnol au large de la côte nord-ouest de l’Afrique, sont prisées pour leurs plages de sable noir et de sable blanc. Mais aussi pour abriter des espèces de faune et de flore précieuses, dont beaucoup sont uniques au monde et parfois disparues de la plupart des régions du monde. Avec une telle richesse, comment les îles Canaries travaillent à développer un tourisme respectueux de l’environnement et des cétacés ? Comme concilier les attentes des visiteurs tout en protégeant le bien-être de la faune marine ? Tour d’horizon des bonnes pratiques dans l’archipel.
Peu d’endroits au monde, et encore moins en Europe, peuvent se vanter d’une richesse naturelle comme les îles Canaries. 146 zones naturelles protégées couvrent environ 40 % du territoire des îles, dont quatre parcs nationaux où au moins vingt-huit espèces différentes de baleines et de dauphins nagent dans les magnifiques eaux turquoise qui entourent l’archipel. Certains de ces mammifères résident dans la région, d’autres y font une halte migratoire. Les habitudes de ces animaux méritent d’être mieux connues et les Îles Canaries sont l’endroit idéal pour en apprendre davantage sur ces mammifères marins.
En effet, l’archipel des Canaries est l’un des rares endroits où l’on peut observer régulièrement des espèces telles que le globicéphale noir, le dauphin tacheté de l’Atlantique ou le rorqual de Bryde. Il n’y a que quelques autres endroits au monde où il est possible d’observer jusqu’à neuf espèces différentes en une seule journée. Les caractéristiques géographiques et océanographiques uniques des îles Canaries constituent un habitat adapté pour un grand nombre de cétacés.
Il y a peu de choses dans la vie qui soient aussi poignantes que de voir le souffle d’un cétacé lorsqu’il remonte à la surface. Il n’est pas surprenant que l’observation des baleines, des dauphins, des cachalots et des autres cétacés soit devenue une attraction touristique majeure qu’il faut gérer de manière responsable.
Pour Paloma Nuche, docteur en écologie et responsable des campagnes de Greenpeace, « Les îles Canaries sont confrontées à de nombreux défis liés à la durabilité, dont l’objectif est de garantir que les nouvelles générations puissent continuer à profiter pendant de nombreuses années de paysages qui, contrairement à ce qui se passe dans d’autres zones touristiques, ne sont pas encore trop urbanisés. »
Pour elle, il est essentiel de miser de plus en plus sur l’écotourisme : « Le fait que le développement économique et la conservation de la nature aillent de pair est fondamental partout, mais surtout dans un endroit comme les îles Canaries, où la nature est notre principal patrimoine. À cet égard, on continue d’œuvrer en faveur de diverses initiatives dans les différents espaces naturels protégés afin de promouvoir un modèle de tourisme lié à la nature et respectueux de l’environnement. »
Une espèce protégée
Les cétacés sont protégés par des lois régionales, nationales et européennes, ainsi que par des conventions spécifiques ratifiées par l’État espagnol (telles que celles signées à Bonn et à Berne). Plusieurs espaces des îles Canaries sont spécifiquement protégées dans le cadre d’une Zone Spéciale de Conservation (ZEC), telle que spécifiée par le réseau Natura 2000.
La Société pour l’Étude des Cétacés dans l’Archipel des Canaries (SECAC) souligne l’importance des îles Canaries dans la protection des cétacés : « Plusieurs espèces présentes aux Canaries sont peu connues dans le reste du monde. L’archipel est un laboratoire idéal pour la recherche et la conservation de ces mammifères marins ».
Les dangers du trafic maritime
L’ONG espagnole Écologistes en action Ben Magec appellent régulièrement à réduire le trafic des navires à grande vitesse dans les îles Canaries, afin de protéger les cétacés. Car les collisions entre les navires et les cétacés sont l’une des principales causes de mortalité chez cette espèce sur les îles, qui abritent de 30 à 80 espèces de cétacés. Les écologistes soulignent que des études, menées aussi bien dans les îles Canaries qu’ailleurs, révèlent que « la vitesse constitue un facteur essentiel qui augmente le risque de collision avec les cétacés ».
