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Consultation sur le rapport Maistre : la réaction du Spiil

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Le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) a rédigé une réponse à la consultation organisée par le ministère de la Culture suite au rapport Roch-Olivier Maistre sur les aides à la presse

Pour rappel, le rapport insiste sur le fait que la différence actuelle de taux de TVA (19,6% pour le numérique ; 2,10% pour le papier) « constitue une anomalie, une distorsion de concurrence, à laquelle il faut à l’évidence mettre fin ». Il insiste aussi sur la nécessité de préserver le « principe de solidarité » entre toutes les formes de presse, en refusant de différencier au plan fiscal la presse IPG (information politique et générale) et la presse non IPG.

Plus que jamais, la presse française, qu’elle soit imprimée ou numérique, a besoin d’un environnement juridique, social et fiscal structurant, de nature à favoriser son développement dans une période de mutation structurelle aigue. Le Spiil considère que les mesures décidées par le gouvernement doivent être de nature à favoriser le développement de projets destinés à accompagner la filière dans sa mutation technologique et économique.

I. Commentaires généraux

Le Spiil a pris connaissance avec le plus grand intérêt du Rapport remis le 3 mai 2013 par le groupe de travail présidé par M. Roch-Olivier Maistre à Mme la ministre de la Culture.
Les préconisations de ce groupe de travail sur les aides à la presse rejoignent en grande partie les constats, les préoccupations et les demandes exprimées par le Spiil, notamment dans son « Manifeste pour un nouvel écosystème de la presse numérique » (18 octobre 2012).
Plus que jamais, la presse française, qu’elle soit imprimée ou numérique, a besoin d’un environnement juridique, social et fiscal structurant, de nature à favoriser son développement dans une période de mutation structurelle aigue. Les mesures décidées par le gouvernement doivent être de nature à favoriser le développement de projets destinés à accompagner la filière dans sa mutation technologique et économique.

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Ainsi en est-il de l’impérieuse nécessité d’élargir immédiatement le taux de TVA réduit (2,1%) à l’ensemble de la presse, quel que soit son support (imprimé ou numérique), par une adaptation du droit interne français, sans attendre une éventuelle modification de la Directive 2006/112 (« Directive TVA ») ; et ce, conformément à la jurisprudence récente de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

Ainsi en est-il aussi de la nécessité de mieux évaluer l’efficacité des aides « directes », et de moderniser ses règles de gouvernance dans le sens d’une définition claire des objectifs assignés, d’une meilleure expertise, d’un renforcement des évaluations et des contrôles, et d’une poursuite du travail de transparence engagé il y a deux ans.

Le Spiil reste convaincu que seule une réforme en profondeur, telle que celle préconisée par le rapport Maistre est de nature à mieux servir la filière « presse » en France : mécanismes résolument orientés sur l’accompagnement à la transition structurelle vers le numérique ; mesures privilégiant l’innovation et des projets d’intérêt commun, pour un coût budgétaire globalement moindre. De simples mesures d’aménagement ne sauraient être à la hauteur des enjeux.

Tout en reconnaissant que l’Etat ne peut pas ignorer les difficultés rencontrées par la presse écrite imprimée dans ses aspects « industriels », le Spiil considère que le poids que représentent ces problématiques dans les mécanismes d’aides existant explique en partie que « l’action de l’Etat a perdu son « effet de levier » et sa capacité à dessiner l’avenir », ainsi que le souligne très justement le rapport.

Des modèles d’affaires viables existent. Il en existe quelques exemples en France, et d’autres, nombreux, à l’étranger. Il y a trois ans, peu d’acteurs français donnaient leur chance aux modèles payants de types « paywall ». Aujourd’hui, plus du tiers des quotidiens des Etats-Unis (450 sur 1380) se sont dotés d’un tel mécanisme. Mediapart en France, Le Temps en Suisse et d’autres ailleurs en Europe, ont pu mettre en place des modèles vertueux d’abonnement payants. D’autres modèles fonctionnent aussi de manière rentable sur le principe de la gratuité. Les succès, et les échecs, dépendent de choix stratégiques adaptés aux caractéristiques de chaque marque de presse ; de la capacité à proposer une offre de qualité différenciée par rapport à la concurrence ; et d’investissements éditoriaux, marketing et technologiques souvent lourds.

L’expérience vécue par les membres du Spiil tend aussi à montrer qu’un obstacle important à l’émergence de nouveaux acteurs réside dans l’insuffisance des fonds propres des entreprises de presse en ligne. Bien que cette question sorte du strict sujet des aides, l’Etat, par son effet de levier, notamment auprès de structures d’amorçage, a un rôle utile à jouer. De même, et comme le souligne le rapport du Groupe de travail, les éditeurs de presse devraient utiliser plus systématiquement les mécanismes d’aides généralistes (CIR, JEI, CII etc…) qu’ils ignorent trop souvent. Le Spiil, lors de sa dernière « journée de la presse en ligne » en octobre 2012 a organisé une conférence de sensibilisation sur ces mécanismes, qui mériteraient cependant, pour certains d’entre eux, de légères adaptations à la filière presse. 

