Voici un très bon article du site Youphil.com, rendant hommage à cet économiste humaniste, moins médiatisé que Stréphane Hessel, mais ô combien novateur face à des modes de pensée souvent si « étriqués »… A contre-courant jusqu’au bout, l’économiste, humaniste et écrivain espagnol José Luis Sampedro s’est éteint.
« Bien sûr qu’il existe des alternatives. Ne vous inquiétez pas, quand le système aura coulé, et il coule -ce que nous vivons actuellement est la barbarie que provoque son effondrement- autre chose viendra. La vie ne s’arrête jamais. Ou les banquiers pensent-ils qu’ils sont immortels? »
L’Espagnol José Luis Sampedro s’est éteint dans la nuit du dimanche 7 avril, à l’âge de 96 ans. Son décès, annoncé deux jours après, a ému de nombreux Espagnols.
José Luis Sampedro était l’inspirateur du mouvement « Democracia real ya! » et des Indignés du 15 mai.
Regardez la vidéo de l’entretien de Movimiento Visual :
José Luis Sampedro avait également rédigé le prologue du manifeste Indignez-vous, écrit par son complice Stéphane Hessel.
Il ne prétendait pas vouloir changer le monde, a-t-il confié au journal El Pais, mais être en harmonie avec lui : « Cela suppose une vie qui se dessine comme un fleuve. Celui-ci se lance d’abord fougueusement à l’assaut de la descente montagneuse, se calme, puis arrive à un point, qui est le mien à présent, où il meurt. Je veux mourir comme ce fleuve, je sens déjà le sel. Je pense à la mort comme quelque chose de bénéfique. Le fleuve est eau douce et voit qu’il change, mais il l’accepte et meurt heureux, parce qu’une fois qu’il s’en rend compte il est déjà devenu mer. »
Plus mystique que révolutionnaire, selon ses dires, José Luis Sampedro a surtout influencé les jeunes Espagnols.
Le 15 mai 2011, quand éclatait le mouvement des Indignés, il manifestait avec eux, à Madrid.
Ni de droite, ni de gauche, l’homme voulait rassembler les Espagnols, sans longs discours sur les luttes des classes ou quête de pouvoir. Cherchant son épanouissement dans la solidarité, la proximité avec la nature, il abhorrait la frénésie du « toujours plus ».
Vitalité, coopération, création
Pour Sampedro, les Espagnols avaient leur part de responsabilité individuelle dans la crise, ce qui le rendait plus crédible dans son combat auprès des Indignés. Une responsabilité prenant sa source, selon lui, dans le consumérisme et la « course au capital » avant l’éclatement de la bulle immobilière.
Des militants indignés à Ténérife, lisant une lettre de soutien de Sampedro. Crédit photo: Mataparda/Flickr
Convaincu que le temps du changement était venu, que les limites du capitalisme avaient été franchies depuis trop longtemps déjà, il voulait que le système économique soit repensé de façon critique: « Le développement ne se fait que s’il y a rentabilité. L’important réside dans ces trois mots que tout le monde exige de nos jours : productivité, compétitivité et innovation. Au lieu de productivité, je propose vitalité; au lieu de compétitivité, coopération, et face à l’innovation qui consiste à inventer des choses pour les vendre, la création. »
Une vie à multiples facettes
Sampedro est né à Barcelone en 1917, mais a grandi au Maroc, à Tanger. Il a ensuite connu la guerre d’Espagne. D’abord enrôlé dans l’armée des Républicains, il a déserté pour rejoindre les rangs des Franquistes.
Né dans une famille de conservateurs, il les pensait, d’abord, plus proches de ses principes politiques. Rares sont ceux qui lui en tiennent rigueur, car l’écrivain a très vite pris du recul pour se forger ses propres idées, et, dénoncer haut et fort, non sans risques, l’iniquité de la dictature.
Après la guerre, il termina ses études d’économie avec brio, ce qui lui permit d’exercer divers postes dans la Banque extérieure d’Espagne. Sampedro devint par la suite professeur d’économie à l’université Complutense de Madrid, puis à l’étranger.
En tant que sénateur, nommé par décision royale, Sampedro s’est engagé contre les traces laissées par la dictature franquiste. Cet engagement se retrouve dans ses livres, dont Octobre, octobre fut le premier succès.
Sa carrière prolifique et sa maîtrise de la langue espagnole lui valurent d’être nommé à la Real Academia Espanola en 1990, cinq ans après la publication de son second roman à succès, Le sourire étrusque. Il consacra le reste de sa vie à l’écriture.
Conformément à ses idées- il fut très critique quant aux dérives et aux manipulation des médias-, il avait demandé à sa famille qu’un « cirque médiatique » soit évité, ce pourquoi sa disparition a été annoncée tardivement.
Depuis, les internautes émus lui rendent hommage sur la toile en évoquant ses citations. L’unes des plus partagées demeure: « Nous devrions nous indigner mille fois plus. »
(Article réalisé par Lara Charmeil, Youphil.com – 10 avril 2013)
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