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Otobong Nkanga à la Villa Arson de Nice

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Otobong Nkanga offre à voir des images qui révèlent une forte puissance d’évocation. Une grande diversité de supports et de matériaux donne forme à des œuvres inspirées de la terre, de ses ressources surexploitées et des histoires qui en découlent. Son art se situe au croisement des constructions du temps et des civilisations pour aller au-delà de nos horizons, vers d’autres climats, d’autres économies. Cette première exposition monographique d’ampleur en France se déploie, depuis le 12 juin et jusqu’au 19 septembre, comme un parcours faussement déstructuré, non chronologique, qui privilégie les correspondances thématiques et esthétiques afin d’appréhender les méandres de son univers.

Ce qui frappe quand on découvre l’œuvre d’Otobong Nkanga (née en 1974 au Nigeria et vivant aujourd’hui à Anvers en Belgique) ce sont ses images qui, sous leur aspect lisse, font preuve d’une forte puissance d’évocation avec des représentations de corps déstructurés, aux membres disjoints néanmoins reliés entre eux par des cordes, des racines ou des branches. Petit à petit, on découvre que ces liens ne sont pas uniquement des images plaquées, c’est aussi un véritable réseau de formes qui se font sans cesse écho au travers d’une grande diversité de supports : dessins, installations, peintures, textiles, photographies, sculptures, performances et même poésie. Tout semble évolutif et connecté, en totale interdépendance, comme des chaînes d’association que l’artiste construit petit à petit. Plus on prête encore attention à son travail, plus se révèlent également des perforations, des empilements de strates ou des constellations dans lesquelles se mêlent des minerais, du sable, des épices, des graines, des végétaux (parfois sans racines), des tissus, des teintures, du bois, des métaux (en corrosion ou en oxydation), voire des déchets marins, accordant une grande place aux matériaux et aux savoir-faire.

To Dig A Hole That Collapses Again d’ Otobong Nkanga – Photo: Nathan Keay, © MCA Chicago

La terre et ses ressources surexploitées sont pour l’artiste une source sans fin d’inspiration. Mais plutôt que de dénoncer cette exploitation frénétique par des raccourcis trompeurs, Otobong Nkanga choisit de creuser, de mener un travail au long cours pour mettre au jour les formes et les histoires qui en découlent, à la manière d’une enquête forensique (1). C’est ainsi qu’elle s’intéresse au mica qui tire son nom du latin micare qui signifie briller, lui-même lié au terme bling, dont on connaît les liens avec tout ce qui touche à l’ostentatoire. Le mica est utilisé en poudre pour les cosmétiques. Il est aussi un matériau dont la texture feuilletée extrêmement résistante sert d’isolant thermique pour certains bâtiments. Sa malléabilité en a fait un minerai extrêmement convoité. Les valeurs culturelles ne peuvent être dissociées des ressources naturelles. C’est justement au croisement de toutes ces histoires, de ces constructions du temps et des civilisations, que se situe l’œuvre d’Otobong Nkanga sur des rapports fragiles que notre humanité entretient avec son environnement.

L’exposition, la première de cette ampleur en France, est conçue comme un parcours faussement déstructuré (non chronologique et non thématique) qui se déploie dans l’espace labyrinthique du centre d’art de la Villa Arson.

Elle débute par une grande photo produite en papier peint représentant une construction hétéroclite à Curaçao dans les îles Caraïbes (Emptied Remains – Assemblage) et se finit avec la voix de l’artiste qui énonce un texte dans la pénombre (Wetin You Go Do ? Oya Na).
Les deux œuvres s’appuient sur les souvenirs de son enfance. La première, par le prisme d’une mémoire visuelle avec ces architectures précaires bâties par la nécessité et que l’on retrouve dans plusieurs pays du Sud, tel le Nigéria où elle a grandi. La seconde, selon une mémoire liée au langage oral que l’artiste continue d’entretenir au fil du temps, préférant parler/dialoguer qu’écrire. On y croise également d’autres photos (des exploitations minières en Namibie : Emptied Remains), une installation dédiée à la noix de Kola (Contained Measures of Kolanut Tales), des dessins plus ou moins préparatoires, des savons noirs composés de multiples essences et produits par et pour une fondation que l’artiste a créée (Carved to Flow), une sculpture circulaire composée d’acier, de feu, d’eau et d’air (Manifest of Strains), un grand dessin mural réalisé pour l’exposition, ainsi qu’une série de tapisseries qui ponctuent sa production artistique depuis une dizaine d’années.

Quelles que soient les époques, les sociétés ou les continents, les tapisseries ont souvent permis de raconter la vie des peuples, les rapports de force et de pouvoir entre les communautés, le poids des conflits et leurs blessures plus ou moins cicatrisées (The Weight of Scares). Mais une fois de plus, Otobong Nkanga ne souhaite pas s’arrêter aux cadres de l’Histoire. C’est pour cette raison qu’elle a choisi de rédiger le titre de son exposition (WhenLooking Across the Sea, Do You Dream ?) sous la forme d’une question et d’une invitation à regarder au-delà des horizons, au-delà des poncifs et de nous-mêmes, « d’aller au-delà de l’Europe, vers d’autres climats, d’autres économies », comme elle le dit si bien.
Ce titre est également l’amorce d’un court poème qui rebondira à la fin de l’été au centre d’art contemporain Castello di Rivoli (Italie) qui produit un ensemble de nouvelles œuvres pour une exposition prévue du 20 septembre 2021 au 30 janvier 2022.

Exposition When Looking Across the Sea, Do You Dream ? d’Otobong Nkanga à la Villa Arson, 20 av. Stephen Liégeard – 06000 – Nice
Jusqu’au 19 sept. 2021

(1) La recherche forensique, terme d’origine anglo-saxonne à vocation scientifique, regroupe l’ensemble des différentes méthodes d’analyse afin de servir un travail d’investigation. C’est donc une méthode qui creuse par strates d’interprétation.

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