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L’Acte 2 en trompe l’oeil de l’Exception Culturelle

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J’ai eu l’occasion d’assister à la pré­sen­ta­tion du Rap­port Les­cure dit « Acte 2 de l’exception cultu­relle » aux médias le 13 mai 2013 avec Auré­lie Filip­petti et Pierre Lescure au Minis­tère de la Culture. Je vais ici en décrire quelques aspects les plus mar­quants et sur­tout mon­trer que cet Acte 2 est une pro­lon­ga­tion assez linéaire de l’Acte 1. L’alternance poli­tique qui conduit à cet Acte 2 ne change pas fon­da­men­ta­le­ment la donne mal­gré les effets d’annonce. C’est le « chan­ge­ment dans la continuité ».

La remise du rap­port Lescure

J’étais pré­sent à deux des événe­ments de la journée :

– Une confé­rence de presse à 12h30 devant une cen­taine de jour­na­listes et autres médias. Après une intro­duc­tion rapide d’Aurélie Filip­petti, Pierre Les­cure a lu un long texte résu­mant les conclu­sions de sa mis­sion. Tout en com­men­çant par un exe­cu­tive sum­mary à la mode Twit­ter concer­nant notam­ment l’évolution de la loi Hadopi. Cette confé­rence de presse inter­ve­nait juste après la remise du rap­port par Pierre Les­cure et Auré­lie Filip­petti à Fran­çois Hol­lande à l’Elysée.

– Une soi­rée « blo­gueurs » à 20h30 avec une quin­zaine d’invités pré­sents, en plus des équipes de la mis­sion Les­cure et du Minis­tère de la Culture, dans un for­mat de salle équi­va­lent, mais en mode débat pour l’essentiel du temps passé. Ce qui m’a per­mis d’éclaircir un cer­tain nombre de points sur les pro­po­si­tions de la mis­sion Lescure.

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L’après-midi de cette même jour­née avait aussi lieu une confé­rence d’un for­mat voi­sin de la confé­rence de presse avec cette fois-ci les repré­sen­tants des indus­tries cultu­relles. Le reste du temps, Pierre Les­cure et Auré­lie Filip­petti ont fait des RP pour por­ter la bonne parole !

L’objectif poli­tique

cultureacte2Cette mis­sion plan­chait en fait sur la pro­po­si­tion 45 de la cam­pagne pré­si­den­tielle de Fran­çois Hol­lande qui visait sur­tout à rem­pla­cer la loi Hadopi par une « grande loi » signant l’acte 2 de l’exception cultu­relle fran­çaise. Quand on regarde dans le détail les pro­po­si­tions de la mis­sion Les­cure, on se rend compte qu’elles visent bien à res­pec­ter à la lettre ces pro­po­si­tions, sur­tout la dernière.

La Mis­sion Les­cure couvre avec une assez bonne exhaus­ti­vité l’ensemble des sec­teurs de la culture. Elle fait 80 recom­man­da­tions regrou­pées en trois par­ties : l’accès aux œuvres, la rému­né­ra­tion des créa­teurs et le finan­ce­ment de la créa­tion et la pro­tec­tion et l’adaptation des droits de pro­priété intel­lec­tuelle. En cou­vrant les ques­tions de l’accès aux œuvres et de leur finan­ce­ment, on balaye fina­le­ment assez large le sujet !

Le rap­port Les­cure a été créé par une équipe de cinq per­sonnes. Télé­char­geable ici est par­ti­cu­liè­re­ment volu­mi­neux avec 486 pages plus les 233 pages d’annexes qui contiennent la syn­thèse des audi­tions menées. On atteint donc des som­mets avec 719 pages. La ten­dance est actuel­le­ment infla­tion­niste dans la taille des rap­ports ! L’un des der­niers records en date était détenu par le rap­port du député Daniel Gold­berg sur les coûts de pro­duc­tion en France avec ses 620 pages. Il y avait aussi le rap­port de l’IGF sur le sou­tien à l’économie numé­rique, de 421 pages. Tout cela a du bon notam­ment pour four­nir de la matière aux étudiants en recherche de don­nées de mar­ché pour pré­pa­rer leurs mémoires de fin d’étude !

