Depuis novembre 2014, des ateliers culturels initiant de jeunes autistes à la manipulation de Nao, le petit robot humanoïde, ont été mis en place par le Centre psychothérapique Samothrace (CHU de Nantes), Stereolux et l’association Robots! en partenariat avec l’École Centrale de Nantes. Ils ont initié une expérimentation scientifique inédite et prometteuse qui se poursuit à partir de janvier 2016 par de nouveaux ateliers pour aider à communiquer. Ce projet s’appelle Rob’autisme.
Rob’autisme est la rencontre entre le monde de la psychothérapie, le monde de la robotique et celui des arts.
Depuis plusieurs années, le CHU de Nantes (et plus précisément son hôpital de jour, le Centre psychothérapique pour grands enfants et adolescents) propose un atelier sonore auprès de jeunes autistes mené par l’orthophoniste Rénald Gaboriau. En 2012, suite à la rencontre avec Stereolux, espace de création et de diffusion destiné aux musiques actuelles et aux arts numériques, cet atelier a intégré l’intervention de l’artiste sonore Cécile Liège.
La rencontre avec Sophie Sakka, chercheuse et professeure à Centrale Nantes, a permis d’amplifier ces ateliers sonores depuis novembre 2014, en proposant aux adolescents une découverte du monde de la robotique.
En charge de l’association Robots! qui a pour objet la démocratisation de la robotique, Sophie Sakka anime l’atelier autour de Nao, en lien étroit avec le travail de réalisation sonore déjà amorcé les années précédentes.
Centrale Nantes est partenaire de ce projet, oeuvrant activement depuis deux ans pour proposer ses compétences en ingénierie au service de la santé.
L’équipe de l’hôpital de jour et Sophie Sakka se retrouvent donc tous les quinze jours à Stereolux pour ces ateliers visant à initier des adolescents souffrant de troubles autistiques à la manipulation du petit robot humanoïde français Nao. En six mois, leurs progrès ont été spectaculaires et ont dépassé les espérances des professionnels de santé.
Durant six mois, Sophie Sakka, chercheur en robotique à Centrale Nantes et responsable de l’association Robots!, a appris à six adolescents souffrant de troubles du spectre autistique à utiliser le logiciel qui permet de gérer les mouvements et la voix du petit robot. Les adolescents ont tout d’abord appris à découvrir Nao et les possibilités qu’il offre – le faire parler, se déplacer… – puis l’ont programmé eux-mêmes pour l’amener à s’exprimer : « Ils l’ont très vite pris en main. Dans un premier temps, ils faisaient dire à NAO ce qu’ils ne pouvaient pas exprimer. Petit à petit, ils se sont mis à se parler par l’intermédiaire du robot. »
Connu du grand public pour ses prestations dansées, le robot Nao est piloté directement par ces adolescents. Il les entraîne par le jeu, la musique et la danse dans une expérience sensorielle et sonore. Dans le cadre de cet atelier, les enfants ont produit un spectacle sur la base de l’œuvre « Une histoire à quatre voix » d’Anthony Browne : ils ont enregistré les voix qu’ils allaient prêter à Nao et imprimé les mouvements correspondants.
C’est la première fois qu’un public spécifique est acteur même du processus de création et de programmation du robot. Les enfants programment eux-mêmes le robot, décident ce qu’ils vont lui faire dire, ressentir ou faire comme mouvement : «Le côté ludique est important pour ces jeunes qui ne jouent pas forcément beaucoup. Pendant les séances, ils communiquent, ils sont présents.»
Dès les premières séances, l’équipe médicale a constaté l’impact à plusieurs niveaux sur l’adolescent : sa capacité à expérimenter, à communiquer au sein de son groupe et la fierté de pouvoir montrer ses compétences. Elles ont également constaté une évolution de séance en séance (tous les 15 jours) et une nette amélioration durable du quotidien du jeune autiste, même en dehors des séances. « Le résultat a été inespéré sur eux, phénoménal. On a constaté une évolution de séance en séance sur leur capacité à communiquer. Au bout de six mois, on avait affaire à des adolescents qui ne hurlaient plus pour se faire entendre, se concentraient mieux et réussissaient à communiquer entre eux», s’enthousiasme Sophie Sakka.
Le robot est un support rassurant et ludique pour porter l’appel à l’autre, l’investir et le développer. Le personnel du CHU de Nantes qui suit ces enfants depuis des années est également agréablement surpris par ce résultat : « Cela a fonctionné sur eux grâce au phénomène de transfert. Le robot est devenu leur extension, il parle à leur place. Tout le monde le regarde quand il s’exprime, et pas la personne qui le manipule. Ils sont donc ‘cachés’ derrière et peuvent alors exprimer des choses qu’ils n’oseraient pas dire. Ils se sentent en sécurité».
