Rien ne va plus en Chine. Fabrique du monde, la Chine produit 25 % de tous les objets manufacturés de la planète. Mais, mondialisation oblige, les salaires chinois ont augmenté aussi vite que la croissance de son activité. Si bien que la Chine n’est plus vraiment compétitive. Décidément, l’humain plombe toutes les ambitions des sociétés capitalistes. Qu’à cela ne tienne, remplaçons les humains par des robots ! C’est le plan que vient d’arrêter le gouvernement chinois à horizon 2049. Pas mal pour fêter le centenaire de la révolution chinoise, non ?
Le miracle économique de la Chine est directement imputable à son industrie manufacturière. Cent millions de personnes y sont employées (pour comparer, l’industrie manufacturière américaine n’emploie que 12 millions de travailleurs). Cette activité représente 36 % du PIB de la Chine. Ce n’est pas rien.
Au fil des années, les activités manufacturières chinoises ont établi leurs empires dans le delta du fleuve Yangtze, la baie de Bohai à l’extérieur de Pékin, et le Pearl River Delta dans le sud. Des millions de travailleurs migrants peu qualifiés ont trouvé un emploi dans les usines gigantesques, produisant une gamme inimaginable de produits, des chaussettes aux serveurs. La Chine représentait seulement 3 pour cent de la fabrication mondiale en 1990. Aujourd’hui, elle produit près d’un quart des produits manufacturés parmi lesquels on compte 80 pour cent de tous les climatiseurs, 71 pour cent de tous les téléphones mobiles, et 63 pour cent de toutes les chaussures du monde. Pour les consommateurs à travers la planète, ce boom de fabrication a entraîné l’accès à de nombreux produits, notamment high tech, à faible coût, des iPhones abordables aux téléviseurs à écran plat.
Ces dernières années, le moteur de fabrication de la Chine a commencé à toussoter et montrer des signes de faiblesses. La cause ? Les salaires, qui sont augmenté à l’allure vertigineuse pour la Chine de 12 % par an en moyenne depuis 2001. L’année dernière, les exportations chinoises ont chuté pour la première fois depuis la crise financière de 2009. A la fin de l’année 2015, l’indice Caixin, un indicateur largement utilisé pour évaluer les performances de l’activité de production, a enregistré un dixième mois consécutif de contraction. Ce ne sont pas de bonnes nouvelles, ni pour la Chine ni pour le reste du monde. En effet, c’est le boom de l’économie chinoise qui alimente l’économie mondiale. Les marchés financiers commencent donc à s’inquiéter sérieusement.
Devant cette situation qui laisse la porte ouverte aux concurrents venus de pays où la main d’œuvre ne sait pas encore exprimer ses revendications salariales et où les coûts sont compressés, comme le Viêt-Nam, la Thaïlande ou l’Indonésie, la Chine doit réagir.
Si les humains sont trop chers, remplaçons-les par des machines. Lançons un plan de robotisation massif de l’industrie manufacturière. C’est, en substance ce que se sont dits les hiérarques chinois en rédigeant leur dernier plan quinquennal, publié le 16 mars dernier. Place à l’automatisation ! Tel est le nouveau credo chinois. Des milliards vont être injectés pour massivement moderniser et automatiser les structures de production chinoises. Dans deux ans, les usines chinoises devront commencer à montrer leur nouveau visage et être parmi les plus innovantes du monde, laissant loin derrière les usines les plus sophistiquées d’Allemagne, du Japon ou des États-Unis.
L’automatisation n’est pas un domaine que les chinois découvrent. Le pays importe déjà un grand nombre de robots industriels ; dans deux ans, l’empire du milieu détiendra un tiers de tous les robots du monde. Mais le pays est loin derrière ses concurrents dans le ratio robots/travailleurs. En Corée du Sud, par exemple, il y a 478 robots par 10 000 travailleurs ; au Japon, le chiffre est de 315 ; en Allemagne, 292 ; aux États-Unis, il est de 164. En Chine, ce nombre est seulement de 36.
Le gouvernement chinois est désireux de changer cela. Non content d’injecter des milliards de yuans pour permettre aux usines de mettre à niveau leurs technologies, leurs machines et robots de pointe, le gouvernement envisage également de créer des dizaines de centres d’innovation à travers le pays pour mettre en valeur les technologies de fabrication de pointe. Certaines autorités régionales en Chine ont déjà commencé à montrer l’exemple. L’an dernier, le gouvernement du Guangdong, une province qui possède de nombreuses grandes unités de production, a promis de dépenser 150 milliards de dollars pour équiper ses usines avec des robots industriels et créer deux nouveaux centres dédiés à l’automatisation avancée.
Le but est de dépasser l’Allemagne, le Japon et les États-Unis en termes de fabrication de produits sophistiqués haut de gamme en 2049, pour le 100e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine. Pour y arriver, le gouvernement a besoin que les fabricants chinois adoptent des robots par millions. Il souhaite également que les entreprises chinoises commencent à produire de plus en plus de ces robots. L’espoir sous-jacent à cette politique est de créer un cercle vertueux, en aidant à la naissance d’une nouvelle industrie de haute technologie avec des innovations qui pourraient inspirer d’autres secteurs d’activité, et faire ainsi tâche d’encre.
Le passage de l’homme aux robots ne peut manquer de bouleverser la société chinoise. Certains travailleurs d’usine déplacés pourraient trouver un emploi dans le secteur des services, mais pas la totalité des 100 millions aujourd’hui employé dans les usines. Il est évident que ce changement soudain vers les robots et l’automatisation provoquera des difficultés économiques et des troubles sociaux. Face à ces risques sociaux, la réponde officielle est toujours la même : « La technologie robotique est le moyen de sauver la fabrication en Chine ». C’est ce que dit Yasheng Huang, professeur à la Sloan School of Management du MIT tout en reconnaissant que la Chine a aussi une main-d’œuvre énorme. « Qu’est-ce qu’on va faire avec eux ? » Pas de réponse.
La Chine est-elle capable de ses ambitions en matière de technologie robotique ? Il est vrai que le pays investit des sommes considérables dans des projets de recherche touchant non seulement aux machines automatisées mais toutes les sciences connexes comme l’Intelligence artificielle. Dans les laboratoires de Baidu, le géant de l’internet chinois, des équipes s’activent sur le deep learning et les réseaux de neurones simulés, pour produire les prochaines générations de robots industriels encore plus intelligentes et plus flexibles. Objectif avoué : faire des « usines sombres », des usines où il n’y aurait ni fenêtres, ni lumières, devenues inutiles pour leurs occupants non-humains.
Article originellement publié le 16 mai 2016
Source : MIT Technology Review
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