Les « jeudis du 46 » sont lancés ! Goodwill management, spécialiste de la performance économique responsable propose, en cinq rendez-vous, d’évaluer la richesse du capital humain des entreprises. Ce 12 mars, nous sommes au 46 boulevard Sébastopol à Paris, au siège de la structure, créée en 2003 par Alain Fustec, et qui compte aujourd’hui une vingtaine de salariés. La quinzaine de responsables RH présents est avide : comment faire valoir ce qu’ils savent mieux que tout autre, c’est-à-dire qu’ « il n’y a de richesse que d’hommes ? ».
Donner à voir le « bien-être » des entreprises
Objectiver cette intuition, prouver que la masse salariale n’est pas qu’une charge mais le plus puissant levier de performance, tel est le défi que s’est donné Sébastien Grandfils, manager chez Goodwill, pour introduire les cinq conférences gratuites proposées par son entreprise. Nonobstant sa jeunesse, l’homme n’en est pas à ses débuts. Il fut un des contributeurs du premier référentiel français de mesure des immatériels appelé Thésaurus Bercy, commandé par Christine Lagarde en 2011, et rédigé sous la direction d’Alan fustec. C’était l’époque où la Banque mondiale commençait à reconnaître les limites du PIB (produit intérieur brut).
Dans son rapport de 2011, page 176, celle-ci précisait d’ailleurs que l’ « économie française est immatérielle à 82% ». L’aveu n’est pas mince : la comptabilité des entreprises ignore l’essentiel : ses actifs immatériels. Classés en dix catégories, ces derniers se déclinent en atouts : capital naturel, compétences humaines, savoirs, organisation, patrimoine culturel et marques, propriété intellectuelle, relations clients et fournisseurs, partenaires, système d’information, sécurité… « La valeur d’une entreprise, c’est sa capacité à créer de la valeur dans le futur », souligne Sébastien Grandfils. Cette capacité dépend des outils, de l’écosystème, de la réputation même de l’entreprise… Mais c’est surtout le capital humain qui est déterminant. « C’est le seul capital immatériel qui se régénère et il régénère lui-même tous les autres ! » remarque-t-il en captivant son auditoire.
Le constat n’est pas nouveau. Les travaux de Théodore William Schultz (1902-1998) et Gary Stanley Becker ont mis en évidence, dès les années 60-70 que les aptitudes des salariés en termes d’éducation, santé, savoir-faire, expérience, ainsi que les qualités d’engagement (efficacité, motivation, fidélité, sérénité…) peuvent booster les résultats collectifs. Plus récemment, Amartya Sen a pointé la notion de potentiel ou « Capabilities » notamment en se référant aux synergies dans les écosystèmes naturels.
Désormais, il est possible de miser sur les talents en prouvant que, ce faisant, on crée de la valeur. Les exemples sont les plus divers. Pour ERDF, confier l’élagage des lignes électriques à des sociétés pratiquant des démarches responsables est avantageux. Orange, Vinci, AXA et L’Oréal diversifient leurs personnels (âges, sexes, validité ou handicap) depuis qu’ils ont validé que la diversité du capital humain augmente la performance de leur entreprise. La CISCO Academy qui forme gratuitement les gens (en prison, dans les hôpitaux…) aux pratiques informatiques s’avère aussi rentable car elle fidélise des clients potentiels…
Quand responsable rime avec durable et rentable
L’objectivation des effets concrets et positifs des actions RSE (responsabilité sociale des entreprises) peut devenir ainsi un levier incitatif. L’outil Thésaurus RBC (pour recherche de bénéfices cachés) développé par Goodwill management poursuit cet objectif. Grâce à lui, l’entreprise de conseil a pu montrer que des politiques RH responsables – visant à améliorer la qualité des recrutements, les conditions de travail, les relations de travail, etc – permet de réduire considérablement les coûts cachés du travail (qui peuvent varier de 5 à 40% de la masse salariale selon les entreprises), tels que l’absentéisme, le turnover, les licenciements, les périodes d’essais interrompues, les retards, les Prud’hommes…