Une réelle appétence pour l’outil informatique a été depuis longtemps observée chez ces jeunes porteurs d’un trouble envahissant du développement. Il amène de la créativité, de la spontanéité et ouvre à de nouvelles interactions dans le groupe. Le travail se fait en binôme autour d’un ordinateur et d’un robot, ce qui nécessite d’écouter l’autre, de lui laisser une place, mais aussi de « prendre soin » de l’outil lui-même.
Au-delà d’un jouet sophistiqué, Nao pourrait bien être un précieux support thérapeutique qui facilite le langage, le dialogue et permet aux enfants une meilleure prise en compte de l’autre en leur faisant prendre conscience qu’il leur faut collaborer pour programmer le robot.
Après un travail d’observation lors des ateliers menés en 2014-2015, un travail de recherche-action a été lancé lors de cette nouvelle session qui se déroule entre janvier et juin 2016. Menée par le Docteur Laura Sarfaty du CHU de Nantes, l’objet de cette étude scientifique est de déterminer, au-delà des premières observations de l’équipe encadrante, si les robots Nao constituent un outil intéressant pour travailler les compétences communicationnelles et relationnelles chez les adolescents souffrant d’autisme. Voici les principes de cette recherche-action en cours, et dont le protocole est en constante évolution pour s’adapter au fur et à mesure de l’expérimentation.
Il y a chez les personnes souffrant de troubles du spectre autistique (TSA) une perturbation de la capacité à se représenter les pensées et intentions des autres. La manipulation et la programmation du robot Nao semblent adaptées pour travailler sur l’amélioration de leurs facultés de communication.
Un bilan global sera mené avec l’ensemble des partenaires en début, à la moitié et à la fin de la phase d’expérimentation. Une évaluation des compétences communicationnelles et relationnelles de chaque adolescent est menée après chaque séance, ainsi qu’en dehors du temps de l’atelier lors d’entretiens avec les adolescents et leur famille.
Par ailleurs, une saynète d’improvisation jouée par les robots et menées par les adolescents sera filmée en début et fin d’expérimentation. Cela permettra de mesurer la dimension d’intégration des habiletés sociales acquises grâce au travail de programmation et manipulation de Nao.
L’analyse de leurs dessins représentant le robot en début et fin de projet permettra également un éclairage clinique sur l’évolution de leurs représentations et projections de cet outil.
De son côté, Stereolux entend poursuivre cette action culturelle en coordination avec son Laboratoire Arts & Technologies, dédié à l’expérimentation et ayant pour objet l’émergence d’avancées technologiques et d’usages innovants par la mise en relation d’artistes, entrepreneurs et chercheurs.
Devant le succès de l’expérimentation, les quatre partenaires souhaitent poursuivre cette expérience, la partager en tant qu’innovation thérapeutique et étendre le projet à d’autres communautés, pour élaborer un protocole et lui donner une dimension plus large.
Le travail de recherche a pour objectif de préfigurer l’élaboration d’un protocole afin que ce projet collectif puisse être reproduit en réseau dans d’autres villes de France et sur différentes approches de compétences.
Les derniers chiffres fournis par le Centre de ressources autisme (CRA) de Nancy révèlent qu’un enfant sur cent serait touché par l’autisme (quatre garçons pour une fille). Ce qui représente environ 8 000 naissances par an, soit 600 000 personnes aujourd’hui. Aux Etats-Unis, selon les derniers chiffres des Centers for Disease Control, le taux de prévalence de l’autisme serait passé de 1 sur 150 en 2000, à 1 sur 68 en 2010.
Pour la France, la Haute Autorité de la santé retient le chiffre de 1 nouveau-né sur 150 concerné par l’autisme. Mais les spécialistes estiment ce taux largement sous-estimé.
« Les familles sont souvent désorientées, d’autant que certains suivis ne sont pas pris en charge. Le syndrome a eu du mal à être reconnu, et ne l’est pas encore totalement. Il peut être ignoré par les professionnels, parfois soucieux de l’annonce du diagnostic et du retentissement qu’il engendre, parfois empêtrés dans des orientations théoriques personnelles », explique Corinne Krux, présidente de l’association Asperger Lorraine, dans une interview au Républicain lorrain ce 1er février 2016.
La mobilisation des parents, les différentes campagnes de sensibilisation, l’implication des pouvoirs publics (plan autisme 3) et maintenant l’entrepreneuriat, concourent à faire de l’autisme un sujet d’importance majeur. Nao pourrait être un beau compromis pour aider enfants et familles dans la lutte contre cette maladie, car l’on sait que l’engagement affectif, dans le développement d’un enfant est essentielle. Créer du lien, amener à acquérir des compétences sociales en évitant tout isolement et les problèmes de communication qui caractérisent cette maladie,… la « robot-thérapie » pourrait s’attribuer là un objectif thérapeutique bien prècis. A condition qu’il soit à portée de toutes les bourses…
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