Les pays qui mettent en œuvre des mesures environnementales rigoureuses ne voient pas leur compétitivité à l’exportation se dégrader par rapport à ceux qui appliquent des politiques plus timides. C’est ce qui ressort d’un nouveau rapport dans lequel l’OCDE tord le cou à l’idée reçue selon laquelle les réglementations visant à faire reculer la pollution et la consommation d’énergie seraient préjudiciables aux entreprises en leur imposant de nouveaux coûts. Et qu’elles favoriseraient les « havres de pollution », c’est-à-dire les délocalisations d’activités vers les pays moins-disant sur les questions environnementales. Explications.
Il ressort de ce rapport que les économies émergentes dotées d’un puissant secteur manufacturier, comme la Chine, pourraient durcir leur législation environnementale sans entamer leur part de marché globale à l’exportation. Que ce soit dans les BRIICS ou en Europe et en Amérique du Nord, les industries polluantes et énergivores comme la chimie, les matières plastiques et la sidérurgie seraient légèrement pénalisées en cas de tour de vis réglementaire, mais la croissance des exportations des secteurs moins polluants compenserait ce désavantage.
Le rapport « Les politiques environnementales ont-elles une incidence sur les chaînes de valeur mondiales ? » remet en question l’idée reçue selon laquelle les réglementations visant à faire reculer la pollution et la consommation d’énergie seraient préjudiciables aux entreprises en leur imposant de nouveaux coûts. L’hypothèse du « havre de pollution » veut que les entreprises manufacturières réagissent souvent au durcissement de la législation environnementale par la délocalisation d’une partie de leurs activités de production dans des pays moins exigeants. Rassurant, notamment pour la Chine qui vient de « s’atteler à la promotion de la législation de la taxe environnementale, afin d’encourager les entreprises à réduire leurs rejets polluants », comme l’a indiqué Chen Jining, ministre chinois de la protection de l’environnement, ce 11 mars, lors d’une conférence de la session annuelle de l’APN. Il précise d’ailleurs que « La législation n’a pas pour but essentiel d’augmenter les taxes, mais d’établir un système qui favorise la protection de l’environnement ».
« Les politiques environnementales ne sont tout simplement pas le déterminant principal des courants d’échanges internationaux « comme l’a expliqué Catherine L. Mann, la Chef économiste de l’OCDE, lors de la présentation de l’étude à la London School of Economics. « Nous n’avons pas trouvé d’éléments tangibles corroborant l’idée qu’un écart important entre les politiques environnementales de deux pays a des répercussions significatives sur leurs échanges globaux de biens manufacturés. Les gouvernements doivent cesser de considérer comme acquis que des réglementations strictes entameront leur part de marché à l’exportation et se concentrer au contraire sur les avantages qu’ils peuvent tirer de l’innovation ».
La politique de l’environnement n’a qu’un faible impact sur la croissance des échanges
La politique de l’environnement n’a qu’un faible impact sur la croissance des échanges : la nouvelle étude de l’OCDE analyse les données sur l’évolution des exportations de secteurs polluants et peu polluants dans 23 pays avancés et six économies émergentes. Elle utilise la valeur ajoutée nationale qui ressort des données relatives aux exportations et classe les pays en fonction de leur score à l’indicateur de sévérité des politiques environnementales mis au point par l’OCDE.
Elle montre que les pays dotés d’une législation environnementale rigoureuse sont très légèrement pénalisés dans les secteurs polluants comme la sidérurgie, la chimie, les matières plastiques et les combustibles. Mais cet effet est compensé par l’avantage obtenu dans des secteurs plus propres comme les machines ou l’électronique. L’un et l’autre de ces effets sont très faibles au regard d’autres facteurs comme la taille des marchés, l’élimination des droits de douane, la mondialisation et les atouts intrinsèques des pays.
À titre d’exemple, la valeur ajoutée nationale des exportations de biens réalisées par les secteurs polluants des pays les plus stricts en matière de législation environnementale (Allemagne, Danemark et Suisse) à destination des BRIICS a augmenté de 11.157 milliards USD entre 1995 et 2008. En cas de mesures moins strictes, cette hausse aurait été de 3 % supérieure, mais la sévérité de la législation environnementale a aussi parallèlement permis de gagner 3 % sur les exportations des industries plus propres, de sorte que le bilan en termes monétaires est quasiment neutre.
Les pays où les industries manufacturières sont déjà relativement peu polluantes devraient donc accroître leur part sur le marché mondial en cas de durcissement de la législation environnementale. Les secteurs et les entreprises qui deviennent plus propres au fil du temps prospéreront dans le cadre de politiques plus rigoureuses, mais ceux qui ne s’adaptent pas verront leurs résultats à l’exportation se dégrader.
Au moment où les gouvernements étudient les moyens de rendre la réglementation environnementale plus contraignante pour répondre aux nouveaux engagements de lutte contre le changement climatique, cette analyse présente des éléments montrant que les échanges ne s’en trouveraient pas affectés. Elle valide les études théoriques montrant que des facteurs comme la situation du marché et la qualité de la main-d’œuvre sont susceptibles d’avoir un impact bien plus important sur la compétitivité internationale. Des normes environnementales rigoureuses peuvent aussi inciter les entreprises à se montrer plus innovantes et améliorer ainsi leurs performances tant économiques qu’environnementales.
L’indicateur de sévérité des politiques environnementales de l’OCDE est un indice composite qui repose sur le coût explicite et implicite de politiques environnementales axées principalement sur le traitement du changement climatique et de la pollution de l’air. Il montre que, depuis 1990, les politiques sont devenues de plus en plus rigoureuses dans les économies avancées, et que c’est en Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas et en Suisse que les coûts imposés aux comportements polluants sont les plus élevés, tandis qu’ils sont en gros dans la moyenne au Royaume-Uni et aux États-Unis. Dans les BRIICS, ces politiques sont moins contraignantes.
Lire l’étude complète (en anglais).
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