L’archéologie du vivant et de la vie artificielle est exposée au Centre Pompidou qui présente de manière prospective les œuvres récentes d’une cinquantaine de créateurs ainsi que des recherches issues de laboratoires scientifiques. Son matériau même est évolutif, certaines œuvres étant impliquées dans un processus de croissance ou de dégénérescence. Jusqu’au 15 avril 2019, « Mutations / Créations 3 » convoque le design, les arts visuels et numériques à travers une exposition collective, au croisement des disciplines, « La Fabrique du vivant ».
Laboratoire annuel de la création et de l’innovation au Centre Pompidou, « Mutations / Créations » interroge les liens entre arts, science, ingénierie et innovation. Le cycle réunit des artistes, ingénieurs, scientifiques et entrepreneurs, tous les protagonistes du sensible et de l’intelligible, qui infléchissent et transgressent notre présent.
Pour sa troisième édition, la manifestation convoque les arts visuels et numériques, le design et la parole, à travers une exposition collective « La Fabrique du vivant », la première exposition personnelle et monographique en Europe de l’artiste brésilienne Erika Verzutti, ainsi que la troisième édition du forum Vertigo, mené par l’Ircam.
À l’ère numérique s’opère une nouvelle interaction entre création et sciences du vivant. La notion de « vivant » se présente aujourd’hui sous une forme d’artificialité où la matière même est explorée. Les biotechnologies sont désormais utilisées comme médium par les artistes, les designers et les architectes. Si les outils numériques de simulation autorisent la recréation du vivant, la question qui se pose aujourd’hui est : comment programmer le vivant ?
« La Fabrique du vivant », en partenariat avec l’Ircam, interroge les mutations du concept de nature, indissociable de la production technologique. L’exposition retrace une archéologie du vivant et de la vie artificielle. Résolument prospective, elle présente les créations et innovations les plus significatives dans le champ de l’art, du design et de l’architecture à travers les œuvres d’une cinquantaine de créateurs. Son matériau est évolutif ; certaines œuvres subissent un processus de croissance ou de dégénérescence. Parmi la centaine de projets exposés, certains ont été spécialement conçus à cette occasion. L’Ircam présente Biotope, une installation du compositeur Jean-Luc Hervé, interagissant dans le parcours du visiteur, tel un organisme vivant.
Entre biologie et génétique, le design propose une approche interdisciplinaire, comme un artefact biotechnologique où la matière vivante a informé la forme. Le design recourt désormais à la « biofabrication », à de nouvelles « technologies disruptives » du vivant. Les bio-matériaux, fabriqués à partir d’organismes biologiques (mycélium de champignon, bactéries, etc.), ont engendré des objets innovants, tels la Half Life Lamp (2010), lampe bioluminescente à partir de matériel génétiquement modifié du designer néerlandais Joris Laarman. Les objets durables des designers Jonas Edvard et Maurizio Montalti (Officina Corpuscoli) explorent les potentialités du mycélium de champignon ou encore les objets biodégradables d’Eric Klarenbeek élaborés à partir de microalgues, pour ne citer qu’eux. Pour réaliser une structure architecturale in situ spécialement conçue pour l’exposition, l’architecte américain David Benjamin (The Living) utilise un principe constructif nouveau dont les briques croissent et s’assemblent par bio-soudage.
Les micro-organismes deviennent ainsi médium architectural et matériau de construction. Les architectes mettent en œuvre des modèles reposant sur des processus d’autogénération de la matière, simulant les systèmes évolutifs de croissance du vivant. Ils élaborent de nouveaux composites, faits de matériaux à la fois vivants et synthétiques (projet Aguahoja de Neri Oxman avec son laboratoire au MIT Media Lab) pour développer des projets écologiques (efficacité énergétique, matériaux dépolluants, biophotovoltaïques, etc.). Le devenir de l’architecture s’inscrit entre ingénierie génétique et biologie synthétique afin de produire de nouvelles formes de nature entre « l’écosystème numérique » et les systèmes vivants.
Les installations à échelle architecturale présentées ici sont de véritables écosystèmes biotechnologiques. Les architectes londoniens d’EcologicStudio ont construit une structure imprimée en 3D tel un « cyber-jardin » intégrant des micro-algues photosynthétiques. Le BiotA Lab de Marcos Cruz à l’University College de Londres présente des panneaux en béton bio-réceptifs conçus pour favoriser la croissance de micro-organismes, de mousses et de lichens en milieu urbain. L’agence française X-TU mène des recherches autour d’une architecture bio-inspirée, convaincue que les organismes vivants sont la révolution biotechnologique de demain.
La congruence du vivant et des technologies se cristallise dans le champ de la création artistique vers le milieu des années 1990. En 1998, Eduardo Kac promeut l’art transgénique, transformant les organismes naturels en y inoculant des gènes synthétiques ou transférant du matériel génétique d’un organisme à un autre dans le but de créer de nouvelles formes de vivant. Au début des années 2000, en Australie, The Tissue Culture & Art Project (Oron Catts & Ionat Zurr) explore les technologies du vivant comme médium artistique à travers la mise en œuvre d’un nouvel objet/sujet, qui équivaut au « semi-vivant ».
Sculpture H.O.R.T.U.S. XL Astaxanthin.g
Dans ce sillage, s’inscrivent les recherches de régénération cellulaire d’Amy Congdon ou celles du designer Hongjie Yang qui a créé Semi-Human Vase (2015) à partir de cellules humaines, franchissant une nouvelle frontière. Entre nature et technologie, un nouvel artefact « semi-vivant » est ainsi apparu, issu de la fabrication robotisée et des logiciels de simulation du vivant. Les artistes se penchent sur l’hybridation de cellules humaines et végétales (Spela Petric, Elaine Whittaker) à l’heure des nouvelles technologies ou créent des œuvres auto-génératives dont la forme ne cesse d’évoluer (Hicham Berrada). Alexandra Daisy Ginsberg, Christina Agapakis et Sissel Tolaas ont recréé l’odeur de plantes disparues au 19e siècle. Les œuvres iconiques Crystal Works (2008-2012) de l’artiste et designer japonais Tokujin Yoshioka constituent également un temps fort de l’exposition. Celui-ci a mis au point un procédé de fabrication unique permettant le développement de formes organiques grâce à un processus de cristallisation pour la réalisation d’objets tels que la Venus Chair.
Une time line retrace une archéologie du vivant et de la vie artificielle, intégrant entre autres des photographies naturalistes de Jean Painlevé et Laure Albin Guillot des années 1930 et une œuvre vidéo de Karl Sims. L’artiste allemand Andreas Greiner expose des photographies capturant le vivant par microscopie électronique. Enfin, des projets issus de la recherche scientifique et médicale sont également exposés.
Source : Commissaires de l’exposition, Marie-Ange Brayer et Olivier Zeitoun
La Fabrique du vivant – Galerie 4 – Centre Pompidou, Paris – Jusqu’au 15 avril 2019
Photo d’entête : « Mycelium Chair » © Eric Klarenbeek, Studio Klarenbeek & Dros
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