« Tout indique que l’augmentation du trafic maritime et de la vitesse des bateaux, ainsi que leur passage par des zones à forte densité de ces espèces sont les facteurs essentiels à l’origine du rebond du nombre de cétacés échoués aux Canaries », précise encor la fédération des écologistes des îles Canaries Ben Magec, citée par l’agence EFE.
Selon les écologistes espagnols, plusieurs articles scientifiques publiés ont révélé que le nombre de cétacés échoués chaque année suite à des collisions avec des navires aux îles Canaries dépasse de loin le taux de reproduction de certaines espèces, comme le cachalot, ce qui augmente leur risque d’extinction.
Elsa Jiménez, directrice de la Fondation Cram, une organisation privée à but non lucratif qui se consacre à la protection de l’environnement marin, explique : « La saturation de bateaux dans les zones où vivent les cétacés peut affecter leur vie. Par exemple, le bruit des moteurs et des bateaux peut nuire à la communication en faussant les messages entre les animaux. Les collisions avec les bateaux sont également un facteur de risque pour les animaux. Il a également été démontré que la saturation des bateaux est une source de stress pour les animaux. »
Le label « bateau bleu »
Le tourisme responsable est indispensable et c’est pourquoi le système de « bateau bleu » pour les excursions d’observation des cétacés a été étendu (1). Le drapeau jaune avec le logo du bateau bleu à l’intérieur certifie que le bateau en question respecte les lois qui garantissent aux cétacés de ne pas être dérangés. Cela signifie, par exemple, qu’il est interdit aux touristes de nourrir les animaux ou de se baigner avec eux. Les bateaux doivent également maintenir une distance de sécurité de 60 mètres et s’approcher lentement des animaux. Ils doivent éviter les changements de direction brusques et répétés. Le régime du moteur et les changements de vitesse doivent être réduits au minimum. L’interaction avec les animaux ne doit pas durer plus d’une demi-heure. Les touristes sont priés de rester silencieux lorsqu’ils sont à proximité des cétacés. En cas d’accumulation de bateaux, ceux-ci doivent se disperser.
Le bien-être des cétacés
« Il s’agit plus d’être prudent que d’interdire », déclare Elsa Jiménez. « Il est important de se rappeler qu’il s’agit d’une activité touristique qui a un potentiel d’éducation et de sensibilisation. » Elsa Jiménez estime que les scientifiques sont essentiels car ils jouent un rôle clé et c’est grâce à leurs connaissances que le bien-être des cétacés sera protégé. « Les populations de cétacés sont plus ou moins stables. Nous avons une bonne connaissance des zones traversées par les animaux, de leurs routines et de leurs comportements », ajoute-t-elle.
Respecter leur environnement
« En résumé, il s’agit de respecter l’environnement dans lequel vivent les cétacés. Cela peut se faire en suivant des lignes directrices telles que celles établies par le label « bateau bleu » mais il est également important que les visiteurs réfléchissent à leur propre comportement. Il est essentiel de ne pas jeter de déchets dans les eaux magnifiques des îles Canaries. Et c’est donc grâce à une bonne réglementation et des visiteurs responsables, que l’observation des cétacés dans les eaux des îles Canaries pourra être appréciée pour encore de nombreuses années », explique encore M. Jiménez.
L’importante biodiversité et la grande variété d’espaces naturels, dont beaucoup sont protégés par différentes lois et récompensés par des organismes internationaux tels que l’UNESCO (Patrimoines de l’humanité et réserves de biosphère), font de ces îles atlantiques un endroit privilégié pour la nature. Ce vaste patrimoine naturel – qui comprend aussi les cieux les plus propres et les plus clairs d’Europe, avec trois réserves Starlight à La Palma, Ténérife et Fuerteventura – invite sans aucun doute à prendre conscience de la nécessité de travailler ensemble pour une meilleure santé environnementale.
(1) Label institué par la Fédération des Industries Nautiques (FIN) en 2005