Pour mener ses tra­vaux, la Mis­sion Les­cure a mené 94 audi­tions de 112 orga­nismes, syn­di­cats pro­fes­sion­nels, entre­prises et per­son­na­li­tés. Elle s’est dépla­cée à Londres et Bruxelles ainsi que dans de nom­breuses régions. L’ensemble est très trans­pa­rent, les vidéos de ces réunions étant dis­po­nibles sur le site Culture Acte2 qui a aussi donné lieu à la par­ti­ci­pa­tion du public.

Voyons donc les annonces les plus mar­quantes et quelque peu en trompe l’œil de cette mission.

Hadopi : diluée mais pas supprimée

Le point le plus saillant tourne évidem­ment autour du deve­nir de la fameuse loi Hadopi qui avait fait cou­ler tel­le­ment d’encre aux débuts du quin­quen­nat Sar­kozy. Nom­breux étaient ceux à gauche qui vou­laient voir cette loi pure­ment et sim­ple­ment sup­pri­mée. Cer­tains mili­taient pour une licence glo­bale pou­vant ser­vir de remède à tous les maux, notam­ment celui du pira­tage. La solu­tion idéale basée sur un méca­nisme de redis­tri­bu­tion par­fait. Comme la cam­pagne pré­si­den­tielle l’a bien mon­tré, il a fallu aussi conten­ter les indus­tries cultu­relles qui ne l’entendaient pas for­cé­ment ainsi.

Pour la sym­bo­lique et l’affichage poli­tique, la mis­sion Les­cure pro­pose la sup­pres­sion de l’autorité Hadopi, mais pas celle de la riposte gra­duée qui alerte puis répri­mandes les inter­nautes cou­pables de télé­char­ge­ment illé­gal de conte­nus. Tout du moins ceux qui ont pu être détec­tés car ils emploient des sys­tèmes de télé­char­ge­ment pair à pair car ceux qui passent par du strea­ming ou du direct-download ne sont pas détec­tables par les ayant-droits.

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La mis­sion pro­pose sim­ple­ment que la riposte gra­duée s’arrête au stade de l’amende qui irait de 60€ dans le pre­mier cas et jusqu’à 1500€ en cas de réci­dive. Elle n’irait plus jusqu’à la cou­pure de la liai­son Inter­net du par­ti­cu­lier concerné, jugée à juste titre liber­ti­cide. Qui va gérer tout cela ? Et bien, le CSA qui va se retrou­ver ainsi à gérer une acti­vité « b-to-c » un peu par­ti­cu­lière avec cette nou­velle res­pon­sa­bi­lité. Mais il était déjà habi­tué au rôle de gen­darme, jusqu’à pré­sent appli­qué par exemple à décomp­ter les temps de parole des par­tis poli­tiques à la télé­vi­sion. Il lui fau­dra des moyens à la fois pour « l’éducation » du mar­ché et pour gérer le sys­tème de cette riposte gra­duée légè­re­ment allé­gée. Le coût de la Hadopi qui fai­sait jaser à gauche sera donc main­tenu plus ou moins en l’état. Et dans les faits, le volet répres­sion pour­rait bien s’accentuer car le sys­tème d’amendes sera peut-être auto­ma­tisé, un peu comme avec les radars routiers.

Depuis la mise en place de l’autorité, seules deux cou­pures Inter­net avaient été deman­dées en jus­tice. Pierre Les­cure se féli­ci­tait d’ailleurs de l’efficacité péda­go­gique de l’autorité Hadopi, mon­trant qu’il y avait peu de réci­dives après les pre­miers coups de semonce.

