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arts et cultures

First Generation : le portrait d’une écoute

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L’installation First Generation (2004-2006) d’Esther Shalev-Gerz est actuellement présentée dans le cadre du nouvel accrochage de la collection permanente, Persona Grata ? du musée d’art contemporain de Vitry-sur-Seine (MAC/VAL). Cette installation photographique réalisée en 2004-2006 par Esther Shalev-Gerz et acquise par le MAC/VAL en 2006, inaugurée le 29 mars dernier, interroge le principe d’hospitalité et sa mise en danger politique et éthique par nos sociétés contemporaines.
 
Réalisé en 2004 pour le centre de recherche multiculturel de Botkyrka, situé dans la banlieue de Stockholm, First Generation interroge une trentaine de personnes issues de la première génération d’immigrés de toutes nationalités installées dans le quartier de Botkyrka. Esther Shalev-Gerz a enregistré les histoires de ses nouveaux arrivants, structurées à partir de quatre questions : Qu’avez-vous perdu ? Qu’avez-vous trouvé ? Qu’avez-vous reçu ? Qu’avez-vous donné ?
 
Quarante-trois photographies couleur numériques, 32 x 40 cm chacune. Acquis avec la participation du Fram Ile-de-France.  © Esther Shalev-Gerz.
 
Les participants, filmés en gros plans avec de très lents balayages sur les visages en train d’écouter leurs réponses, l’installation vidéo est le portrait d’une écoute. Dans une version successive, qui est celle montrée au MAC/VAL, First Generation est une installation vidéo ou le portrait d’une écoute. Dans une version successive, qui est celle montrée au MAC/VAL, First Generation est une installation murale de 18 mètres de long, composée de 43 images fixes extraites de la vidéo initiale et des textes de la bande-son.

 
En 1979, Esther Shalev-Gerz est diplômée de l’Académie d’art et de design de Bezalel, à Jérusalem. Au début des années 1980, elle séjourne à New York, avant de s’installer à Paris en 1984. En 1986, elle co-réalise le Monument contre le fascisme à Hambourg, qui est l’une des références dans la notion d’art dans l’espace public et dans la réflexion contemporaine sur le monument et la mémoire.
 
Je crois que chaque œuvre d’art est un monument ou un mémorial avec une résonance spécifique. C’est ainsi que je conçois les œuvres d’art dans les musées. Ce sont des monuments et des célébrations de certains moments de l’histoire. » 
Esther Shalev-Gerz, 2018
 
Depuis, elle a conçu et réalisé des installations permanentes dans l’espace public en Israël, à Stockholm, en Suisse, en Écosse ou encore au Canada. Elle expose régulièrement son travail dans le monde entier, elle a bénéficié en 2010 d’une rétrospective à Paris, au Jeu de Paume (Esther Shalev-Gerz : Ton image me regarde !?), elle vient de présenter une œuvre au Mémorial de la Shoah à Paris dans le cadre de l’exposition Regards d’artistes.
Elle expose dans le monde entier, à San Francisco, Paris, Berlin, Londres, Stockholm, Vancouver, Genève, Guangzhou, Goa, New York, Detroit… et vient d’inaugurer une nouvelle installation permanente dans l’espace public, The Shadow, à la Commons Plaza, sur le campus de l’université de Colombie-Britannique, à Vancouver.
 
Œuvre monumentale composée de 24 000 pavés de ciment, The Shadow  inscrit au sol, à la façon d’une mosaïque contemporaine ou d’un dessin digital pixélisé, la silhouette grise, étendue, fantomatique, d’un sapin dit de Douglas des forêts primaires canadiennes. Cette « ombre » se grave, se déploie et s’élance horizontalement sur plus de 100 mètres, occupant l’une des places principales du campus de l’université de Colombie-Britannique, à Vancouver, elle-même située sur le territoire ancestral et non cédé du peuple Musqueam. Faisant à la fois affleurer à même la peau urbaine et ressurgir visuellement, dans le présent des sociétés ex et post-coloniales et industrielles, le passé de l’une des premières nations et le souvenir d’une nature effacée, Esther Shalev-Gerz invite le passant et la passante à traverser cette œuvre contestant en elle-même son apparence monumentale, à la fouler, à la vivre et l’éprouver physiquement, à n’en avoir qu’une vision partielle, singulière et individuelle.
 
 
The Shadow est la plus récente commande publique réalisée par Esther Shalev-Gerz, reconnue internationalement pour ses interventions sculpturales et multimédiales, permanentes ou éphémères dans l’espace public, toujours liées à l’histoire et aux environnements socio-politiques des lieux.
Rappelons notamment, parmi les installations permanentes : Oil on Stone (1983, Tel-Hai, Israël), Monument contre le fascisme (1986, Hambourg, Allemagne, co-réalisé avec Jochen Gerz), Les Inséparables (2000-2009, Wanas, Suède et 2000-2016, Genève, Suisse), First Generation, (2004, Multicultural Center, Fittja, Suède), A Thread (2006, Glasgow, UK).
 