Aujourd’hui, une base de données répertoriant plus de 200 actions de RSE a été constituée et permet d’anticiper des résultats. Cet outil de benchmark peut ainsi explorer des scenarii, et les options que tout dirigeant peut être amené à explorer : faut-il ou non déménager mon siège social, le contexte d’un quartier d’affaires (comme La Défense) ou d’un cluster (comme le plateau de Saclay) est-il favorable au développement de mon entreprise ? …
Ces efforts qui inaugurent de nouvelles pratiques d’entreprises chevillées aux « valeurs sociales effectives » peuvent inspirer aussi les politiques territoriales. Déjà en 2006, le rapport Lévi-Jouyet intitulé « L’économie de l’immatériel : la croissance de demain » soulignait l’intérêt de prendre en compte le stock d’actifs immatériels. En octobre 2013, c’est le Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui remettait le couvert avec une « Proposition d’une politique publique en faveur du capital immatériel de la France ». Ce document, rédigé sous la direction d’Alan Fustec, directeur scientifique de l’Observatoire de l’immatériel démontre la pertinence qu’il y aurait, pour la France, à mettre en place un pilotage de son développement basé sur 35 recommandations pour bien gérer ses ressources – principalement immatérielles – à long terme.
Piloter un développement par la valeur
Le Maroc a décidé de baliser son développement par ces outils d’évaluation. Dans son discours du 30 juillet 2014, le roi Mohammed VI a annoncé qu’il voulait miser sur le capital immatériel de son pays. Un check up complet des forces et faiblesses du Maroc a donc été entrepris afin d’optimiser des modes de production durables. Un rapport intermédiaire signale les efforts à faire pour développer le capital humain (éducation, formation…) mais les résultats complets sont attendus pour la mi-2015.
Les approches pour évaluer les richesses immatérielles d’une nation peuvent varier. Comme l’indique Laetitia Maman (voir le N° 21 de Capital immatériel – janv 15), consultante chez Goodwill Management, la Banque mondiale – qui a publié en 2006 une étude intitulée « Où est la richesse des nations ? » – décompose les atouts d’un pays selon trois grandes masses d’actifs : le capital naturel (ressources épuisables et renouvelables), le capital construit (usines, infrastructures, immobilier), et le capital immatériel (capital humain, éducation, stabilité, qualité des institutions). La Banque mondiale calcule les actifs immatériels par soustraction (valeur globale de l’économie d’un pays – capital naturel et capital construit). Dans le classement des pays qui a été fait par la Banque mondiale, on observe – sans surprise – que plus les pays sont riches, plus la part du capital immatériel est importante.
Des approches différentes sont explorées en France notamment en posant de nouveaux indicateurs pour mesurer la qualité de la croissance (voir le projet de Loi d’Eva Sas et les interactions avec le Forum FAIR (Forum pour de nouveaux indicateurs de richesse). Une conférence a été organisée au ministère des finances le 17 octobre 2013 sur le thème « Patrimoine immatériel et territoire ».
Tous les secteurs sont concernés par cette attention aux actifs immatériels que propose Goodwill. Depuis le monde de l’innovation, les banquiers et les assureurs, jusqu’aux entreprises de l’eau, du BTP, de la santé. La mutation a touché les entreprises du CAC 40 le 7 mars 2012, quand leurs cotations « réajustées » ont été publiées montrant l’écart entre valeur comptable et valeur globale intégrant les actifs immatériels. Un coup de poker qui force les dirigeants à quitter le court-termisme. « Il faut s’extraire des comptabilités qui ne considèrent que ce qui est tangible est stable » insiste Sébastien Grandfils. Reste à savoir la performance que l’on veut servir et à quelle échelle il est pertinent de porter attention pour que qualité de vie rime avec développement. L’aventure de Goodwill signe notre époque, contrainte de revenir à des essentiels. Savoir ce à quoi l’on tient et les valeurs qui font « pousser » l’avenir.