Dans la pra­tique, der­rière l’affichage poli­tique de la fin de la cou­pure Inter­net, l’essentiel du dis­po­si­tif Hadopi reste donc en place. Il main­tient en place les acti­vi­tés de suivi de l’activité des Inter­nautes par les socié­tés d’ayant-droits. Je ne vais pas relire les ver­ba­tim des débats à l’assemblée lors du vote de la Hadopi, mais il est cer­tain que l’on y trou­vera quelques perles. En tout cas, la pro­po­si­tion de la Mis­sion Les­cure rejoint assez bien celle de élus centre-droit à l’époque, comme le député Patrice Martin-Lalande ou du séna­teur Bruno Retailleau, qui sou­hai­taient rem­pla­cer la cou­pure par une simple amende. Le gou­ver­ne­ment Sar­kozy de l’époque n’avait pas été assez sage pour accep­ter ce juste milieu. Il aura fallu l’alternance poli­tique pour le trou­ver, la mis­sion Les­cure étant cer­tai­ne­ment plus « à droite » par rap­port aux points de vue de nom­breux inter­ve­nants sur le sujet au Parti Socia­liste. Et ne par­lons pas du Front de Gauche ou des verts pour qui toute forme de pro­priété intel­lec­tuelle relève du péché (en exa­gé­rant un peu).

Pierre Les­cure pense qu’à terme, on arri­vera à cette licence glo­bale récla­mée par cer­tains. Le rap­port traite lon­gue­ment du sujet, à par­tir de la page 355 du PDF dans « Léga­li­sa­tion des échanges non mar­chands ». Il fait état des nom­breuses dif­fi­cul­tés de mise en place d’une licence glo­bale qui per­met­trait de léga­li­ser ces échanges (appe­lés aujourd’hui « pira­tage ») tout en per­met­tant une rému­né­ra­tion juste des ayant-droits. Pïerre Les­cure juge qu’il est trop tôt pour en pas­ser par là. Quelle échéance faudrait-il attendre ? Pas évident. Peut-être que les indus­tries cultu­relles souffrent plus qu’elles ne souffrent aujourd’hui. Ce sont tou­jours les crises qui pro­voquent des chan­ge­ments radicaux !

En atten­dant, comme du temps de Sar­kozy, la mis­sion pro­pose diverses mesures de lutte contre le pira­tage orga­nisé par des sites qui en vivent par la publi­cité. Et cela passe aussi par la coopé­ra­tion inter­na­tio­nale car nombre de ces ser­vices sont opé­rés dans d’autres pays.

Taxer les smart­phones : chan­ge­ment dans la continuité

La seconde pro­po­si­tion remar­quée de la mis­sion Les­cure est de taxer les smart­phones pour finan­cer la culture. Cela a bien agacé, moi y com­pris. Encore une nou­velle taxe ? En plus, pré­sen­tée comme étant « indo­lore » ! La France, encore dans le pelo­ton de tête de la créa­ti­vité fiscale ?

En fait, pas tant que cela quand on y regarde de près. Comme pour les pro­po­si­tions sur Hadopi, celle-ci est aussi en trompe l’œil. La mis­sion Les­cure pro­pose ni plus ni moins qu’une évolu­tion gra­duelle de la taxe dite de copie pri­vée por­tant sur les sup­ports de sto­ckage vers cette nou­velle taxe por­tant sur les objets connec­tés. Elle s’appuie sur le fait que la consom­ma­tion des conte­nus passe de plus en plus par de la consom­ma­tion « de flux » (en stream + cloud) et de moins par l’accumulation de conte­nus sur des sup­ports de sto­ckage phy­sique « en stock » (clé USB, disques durs). Elle anti­cipe donc cette évolu­tion gra­duelle des modes de consom­ma­tion. Encore une vic­time du cloud !

La mis­sion pro­pose aussi une répar­ti­tion dif­fé­rente de la col­lecte. La taxe de la copie pri­vée sert en majo­rité à rému­né­rer les ayant-droits sur l’usage dit de la copie pri­vée des conte­nus acquis léga­le­ment (elle ne com­pense pas le pira­tage comme l’aurait fait une licence glo­bale). Cette taxe sur les objets connec­tée ali­men­te­rait un fonds géré par le Minis­tère de la Culture et qui aide­rait ces indus­tries avec des actions comme des pro­grammes de sou­tien à la tran­si­tion numé­rique de cer­taines activités.