II. Commentaires sur les orientations principales préconisées par le Groupe de travail

2.1. Une mesure de soutien transversale : harmoniser le régime de TVA à la presse

Le Spiil soutien sans réserve les préconisations du rapport sur ce point. Depuis sa création en 2009, le syndicat fait de l’élargissement du taux réduit de TVA (2,1%) à la presse numérique sa demande prioritaire. Sa position et son analyse sont détaillées dans un Mémoire sur la TVA pour la presse numérique (février 2013). Il est impératif que l’élargissement du taux réduit de TVA soit reconnu sans délai par la France, sans attendre une modification de la Directive TVA ni l’échéance de 2015, et sans limiter cet élargissement par des conditions d’homothétie qui constituent une autre forme de discrimination contraire aux progrès techniques et éditoriaux.

Le Spiil partage l’analyse faite par le Groupe de travail sur l’absence de pertinence du critère IPG en matière de TVA. Comme partout en Europe, l’absence de discrimination en fonction de contenu ou de la périodicité répond à des exigences de non distorsion de concurrence. Une TVA commune serait la meilleure mesure structurante et neutre de nature à favoriser la transition numérique – à l’exemple du régime en place au Royaume-Uni.

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2.2. Faire du Fonds Stratégique l’instrument central

2.2.1. Le Spiil soutient « la priorité à l’innovation et à la mutualisation » préconisée par le Groupe de travail. En particulier, l’élargissement des dépenses éligibles aux dépenses internes doit être admis : la plupart des innovations ne peuvent pas faire l’objet d’une externalisation. Le refus de prendre en charge ces dépenses internalisées est contraire à l’innovation et à l’amélioration du savoir-faire dans nos entreprises. Il est donc indispensable que les dépenses internes liées à l’innovation soit éligibles.

Cependant, le Spiil s’inquiète des conditions dans lesquelles cette priorité pourra être mise en œuvre. Au-delà des intentions, comment, concrètement, devrait se traduire le soutien à l’innovation et à la mutualisation ? Soucieux que ces projets « innovants » soient véritablement innovants, et non de simple « nouveautés » déguisées, le Spiil suggère que cette proposition soit approfondie, afin que son articulation avec le « Crédit Impôt Innovation » crée par la loi de Finances de 2013 soit précisé, et que l’existence de fonds privés, tels que le « Fonds Google », soit prise en compte pour éviter de doubles « effets d’aubaine ».

Par ailleurs, du point de vue du Spiil, une initiative véritablement incitative à l’émergence de projets innovants consisterait à modifier les critères actuels de répartition des aides. L’article 20 du décret du 13 février 2012 dispose que : « La formation compétente du comité d’orientation pour la deuxième section du fonds veille, dans ses propositions, à respecter un pourcentage minimum de 80 % des montants en faveur des services de presse en ligne ayant le caractère d’information politique et générale. Les propositions d’aides aux autres services de presse en ligne concernent en priorité ceux qui favorisent le débat d’idées et la diffusion de la culture générale. ».

Au moment même où le Groupe de travail exprime à juste titre de fortes réserves sur l’applicabilité et la pertinence du critère IPG comme base de discrimination, le Spiil demande que cette disposition soit remplacée par un critère de volume d’aide réservé aux projets innovants présentés sur une base mutualisée ; et que les nouveaux critères soient appliqués non seulement à la section II du Fonds actuel, mais aussi à l’ensemble des trois sections du Fonds.

2.2.2. Elargir le périmètre du Fonds est une nécessité. Plusieurs des aides actuellement traitées en dehors du Fonds comptent parmi les plus contestables en termes d’efficacité. Le Spiil soutient donc la préconisation consistant à regrouper l’ensemble des aides « directes » actuelles ou futures dans une structure commune. La centralisation de la gouvernance au sein d’une structure unique est de nature à favoriser des améliorations en matière de :

– contribution à des objectifs clairs porteurs de solutions d’avenir,
– évaluation systématique et efficace des mesures d’aides retenues par l’Etat,
– coordination des différents dispositifs, entre eux et avec d’autres fonds, en particulier le « Fonds Google »,
– transparence,
– contrôle.

2.2.3. En matière de gouvernance, si le décret de 2012 a permis des progrès en matière d’évaluation, il n’en reste pas moins insuffisant sur ce point. Une évaluation efficace nécessite en premier lieu que des objectifs précis aient été élaborés en amont des dispositifs d’aide. Elle doit aussi être régulière, continue et menée par des acteurs indépendants, publics ou privés. Le recours, lorsque cela est nécessaire, à une expertise d’évaluation privée, comme cela a été fait récemment pour l’aide au portage, doit, en tous cas, être possible.