L’histoire – particulièrement celle du XXe siècle et des premières décennies du XXIe siècle – et les mémoires individuelles et collectives, le temps présent se dévoilant par le souvenir et un témoignage en creux, vacillant, suspendu aux oublis et aux silences, aux distances et aux départs articulent toute l’œuvre d’Esther Shalev-Gerz. Ses sculptures, photographies, vidéos et installations donnent forme et voix aux histoires individuelles, regardent et écoutent des vies et des expériences du monde (la guerre, l’extermination, l’exil, le travail, l’art…), au plus près des visages, d’un grain de peau, d’œil ou de lèvres, d’un mot lancé, d’une parole hésitante, au plus près d’objets infimes, perdus, anonymes, conservés et encore vivants à d’autres histoires, au plus près des gestes humains, de leur texture et de leur irruption dans le moment de l’image.
 
Esther Shalev-Gerz fait parler non des témoins du passé ou de l’ailleurs, mais des chercheurs au travail ici et maintenant. Ceux donc qui viennent d’ailleurs, elle les fait parler du présent comme du passé, d’ici comme de là-bas. Elle les fait parler de la manière dont ils ont pensé et aménagé le rapport entre un lieu et un autre, un temps et un autre. Mais aussi les dispositifs qu’elle construit sont eux-mêmes des dispositifs qui distendent leur parole, qui la soumettent à la représentation des conditions de leur énonciation et de leur écoute. »
Jacques Rancière, « Le travail de l’image », in Esther Shalev-Gerz, catalogue de l’exposition Esther Shalev-Gerz : Ton image me regarde !?, Jeu de Paume, Paris, 2010.
 

Persona Grata ? : 9e exposition de la collection

« Persona grata ? » poursuit l’exposition initiale présentée d’octobre 2018 à janvier 2019, dans les deux musées, le MAC VAL et le Musée national de l’histoire de l’immigration. Parmi la centaine d’œuvres qui constitue ce nouvel accrochage, de nouvelles pièces sont dévoilées, dont une vingtaine de récentes acquisitions exposées ici pour la première fois.
 
« Persona grata ? » invite à s’interroger… L’hospitalité est aujourd’hui en question, voire en danger. Si la ville de demain se dessine sur les côtes, les frontières et les jungles de l’Europe d’aujourd’hui, la gratitude et l’hospitalité n’en sont pas les piliers fondateurs.
Si accueillir rime trop souvent avec punir, alors tendre la main devient un acte de vandalisme. Tout comme l’accueil de l’autre ne peut s’envisager que parce qu’il est empêché, l’hospitalité est aujourd’hui contrariée, voire illégale.
L’invitation est pourtant le maître mot du MAC VAL depuis son origine. L’invitation aux artistes, au public, aux courants de pensée, aux mouvements sociaux, à ce qui crée le monde du moment. Et si l’hospitalité est le cœur de sa philosophie, il se trouve que l’hostilité est souvent exprimée par les œuvres de sa collection.
 
Dans un premier temps, avec « Persona grata » au MAC VAL et au Musée national de l’histoire de l’immigration, a été défendue cette notion universelle et humaniste. Aujourd’hui, le musée la pose à la lumière du réel, comme un sujet contemporain à interroger.
En effet, les œuvres de la collection du MAC VAL et leur mise en espace, les relations et sens qui se tissent entre elles incarnent l’ambivalence de la notion d’hospitalité, qui ne peut aujourd’hui s’entrevoir qu’à la lumière de son contraire, l’inhospitalité. Comme des généalogistes de l’intériorité de la collection, on pourra ainsi être tour à tour pris dans un rythme saccadé et rapide d’œuvres qui se répondent, s’accordent, suivent la même pensée ou s’entrechoquent. Et se contredisent. Ainsi est le monde. Duale, contradictoire, contrariée et terriblement contrainte, l’hospitalité est aujourd’hui combattue dans notre société, comme elle est aussi un combat. Si elle implique la paix enfin retrouvée, c’est qu’au préalable il y a conflit, il y a guerre à fuir (économique, écologique, climatique…).
 
À travers l’hospitalité, arrive l’impossible »
Jacques Derrida
 
Artistes présentés : Pierre Ardouvin, Renaud Auguste-Dormeuil, Laëtitia Badaut Haussmann, Richard Baquié, Dominique Blais, Alina et Jeff Bliumis, David Brognon & Stéphanie Rollin, Ismaïl Bahri, Pierre Buraglio, Mircea Cantor, Kyungwoo Chun, CLAIRE FONTAINE, Claude Closky, Philippe Cognée, Delphine Coindet, Pascale Consigny, Bady Dalloul, Éléonore False, Thierry Fontaine, Grout/Mazéas, Ara Güler, Mona Hatoum, Laura Henno, Pierre Huyghe, Emily Jacir, Yeondoo Jung, Thierry Kuntzel, Léa Le Bricomte, M/M, Lahouari Mohammed Bakir, Eva Nielsen, Nøne Futbol Club, Jean-Christophe Norman, François Paire, Philippe Parreno, Bruno Perramant, Laure Prouvost, Judit Reigl, Anri Sala, Sarkis, Bruno Serralongue, Esther Shalev-Gerz, Société Réaliste, Djamel Tatah, Barthélémy Toguo, Patrick Tosani, James Webb, Sabine Weiss, Xie Lei…
 
Installation First Generation, au MAC/VAL – musée d’art contemporain de Vitry-sur-Seine – Depuis le 30 mars 2019 
 

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