Dans les faits, la taxe sur la copie pri­vée affec­tait déjà les smart­phones ! Selon les don­nées four­nies par le rap­port Les­cure, les smart­phones repré­sentent même de loin la pre­mière source de la taxe sur la copie pri­vée (page 276 et 284 dans le PDF) avec 30%. Taxe qui au demeu­rant n’est pas une excep­tion fran­çaise puisqu’elle existe dans plein d’autres pays euro­péens dont l’Allemagne.

La nou­velle taxe s’appliquerait à tous les objets connec­tés à même de per­mettre la consom­ma­tion de conte­nus numé­riques : les PC/Mac, les tablettes et aussi les TV connec­tées. La logique fis­cale de Pierre Les­cure : un « taux plus faible (que la taxe de la copie pri­vée) et une assiette plus large ».

L’idée est aussi de faire bas­cu­ler la charge écono­mique de cette taxe sur les acteurs des indus­tries maté­rielles qui pro­fi­te­raient d’une migra­tion de valeur en leur faveur. Le rai­son­ne­ment se tient en termes de valeur abso­lue (chiffre d’affaire). Les indus­tries du maté­riel ont béné­fi­cié d’une crois­sance plus forte de leur CA par rap­port à celle des indus­tries des conte­nus. Mais la Mis­sion fait un peu abs­trac­tion de la marge faible de ces acteurs, encore plus basse que celle des indus­tries des conte­nus. Si on enlève Apple et Sam­sung de l’équation, le tableau est encore moins brillant pour ces indus­tries du matériel.

Pierre Les­cure et Auré­lie Filip­petti indiquent que leur nou­velle taxe, à hau­teur de 1% du prix des maté­riels, sera indo­lore car prise en charge par les dis­tri­bu­teurs et indus­triels. Mais la pro­po­si­tion indique tou­te­fois qu’il fau­drait pro­gres­si­ve­ment aug­men­ter ce taux pour com­pen­ser la baisse des reve­nus liés à l’actuelle taxe de la copie pri­vée. Ils négligent le fait que les acteurs concer­nés tra­vaillent avec des marges très tirées et que 1% de plus ou de moins (ou plus) peut repré­sen­ter entre le quart et le cin­quième de leur résul­tat net ! Les faibles marges du sec­teur font que cette taxe sera inévi­ta­ble­ment réper­cu­tée sur les consom­ma­teurs par les fabri­cants et dis­tri­bu­teurs. Heu­reu­se­ment, pas au point d’augmenter signi­fi­ca­ti­ve­ment la part du mar­ché gris, ces pro­duits ache­tés à l’étranger par les consommateurs.

Côté ren­de­ment, cette taxe au niveau de 1% aurait rap­porté 85m€ en 2012 (pour un CA d’objets connec­tés de 8,5 Md€) à com­pa­rer aux 173m€ qu’a rap­porté la taxe sur la copie pri­vée. Si cette der­nière était ame­née à pro­gres­si­ve­ment dis­pa­raitre, il fau­drait donc que la taxe sur les objets connec­tés atteigne envi­ron 3% ! On com­mence à sor­tir de l’indolore et on se rap­pro­che­rait de feu la TVA sociale lan­cée en fin de man­dat par Nico­las Sar­kozy. A ceci près qu’ici elle serait presque par­faite puisque tou­chant natu­rel­le­ment des pro­duits géné­ra­le­ment fabri­qués à l’étranger.

Il est aussi évidem­ment ques­tion de taxer la caté­go­rie des « inter­mé­diaires », à savoir les pla­te­formes en ligne comme Google ou Ama­zon. Mais sur ce point, la mis­sion Les­cure s’en remet à Bercy qui planche sur les pro­po­si­tions Colin & Col­lin visant à taxer l’accumulation de don­nées per­son­nelles. Bon cou­rage ! Elle recom­mande aussi d’appuyer la posi­tion de la France dans les har­mo­ni­sa­tions sou­hai­tables à l’échelle de la com­mu­nauté euro­péenne, comme sur la TVA.

