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Revenu universel, une digue face à la déferlante de l’IA ?

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L’Intelligence Artificielle déferle partout dans notre monde.  Tous les observateurs et les meilleurs cabinets d’analyse le confirment. Dans moins de 5 ans, c’est 60 % de nos activités qui seront impactées. La menace la plus redoutée tient à la disparition de centaines de millions d’emplois. Face à ce qui s’annonce être une catastrophe sociale, que faut-il faire ? Attendre les doigts croisés que ceci ne nous mènera pas à une troisième guerre mondiale, à une insurrection des travailleurs devenus obsolètes partout sur la planète, à la guerre civile, à la pauvreté généralisée ? Ou faut-il prendre les devants et imaginer compenser le travail perdu par une nouvelle redistribution de la richesse produite. C’est pourquoi des voix venant du monde des technologies s’élèvent pour appeler à la mise en œuvre du revenu universel de base. Richard Branson vient de se joindre à ce concert. Selon lui, le revenu de base est le seul moyen de permettre à l’IA de se déployer. Il n’y en a pas d’autres.
 
Selon un sondage Ifop dévoilé ce mardi 10 octobre, 64 % des Français se disent « inquiets » par le développement de l’intelligence artificielle. Une majorité estime qu’elle rendra les entreprises plus performantes, mais au détriment des emplois. Cette crainte est relayée par la voix de nombreuses personnalités ou grands esprits scientifiques comme Steven Hawking qui estiment que l’automatisation et l’IA vont littéralement décimer les jobs de la classe moyenne. Une étude de 2013 de l’Université Oxford avait prédit que d’ici une ou deux décennies, près de la moitié (47 %) des emplois américains seraient automatisés. La menace concernerait de nombreuses catégories d’emplois et pas seulement les travailleurs en usine. Elle impacterait, parmi des dizaines de secteurs, celui des transports, de la santé, des services, des administrations et même du journalisme. Les chercheurs du McKinsey Global Institute évoquent un bouleversement qui se produira dix fois plus vite et aura trois mille fois plus d’impact que la révolution industrielle.
 
Certes, le développement de l’IA n’a pas que des côtés sombres. Plusieurs études, souvent issues d’organismes industriels ou d’entreprises high tech, paraissent pour démontrer le contraire. L’IA serait, au contraire, créatrice d’emplois. C’est ce que tend à affirmer notamment une étude du géant informatique Capgemini, « Turning AI into concrete value: the successful implementers’ toolkit », réalisée en septembre dernier auprès de 1 000 entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions de dollars et qui ont recours à l’intelligence artificielle (IA), que ce soit en phase de test ou à grande échelle.
Cette étude déjoue les craintes de destruction massive d’emplois à court terme que provoquerait l’adoption de l’IA et révèle les perspectives de croissance qu’offre cette dernière. En effet, l’IA est à l’origine directe de création de postes dans 83% des sociétés interrogées et, dans trois quarts des cas, d’une augmentation des ventes de 10%.
 
Mais il n’en demeure pas moins, comme le remarque Johann Roduit, Managing Director du Centre d’Humanités Médicales de l’Université de Zurich, que l’Internet des objets, l’ubérisation, les Big Data, les imprimantes 3D, les drones et les voitures autonomes, les robots de toutes sortes, petits, grands, domestiques, industriels nous envahissent comme les vagues d’une marée démesurée.  « Il est de plus en plus difficile d’imaginer quel type de travail ne sera pas radicalement transformé et quelle profession ne deviendra pas obsolète » dit-il. Les ouvriers ne sont pas seuls visés, les cols blancs aussi, mais aussi les avocats, les médecins, les pédagogues… le mouvement est en marche.
 
Les promoteurs de ces « innovations » sont des gens extraordinairement convaincus de ce qu’ils font. Leur mission a quelque chose de messianique et en ce sens, elle est inéluctable. Ils perçoivent pourtant le risque majeur, car il y en a un, et il est de taille suffisante pour fracasser leur élan. En développant leurs technologies, en améliorant l’intelligence des machines, en s’approchant chaque jour davantage du point de singularité, ils savent qu’ils se heurteront à un risque : celui de l’humain.  Et le risque non maîtrisé n’est jamais très bon pour le business.
 

Acheter la paix

 
C’est la raison pour laquelle on voit aujourd’hui les gourous du transhumanisme, les papes des universités californiennes de la singularité, les technologues les plus avancés, se transformer en ardents défenseurs et promoteurs d’un revenu de base pour tous ces humains que leurs technologies auront mis au rencart. En se libérant de ce souci, en payant ceux qu’ils auront remplacés par des machines, ils s’achètent une paix inestimable.
 
Le dernier exemple en date de ce discours pro-revenu de base est celui porté par Richard Branson, entrepreneur milliardaire et fondateur de Virgin Group. Il déclare au magazine Business Insider Nordic qu’un filet de sécurité fourni par un revenu de base pourrait aider à contrer les effets de l’intelligence artificielle et d’une automatisation accrue : « Le revenu de base sera d’autant plus important. Si l’IA crée beaucoup plus de richesses, le moins que le pays puisse faire, c’est qu’une grande partie de la richesse créée par l’IA est réinvestie dans la mise en place d’un filet de sécurité pour tout le monde. » Ces propos se situent dans la même veine que ceux d’Elon Musk, le mythique entrepreneur high-tech. Le PDG de Tesla et Space X déclarait lors du Sommet du gouvernement mondial en février, en parlant de l’inévitable automatisation à grande échelle : « Je ne pense pas que nous aurons le choix. Je pense que ce sera nécessaire. Tant qu’une plus grande automatisation nous attend à l’avenir, nous devrons trouver un moyen de faire en sorte que les pertes d’emplois ne se traduisent pas par une pauvreté généralisée. Le revenu de base universel est un moyen réaliste et pratique de remédier à cette situation et, à l’heure actuelle, personne n’a une meilleure solution de rechange ». 
 

Digital Labor

 
D’autres représentants éminents des technologies les plus avancées y voient aussi des perspectives inédites de création de valeur. Le revenu de base serait ainsi le cheval de Troie des compagnies de la Silicon Valley pour se donner une allure altruiste et réduire les obstacles, principalement sociaux, qui pourraient survenir dans leur route vers l’hégémonie. De plus, l’idée d’instaurer un revenu garanti, loin des motivations morales ou sociales que l’on entend de ce côté de l’Atlantique, servirait à favoriser l’implantation durable d’un nouveau capitalisme : le capitalisme cognitif. En accordant un revenu de base, on permet l’accélération de la circulation des idées dans les circuits économiques, d’une part et, de l’autre, on valorise tout ce qui n’est pas considéré actuellement comme du travail mais qui apporte néanmoins de la valeur. C’est en d’autres termes, le digital labor, c’est-à-dire la monétisation de l’implication des citoyens-utilisateurs dans la formation de la valeur d’un service ou d’un produit. En consultant le moteur de recherche, chacun d’entre nous contribue, à sa mesure, à une amélioration de l’indexation de Google. En nous mesurant nous-mêmes avec toujours plus d’objets communicants, nous contribuons à la formation d’une valeur économique. En communiquant nos informations aux neurones du big data, nous fournissons des éléments tangibles de monétisation.
 
L’histoire nous réserve toujours des situations que les esprits les plus cyniques n’auraient jamais osé imaginer. Cette convergence du capitalisme le plus débridé avec les mouvements les plus révolutionnaires du moment n’est-elle pas un fantastique pied de nez de l’histoire en train de se faire ?
 
 

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