En lisant cet article sur votre ordinateur ou votre smartphone, vous contribuez d’une certaine manière à polluer la planète. Quand vous envoyez un email avec une pièce attachée, vous activez une énergie équivalente à celle d’une ampoule de 50 watts allumée pendant une heure.
Pendant la première décennie d’Internet, entre 1990 et 2003, le monde virtuel produisait 5 millions de gigaoctets de données. En 2011 il fallait 48 heures pour gérer la même quantité ; aujourd’hui il n’en faut qu’une poignée de secondes. Les conséquences énergétiques d’une telle production sont gigantesques. Et ce n’est pas fini puisque avec l’usage généralisé des vidéos en streaming, le volume des données et donc l’énergie nécessaire pour les stocker et les déployer devraient croître dramatiquement.
Le documentaire de Coline Tison et Laurent Lichtenstein « Internet, la pollution cachée » a contribué à sonner le signal d’alarme. Aux Etats-Unis, les méga datacenters d’Apple, de Facebook, de Google, utilisent à eux seuls 5 % de la production énergique américaine pour fonctionner. En Virginie occidentale, les datacenters pompent 12 % de la production américaine de charbon. Avec le prix écologique qu’il faut payer.
https://www.youtube.com/watch?v=vSXJi5AKtP8
Google à lui-seul consomme chaque jour autant d’électricité qu’une grande ville française comme Bordeaux. Chaque heure, 10 milliards de mails sont envoyés via sa messagerie Gmail. C’est l’équivalent de la consommation de carburant de 4000 vols allers-retours entre Paris et New-York. Les datacenters qui conservent nos données ne sont pas virtuels, ils ne vivent pas dans les nuages tels des anges. Ils sont réels, solides, matériels. Ils sont gourmands et ils sont fragiles puisqu’au-delà d’une certaine température, ils tombent. Il faut les alimenter, les réfrigérer, les dupliquer pour assurer la conservation sécurisée des données. De nos données. Car quand nous conservons un email dans notre boite aux lettres, nous activons une parcelle de ce processus. Quand nous partageons sans réserve nos photos sur Facebook, nous contribuons à consommer plus et toujours plus. L’énergie est devenue le talon d’Achille des géants de l’Internet.
La maitrise de l’énergie et le recours à des énergies non-polluantes sont devenus des priorités pour les grands opérateurs du net. Tous ne sont pas encore au même niveau de maturité dans la prise de conscience et dans la mise en œuvre de solutions. Greenpeace suit cette affaire depuis 2012. Le premier rapport de l’ONG mettait en accusation les majors d’Internet, Apple en tête, comme plus gros pollueurs de la planète. Les datacenters de la firme de Cupertino dévoraient des millions de tonnes d’énergies fossiles pour fonctionner. Une intense campagne de sensibilisation s’est donc mise en œuvre pour changer les habitudes et instaurer des systèmes ayant recours à des énergies propres.
Le rapport de Greenpeace publié en mai 2015 présente un bilan contrasté. La prise de conscience est bien passée, des solutions ont été mises en application ; mais pas pour tous.
Le bilan ci-dessous fait apparaître les grandes disparités des comportements. Apple est le meilleur élève de la classe puisque la firme à la pomme a réussi le tour de force d’utiliser aujourd’hui 100 % d’énergies propres. Il n’en n’est pas de même pour les mauvais élèves comme Amazon ou eBay qui ont encore massivement recours aux énergies fossiles.
D’une manière générale, le rapport Greenpeace fait un état satisfaisant des efforts déployés par certains des géants du web. Apple annonce aussi ne pas s’arrêter en si bon chemin et débloquer 1.7 milliards de dollars pour construire deux datacenters verts pour faire fonctionner ses services come iTunes ou Siri. Les autres acteurs mastodontes comme Google, Facebook, Amazon ou Microsoft ont encore du chemin à parcourir. Mais le mouvement semble bel et bien lancé. L’enjeu est de taille : en effet, nous consommateurs éclairés, accepterons-nous d’être malgré nous, d’horribles pollueurs en utilisant ces services ? Il arrivera un moment où l’envoi d’un simple mail nous chargera en culpabilité. Cette idée n’est pas très bonne pour le business. Les géants d’Internet commencent à bien le comprendre.
Télécharger le rapport « Clicking Clean »de Greenpeace (pdf)