J’ai posé la ques­tion à Auré­lie Filip­petti sur l’impact de cette taxe sur les pro­duits numé­riques acquis par les entre­prises. Il est dif­fi­cile d’avoir d’un côté des équipes à Bercy qui sou­haitent à juste titre encou­ra­ger les PME à s’équiper et de l’autre, à taxer cet équi­pe­ment. Sans comp­ter le fait que comme pour la taxe de la copie pri­vée, elle tou­che­rait des uti­li­sa­teurs qui ne piratent pas voire ne consomment pas de conte­nus médias sur cer­tains de leurs objets connec­tés. Au même titre que cer­tains télé­spec­ta­teurs payant la rede­vance TV peuvent pré­fé­rer TF1, M6 ou NRJ12 (et ses Anges de la Télé­réa­lité) aux pro­grammes de France Télévisions.

Réponse : cette taxe existe déjà (avec la copie pri­vée) et per­sonne ne s’en rend compte ! Et pour preuve le fait que les tablettes sont moins chères en France qu’au Royaume Uni alors qu’il n’y a pas de taxe sur la copie pri­vée dans ce pays. Hum. Oui, mais bon, est-ce que les prix faciaux sont plus bas où est-ce que le mix de pro­duits ven­dus fait que leur prix moyen est plus bas en France ? Quid de la péné­tra­tion des tablettes low-cost Android vs les plus chères (Sam­sung et les iPad) ? Je n’ai pas les don­nées sous la main mais mon petit doigt me dit que les clients fran­çais achètent en géné­ral des pro­duits numé­riques moins chers que nos voi­sins anglais comme alle­mands. Comme pour les voi­tures. La France est un pays cheap dans ses com­por­te­ments de consom­ma­tion, c’est bien connu.

Bref, cette nou­velle taxe sur le maté­riel n’est pas un chan­ge­ment énorme. C’est une évolu­tion pro­gres­sive de la taxe de la copie pri­vée. Les moda­li­tés de cette tran­si­tion res­tent à inven­ter. C’est là que l’Etat sera créa­tif dans sa grande splen­deur : il fera cer­tai­ne­ment coha­bi­ter les deux taxes alors que l’une est cen­sée rem­pla­cer l’autre dans l’esprit.

Dans le rap­port Les­cure, on trouve une deux autres taxes dont l’évolution est proposée :

D’une part l’extension de la contri­bu­tion au finan­ce­ment du CNC aux reve­nus publi­ci­taires géné­rés par la TV de rat­tra­page. Quand on sait que ces reve­nus sont pour l’instant maigres et les acti­vi­tés cor­res­pon­dantes géné­ra­le­ment pas ou peu pro­fi­tables pour les chaines TV, on peut ima­gi­ner que cela ne va pas pas­ser comme une lettre à la poste !

De l’autre, un chan­ge­ment de cal­cul de l’assiette du chiffre d’affaire des opé­ra­teurs télé­coms dans le cal­cul de leur contri­bu­tion au finan­ce­ment du CNC (la taxe dite TST-D, taxe sur les ser­vices de télé­vi­sion – dis­tri­bu­tion). L’ensemble de leur CA serait pris en compte et pas seule­ment une quote-part de leur CA liée aux offres IPTV. Ceci s’appuie sur une logique qui se tient : la consom­ma­tion de ser­vices de télé­vi­sion via les tel­cos ne passe plus exclu­si­ve­ment par l’IPTV mais aussi par les tablettes et autres écrans connec­tés. A ceci près qu’ils n’en sont pas for­cé­ment les opé­ra­teurs ! Au pas­sage, cet élar­gis­se­ment de l’assiette de cal­cul de la taxe s’accompagnerait d’un finan­ce­ment asso­cié de l’ensemble des sec­teurs de la créa­tion et pas seule­ment de l’audiovisuel. Bon, tout ceci est sus­pendu à une déci­sion atten­due de la Cour de Jus­tice de l’Union Européenne !