S’il a accru les mesures de contrôle, le décret de 2012 ne met pas en œuvre de mesure d’évaluation globale de l’efficacité du Fonds, de ses effets sur le développement de la filière en termes d’offre d’éditoriale, de création de valeur ou d’emploi, par exemple.

Par ailleurs, toute modification ou introduction d’une mesure existante ou nouvelle devrait faire l’objet d’une étude d’impact a priori – comme cela est pratiqué dans la plupart des pays de l’OCDE.
Sous l’égide de l’OCDE, notamment, s’est développée une pratique d’analyse et d’évaluation de « la capacité des gouvernements à produire des réglementations de grande qualité ». En effet :
– les réglementations ont un coût pour les entreprises ;
– un excès de réglementation dissuade l’investissement ;
– des réglementations mal évaluées ont un coût budgétaire. Elles peuvent avoir une efficacité limitée, voire négative.
– des modifications législatives ou réglementaires trop fréquentes et/ou injustifiées économiquement, surtout lorsqu’elles sont rétroactives, remettent en cause les plans d’investissement des entreprises et pèsent sur leur développement, leur modernisation.

Dans son rapport « Mieux légiférer en Europe : France » (2010), l’OCDE insiste sur la nécessité de ces études d’impact. Si ces pratiques se sont développées en France, ce n’est pas encore le cas en ce qui concerne les réglementations applicables à la presse, et l’Etat se doit de mieux respecter les préconisations de l’OCDE.

Le gouvernement doit enfin veiller à éviter, ou tout au moins minimiser, les distorsions de publicitaire, par exemple, créent un avantage concurrentiel au profit de titres papiers et aux dépens  des titres numériques pure-players exclus du bénéfice de ces mesures de soutien. Une évaluation de ces dispositifs serait de nature à qualifier les effets positifs et négatifs de ces mécanismes, notamment en termes de pérennisation de modèles d’affaires obsolètes et de frein au développement de modèles d’affaires adaptés aux nouvelles conditions du marché.

Dans le même ordre d’idée, et bien qu’il ne s’agisse pas stricto-sensu d’une aide d’Etat, le monopole de publication des Annonces légales, accordé, pour ce qui concerne le secteur de la presse, aux seuls titres de presse imprimés, constitue une discrimination et une source de distorsion de concurrence contre laquelle le Spill s’élève avec la plus grande vigueur.

2.2.4. En matière de transparence : le Spiil mène depuis son origine le combat pour une plus grande transparence des aides. Les progrès réalisés ces deux dernières années sont réels. Il convient néanmoins que :
– l’ensemble des aides soient soumis à ce traitement (et non seulement les aides allouées par la FSDP actuel ainsi que les aides aux quotidiens à faibles ressources publicitaires) ;
– la transparence porte non seulement sur les volumes d’aides perçues par chaque entreprise, mais aussi sur une typologie de projets soutenus, sans porter atteinte au secret commercial ;
– la transparence porte non seulement sur le montant des subventions accordées, mais aussi sur les sommes effectivement versées ;
– les données soient publiées dans un format facilement accessible et utilisable.

En conclusion 

Le rapport du Groupe de travail comporte des avancées importantes pour la modernisation des interventions de l’Etat dans le secteur de la presse et pour une meilleure identification des responsabilités – celles incombant aux pouvoirs publics et celles relevant des entreprises – dans la modernisation de la filière. Au-delà de la mobilisation de ressources financières, l’Etat a pour principale responsabilité de garantir aux entreprises de presse un environnement juridique et économique favorable aux initiatives entrepreneuriales. Le Spiil veillera activement à ce que les lignes directrices dégagées par le Groupe de travail soient mises en œuvre concrètement par le gouvernement et continuera à contribuer, à son niveau, à la dynamisation de l’écosystème de la filière.

Ces derniers mois ont été marqués par de nombreuses initiatives ou préconisations en matière de modifications de l’environnement juridique et fiscal de la presse en général et de la presse numérique en particulier. Outre le rapport du Groupe de travail sur les aides à la presse, plusieurs propositions (initiatives parlementaires, rapport Collin et Colin, rapport Lescure) sont ou seront susceptibles d’être examinées :
○ taxe sur la publicité en ligne,
○ taxe au clic,
○ taxe sur l’achat de services de commerce électronique,
○ taxe sur l’exploitation par les entreprises des données qu’elles collectent,
○ taxe sur la bande passante,
○ taxe au bit,
○ taxation des activités de Cloud computing, dans le cadre de la rémunération de l’exception pour copie privée.

La multiplication de ces initiatives ou propositions, en partie substituables, en partie cumulatives, la plupart sectorielles, amène le Spill à attirer l’attention du Groupe de travail, et au-delà, celle des pouvoirs publics, sur la nécessité d’adopter une approche cohérente et globale de l’ensemble des problématiques et des acteurs concernés, que ce soit par voie de consultation et/ou d’études d’impact préalables à toute décision.

 © Spiil – 29 mai 2013www.spiil.org

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