BILLET D’HUMEUR
D’ici 2035, les voitures à moteur thermique auront disparu de la circulation et nous devrions voir sur les routes une majorité de voitures électriques. C’est très bien pour la planète, mais à quel prix ? L’enjeu est éminemment industriel donc, politique. Il concerne de fait notre souveraineté économique et met en jeu la liberté de chacun. Car nous n’aurons peut-être pas de choix possible : nous serons forcés de choisir entre des voitures chinoises et… des voitures chinoises. Dès demain, elles vont inonder le marché, à prix cassés, remisant à la ferraille nos anciennes industries automobiles, terrassées par la concurrence.
Finies les Renault, Peugeot, Fiat et autres Volkswagen. Nous roulerons en MG de SAIC, en Polestar de Geely, en BYD, en NIO, GWM, Aiways, Hongki… Des noms aujourd’hui inconnus de la plupart d’entre nous, mais qui deviendront vite notre quotidien. Car la Chine possède d’ores et déjà une énorme avance dans la production des voitures électriques pour deux raisons majeures : elle maîtrise la technologie des batteries et a la main sur les chaînes d’approvisionnement des matériaux cruciaux dans leur fabrication comme les terres rares. Résultat : quand l’Europe parvient à vendre un véhicule électrique à 50 000 euros, la Chine propose le même pour 25 000 euros.
Le projet de l’Union européenne d’obliger ses citoyens à acheter des voitures électriques a pris de court son industrie automobile, car les véhicules électriques chinois sont prêts à surpasser les produits locaux sur le marché de masse. L’Europe a pris une décision nécessaire au regard de la sauvegarde de la planète, mais dévastatrice pour sa propre industrie. Une décision prise en mettant la charrue avant les bœufs : en instaurant une règle sans s’assurer des conditions de sa faisabilité industrielle préalable. En observateur attentif du marché, l’institut Schmidt Automotive Research prévoit que la part de marché des constructeurs chinois de véhicules électriques passera en Europe de 15,1 % en 2023 à 65 % en 2030.
Alors, face à la chronique d’un désastre annoncé, on observe des initiatives qui ressemblent fort à autant d’escarmouches ou barouds d’honneur. Les constructeurs allemands de voiture de prestige nous vantent les vertus d’un carburant synthétique, encore en développement, qui aurait les mérites de ne pas émettre de CO2. Tesla, le grand constructeur américain de véhicules électriques sait que ses prix ne sont pas concurrentiels face aux Chinois et qu’il risque, lui aussi, le désastre ; il entreprend donc de réformer ses chaînes de fabrication, abandonnant le fordisme pour monter des chaines plus économiques qui réduiraient les coûts de production par deux. Les dirigeants politiques européens se dépêchent de sécuriser les filières d’approvisionnement en matériaux critiques et à relocaliser la production, parlent de réouverture de mines de terres rares ou de construction de gigafactories de batteries. Ces derniers sursauts suffiront-ils à contrer la menace chinoise de devenir l’usine du monde des véhicules électriques ? Rien n’est moins sûr.
Quant aux procédures de protection des frontières européennes et les politiques de taxation des voitures importées de Chine, ces mesures seront sans doute immédiatement prises, mais seront-elles durables ? Pourrons-nous résister longtemps aux lois du marché, à celles de la concurrence, et que pèsera l’intérêt des États et de leurs industries locales face à celui des consommateurs ? Les voitures électriques de demain seront-elles les tee-shirts d’aujourd’hui, comme des pans entiers de notre économie abandonnés en rase campagne face à l’assaut du plus fort ?
…et comment on fournira assez d’électricité ? Le moteur électrique pose largement autant de problèmes qu’il n’en résout. Et sans compter la pollution indirecte (usure des routes en raison du poids plus important des voitures, usure des consommables, recyclage, risques inhérents aux batteries…) Et si le tout électrique était aussi un gigantesque piège ?
…et comment on fournira assez d’électricité ? Les nouveaux réacteurs EPR, dont la mise en route le fonctionnement sont plus qu’aléatoires, c’est vrai, devraient être là pour faire de la France aux voitures éclectiques ce qu’est l’Arabie Saoudite aux voitures thermiques. Il est une autre chose dont pas grand monde ne tient non plus compte : la pollution délocalisée que représentent les voitures électriques. C’est bien beau de diminuer ses émissions de GES chez soi quand on ne fait que les aggraver dans les pays producteurs de lithium. Ce n’est pas non plus très sympa de condamner les populations de ces… Lire la suite »