Faire pas­ser la pilule du rac­cour­cis­se­ment de la chro­no­lo­gie des médias

En troi­sième lieu, la Mis­sion pro­pose un rétré­cis­se­ment de la chro­no­lo­gie des médias avec un pas­sage de 36 à 18 mois pour le délai de mise à dis­po­si­tion des films en SVOD. Tout ceci est par­fai­te­ment expli­qué par Pas­cal Leche­val­lier dans ZDNet.

On a évidem­ment en tête le cas de Net­flix qui aux USA béné­fi­cie d’une chro­no­lo­gie des médias bien plus souple per­met­tant de créer des offres de SVOD dignes de ce nom. Des offres qui concur­rencent la TV payante clas­sique, y com­pris celle du câble. Aux USA, Net­flix a généré une pres­sion défla­tion­niste sur les conte­nus pre­mium d’où la pru­dence des acteurs fran­çais du secteur.

La mis­sion Les­cure pro­pose aux indus­tries des conte­nus de s’adapter par la concer­ta­tion dans la réduc­tion de ce trou de non dis­po­ni­bi­lité des conte­nus en for­mat vidéo à la demande par abon­ne­ment (SVOD ou VàDa). Reste à voir si cette réduc­tion pas­sera par des accords de branche ou par la voie légis­la­tive. L’affaire n’est pas encore jouée !

Pierre Les­cure sou­haite voir émer­ger entre deux et trois acteurs de la SVOD en France à com­men­cer par Canal+, Orange et un troi­sième qui pour­rait assem­bler TF1 et M6 (quoique leurs dis­cus­sions de longue date n’ont pour l’instant mené à rien).

On est ici dans un cas clas­sique d’une régu­la­tion qui a blo­qué l’innovation, un cas bien trop fré­quent en France où la régu­la­tion pro­tège les acteurs exis­tants et empêche les rup­tures tech­no­lo­giques de se pro­duire. Ou quand elles le sont, c’est un peu aux for­ceps comme l’a mon­tré l’histoire de Free. Et sur­tout, quand la régu­la­tion se déver­rouille, il est déjà trop tard car le reste du monde a déjà bougé bien plus vite. Et on veut créer des lea­ders mon­diaux de l’Internet avec ça ?

C’est ce qui risque de se pas­ser pour la SVOD. Est-ce que ce genre de ser­vice a voca­tion à res­ter natio­nal ? Est-ce qu’il peut être investi dans notre pays par des acteurs inter­na­tio­naux, prêts à bon­dir, qu’il s’agisse de Net­flix ou d’Amazon et Apple ? L’histoire nous le dira bien­tôt. Mais dès lors que les conte­nus les plus popu­laires sont des com­mo­di­tés que tout un cha­cun peut dis­tri­buer (en payant ce qu’il faut) et sont en majo­rité d’origine amé­ri­caine, les offres locales ne font pas vrai­ment le poids. A long terme, comme je l’indiquais dans le pre­mier article d’une série sur Alcatel-Lucent, tous les conte­nus vidéo très haute réso­lu­tion non linéaires pour­ront venir d’Internet en « over the top ».

Pour déve­lop­per la SVOD et au-delà, la mis­sion Les­cure pro­pose aussi d’harmoniser la ges­tion des « méta­don­nées », les bases de don­nées des­crip­tives des films et autres conte­nus dis­po­nibles sur la toile. Com­ment ? En créant une sorte de réfé­ren­tiel ouvert à tous les acteurs et géré par les orga­nismes divers de dépôt légal (BNF, CNC, etc). Il existe bien un acteur fran­çais, filiale du groupe Lagar­dère, qui semble lea­der dans ce domaine, au moins dans l’audiovisuel : Plu­ri­me­dia. Ce lea­der a d’ailleurs des dif­fi­cul­tés à se déve­lop­per hors de France. J’ose ima­gi­ner que la pro­po­si­tion Les­cure ne va pas leur cou­per l’herbe sous le pied du mar­ché français !

Et l’international ?

