Le souffle d'Hiroshima - Artistes, lettrés et savants français dans l'ère atomique (1945-1960) - UP' Magazine

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    Le souffle d’Hiroshima – Artistes, lettrés et savants français dans l’ère atomique (1945-1960)

    Le souffle d’Hiroshima – Artistes, lettrés et savants français dans l’ère atomique (1945-1960), de Anne Wattel – Éditions épistémé, décembre 2024 – 264 pages

    À l’aube d’un monde né à Hiroshima le 6 août 1945, les mots de la bombe s’imposèrent : E = mc2, Little Boy et Fat Man, radiations, Bikini, Gerboise, globocide… Ici, le lecteur croisera des fleurs d’uranium, une ombre qui a perdu son homme, un Dragon Heureux irradié, un nuage de cendres, un cheval roux, des Hibakushas, un pigeon de la paix, un oiseau noir, des Robinson de l’Apocalypse, et des savants, Frankenstein, Faust ou Prométhée modernes…
    Sur les ruines de Hiroshima et Nagasaki s’ouvrit une ère nouvelle. La bombe atomique, cette « révolution scientifique », loin de frapper d’effroi, donna naissance au mythe de l’atome bienfaisant, gage de paix, source inépuisable de progrès.

    Cette étude culturelle, richement illustrée, explore les retombées de l’ère atomique sur la France de l’après-guerre. Elle convoque des scientifiques, des journalistes, des écrivains, artistes et cinéastes, des chanteurs et des chroniqueurs radiophoniques. Elle fait se côtoyer des œuvres cultes ou méconnues, d’autres à destination de la jeunesse. Elle met au jour les contradictions et les œillères de la période nucléarisée dont la parenthèse, ouverte à Hiroshima, ne s’est jamais refermée.

    L’auteure met en lumière les contradictions de cette période nucléarisée, où les promesses du progrès scientifique coexistaient avec les craintes d’une destruction massive. Elle souligne que la parenthèse ouverte à Hiroshima ne s’est jamais refermée, invitant ainsi à une réflexion sur notre rapport actuel à l’énergie nucléaire et à ses implications culturelles et éthiques. ​

    Anne Wattel explore l’impact culturel et intellectuel de l’ère atomique sur la France à travers une analyse fine des réactions d’écrivains, de scientifiques et d’intellectuels. Elle met en évidence la double image du nucléaire : celle d’une puissance destructrice et celle d’un progrès technique porteur d’espoirs.

    L’ouvrage souligne une contradiction fondamentale : si Hiroshima et Nagasaki ont marqué à jamais les esprits par l’horreur de la destruction nucléaire, l’atome n’a pourtant pas été rejeté en bloc. Au contraire, il est devenu un symbole ambivalent, suscitant à la fois une fascination scientifique et une inquiétude existentielle. Cette tension est au cœur du débat sur la dissuasion nucléaire, qui s’est imposée comme doctrine centrale des relations internationales au XXᵉ siècle.

    L’ouvrage offre une analyse riche et nuancée des répercussions culturelles de l’ère atomique en France, révélant les tensions et les espoirs d’une époque confrontée à une révolution scientifique sans précédent.​

    Penser la dissuasion nucléaire aujourd’hui : une nécessité ou une impasse ?
    En 1945, la bombe atomique a révélé au monde un pouvoir de destruction absolu. Depuis, la doctrine de dissuasion nucléaire repose sur un équilibre paradoxal : la garantie de l’anéantissement mutuel empêcherait l’utilisation effective de ces armes. Pourtant, dans le contexte actuel de tensions géopolitiques accrues – guerre en Ukraine, rivalités sino-américaines, multiplication des États nucléarisés –, la question se pose avec une acuité renouvelée.

    Comment justifier aujourd’hui le maintien d’arsenaux capables d’exterminer l’humanité, alors que nous avons conscience des souffrances irréversibles causées à Hiroshima ? L’argument de la dissuasion repose sur l’idée qu’aucune puissance rationnelle n’oserait employer l’arme nucléaire de peur des représailles. Mais cette logique tient-elle encore face à des acteurs imprévisibles, à des conflits asymétriques ou au risque d’escalade accidentelle ?

    L’histoire nous enseigne que la simple possession de l’arme nucléaire ne garantit pas la paix : elle engendre aussi des tensions permanentes, des stratégies d’intimidation et une course aux armements technologiques. Le Souffle d’Hiroshima nous rappelle que la mémoire de la catastrophe ne doit pas seulement servir à légitimer une posture défensive, mais à interroger en profondeur notre rapport à la guerre et au progrès scientifique.

    L’ère atomique a commencé avec l’illusion d’un contrôle total de la force nucléaire. Or, comme le montre Wattel, les débats de l’après-guerre témoignaient déjà d’un malaise face à ce pouvoir sans précédent. Aujourd’hui, plus que jamais, cette réflexion doit être poursuivie : faut-il encore penser la sécurité mondiale à travers la menace de destruction massive, ou sommes-nous capables d’inventer d’autres modèles de coexistence internationale ?

    La dissuasion nucléaire est une solution fondée sur la peur, et non sur la construction d’une paix véritable. Si l’humanité a survécu jusqu’ici à l’ère atomique, c’est peut-être un signe que nous devons cesser de nous y enfermer. L’héritage d’Hiroshima impose non seulement une vigilance, mais une remise en question continue de nos choix stratégiques et éthiques. Une réflexion qui ancre Le Souffle d’Hiroshima dans un questionnement plus large sur notre présent et notre avenir, en éclairant les dilemmes qui persistent autour de l’arme nucléaire.

    Anne Wattel est docteure en langue et littérature françaises, chercheuse associée au laboratoire ALITHILA et au centre de recherche Textes et Cultures (Universités de Lille et d’Artois). Elle est spécialiste du roman du XXe siècle. Ses recherches portent principalement sur les amnésies de l’histoire littéraire.

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