Les pro­po­si­tions de l’Acte 2 ne traitent pas expli­ci­te­ment de la pro­jec­tion à l’étranger de l’exception cultu­relle fran­çaise. Ce n’est pas le tout de dire que la culture c’est bien et que cela créé des emplois. Les meilleurs emplois sont ceux qui pro­viennent d’activité amé­lio­rant notre balance com­mer­ciale. Cet aspect macro-économique n’est pas tel­le­ment abordé dans le rap­port, c’est un peu dommage.

Mais nous avons eu l’occasion d’en dis­cu­ter lon­gue­ment dans la réunion blo­gueurs. Selon Pierre Les­cure et Auré­lie Filip­petti, l’export est traité de manière laté­rale dans un grand nombre de pro­po­si­tions : dans celles qui concernent les jeux vidéo comme dans le finan­ce­ment de la conver­sion au numé­rique de filières exis­tantes. Pour les jeux vidéo, le rap­port met l’accent sur le dés­équi­libre fis­cal créé par le dum­ping du Canada dans le sec­teur. Nous allons ren­trer dans ce jeu infer­nal de dum­ping contre dum­ping. En fai­sant cela dans toutes les indus­tries concer­nées les unes après les autres, on risque de ne pas aller bien loin et de s’enfoncer. Quelle autre stra­té­gie l’Etat peut-il adop­ter sachant que la dif­fé­ren­cia­tion par la valeur et pas par le coût ne se décrète pas ? Pas évident !

Pierre Les­cure est aussi remonté contre les pro­duc­teurs fran­çais qui ne se sont pas adap­tés assez rapi­de­ment à la demande mon­diale, aux for­mats de séries en 52 minutes (vs les 90 minutes qui sont encore pro­duits et ne se vendent pas). Il y a quelques « best prac­tices » cepen­dant, et notam­ment avec les séries TV pro­duites par Lagar­dère (Bor­gia) ou Euro­pa­corp (XIII, Trans­por­teur, …). Des copro­duc­tions inter­na­tio­nales qu’il faut conti­nuer à encourager.

Mais la mis­sion ne semble pas pro­po­ser de rééqui­li­brage entre pro­duc­teurs et chaines de TV. Les chaines de TV n’ont pas le droit d’être majo­ri­taires dans les pro­duc­tions et les socié­tés de pro­duc­tion. Cela pro­tège les petits pro­duc­teurs, eux-mêmes en par­tie ali­men­tés par des avances diverses (CNC). Mais cela empêche l’industrie fran­çaise des conte­nus de s’intégrer plus ver­ti­ca­le­ment comme en Alle­magne ou aux USA et de béné­fi­cier ainsi d’économies d’échelle notam­ment dans la pro­jec­tion com­mer­ciale à l’international. On est dans un cas clas­sique de sur-régulation d’un sec­teur qui empêche les gros d’émerger alors que l’on sait que l’on a besoin de gros acteurs pour être solides sur la scène écono­mique internationale.

Autre sujet pas traité dans la mis­sion car… hors sujet, la ques­tion du croi­se­ment culture et numé­rique pour valo­ri­ser la France comme des­ti­na­tion tou­ris­tique. Auré­lie Filip­petti est cepen­dant assez dis­serte sur le sujet et rap­pelle que tout ce qui est fait dans la culture et qui valo­rise notre patri­moine ali­mente cette filière du tou­risme qui repré­sente 7% du PIB (et la culture 3%). Oui, mais, il reste à le faire en exploi­tant intel­li­gem­ment les outils numé­riques et il y a du che­min à faire ! Là-aussi, des approches trans­ver­sales, stan­dar­di­sa­trices, multi-écrans ainsi que des ser­vices inno­vants pour­raient contri­buer à aug­men­ter le niveau de dépense des étran­gers en France ! Sans comp­ter aussi des démarches qui n’ont rien à voir avec le numé­rique et qui consistent à par­fois réap­prendre au sec­teur ce qu’est un c-l-i-e-n-t !

Et la photographie ?

Suite de l’article sur le blog d’Olivier

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