Les Mardis de l’Université Populaire reprennent ce soir, mardi 20 octobre 2015 à 19h, dans le cadre du Cycle QUESTIONS DE VIES du Festival Vivant, sur le thème « Le vivant sous influence : rythmes & blues », avec André Klarsfeld, biologiste, professeur à l’ESPCI, auteur de « Les horloges du vivant » (Odile Jacob). Une conférence grand public pour mieux comprendre notre horloge biologique, afin de mieux comprendre ce que nous sommes.
Pour ce nouveau cycle de rencontres et de débats, l’Université Populaire du 2e vous propose en cinq conférences ludiques de découvrir et participer à des visions, des idées, des points de vue, des initiatives qui inaugurent le monde de demain selon l’angle du vivant.
Illustration : Golnaz Behrouznia
Prenant en compte les modifications du climat, que chacun peut observer depuis quelques années, où qu’il vive sur cette planète, ces rencontres vont tenter de mettre la vie à venir – nos vies – en questions.
Sommes-nous vulnérables ? Avons-nous les bonnes techniques ? Pourquoi devrions-nous être normés ? L’automatisation est-elle inexorable ? Saurons-nous nous adapter ? Faut-il accélerer ou ralentir ?
Entre inquiétude et espoir de changer cette menace : des questions et des réponses concrètes.
Première conférence : mardi 20 octobre, « Rythmes & blues » avec André Klarsfeld
De nombreuses fonctions biologiques suivent un cycle de 24 heures, discrètement réglé par nos horloges internes : l’alternance entre veille et sommeil, mais aussi la prise alimentaire, la température corporelle ou encore les sécrétions hormonales. Or la vie moderne perturbe de plus en plus ces horloges…
L’accélération de nos rythmes est-elle soutenable ? Faut-il toujours accélérer ou reprendre son souffle ? Et si le « Tempo de nos organismes » était la clé pour éviter maladies et insomnies et pour optimiser notre mémoire et nos performances…?
Les horloges biologiques, qui rythment nos vies sans que nous en ayons conscience la plupart du temps, constituent une dimension essentielle des mondes animal, végétal et même microbien. Elles facilitent l’adaptation aux cycles immuables des jours et des saisons, et expliquent aussi bien les dépressions saisonnières que le déclenchement de la période des amours chez les animaux. C’est cet ordre, avec ses bouleversements occasionnels ou durables, qu’André Klarsfeld nous a fait découvrir dans son ouvrage, « Les horloges du vivant » paru en 2009 aux éditions Odile Jacob.
La compréhension du fonctionnement de « l’horloge principale » a bénéficié des progrès des outils de la génétique moléculaire permettant d’identifier des « gènes d’horloge » au sein de nombreuses cellules. « Reste à comprendre le langage que ce chef d’orchestre emploie avec ses musiciens et comment ces derniers remplissent leur fonction, écrit André Klarsfeld. Ces deux domaines majeurs de recherche pourraient en effet avoir des retombées médicales potentielles immenses. »
Son livre s’achève d’ailleurs sur un chapitre consacré aux retombées acquises ou futures de la chronobiologie dans le domaine de la santé avec des questions aussi pragmatiques que celles du décalage horaire, des sujets « du matin » et de ceux « du soir », des problèmes du travail posté, de liens entre chronobiologie et dépression, de l’heure d’été et de l’heure d’hiver ».
André Klarsfeld est actuellement professeur à l’École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles (ESPCI ParisTech) de la Ville de Paris, Laboratoire de Neurobiologie (ESPCI/CNRS). Il est membre de la Société francophone de chronobiologie. Avec Frédéric Revah, il a écrit Biologie de la mort.
Désynchronisation. Pourquoi ? Comment ?
Un organisme en bonne santé est un organisme synchronisé avec les facteurs de l’environnement. Dans le cas contraire, la désynchronisation de l’horloge interne est à l’origine de divers problèmes de santé dont certains peuvent être importants et graves lorsque la situation de désynchronisation est chronique comme dans le travail posté et le travail de nuit.
L’horloge interne, localisée dans les noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus antérieur, est sous le contrôle de facteurs externes (facteurs de l’environnement, vie sociale) et de facteurs génétiques. Lorsque l’horloge interne n’est plus en phase avec l’environnement l’organisme est désynchronisé. Les causes de cette désynchronisation sont nombreuses et peuvent être liées à des synchroniseurs qui se trouvent en conflit avec l’horloge interne (travail posté, travail de nuit, vol transméridien), ou à des synchroniseurs qui sont inefficaces (vieillissement, certaines maladies psychiatriques…), ou à des synchroniseurs mal ou non perçus (cécité), ou à un défaut d’entraînement de l’horloge (désordres circadiens du sommeil comme les syndromes de retard ou d’avance de phase), ou enfin à certains médicaments ou drogues (lithium, propofol, alcohol…). Les situations de désynchronisation, surtout si celle ci est chronique, peuvent entraîner des troubles de l’organisme qui peuvent être sérieux. La resynchronisation de l’horloge est réalisée avec l’administration de mélatonine ou par exposition du patient à la lumière forte.
Les organismes vivants sont soumis aux cycles jour-nuit de 24 h imposés par la rotation de la terre. Ils ont développé une horloge circadienne qui permet d’anticiper les changements environnementaux de façon à adapter la physiologie et le comportement à cet environnement cyclique . Les horloges sont présentes dans l’ensemble du monde vivant, y compris chez certains procaryotes (cyanobactéries), et montrent une étonnante similitude des mécanismes qui permettent de générer une oscillation moléculaire. Dans le monde animal, la conservation des gènes d’horloge est importante et une bonne partie d’entre eux jouent le même rôle chez les insectes et les mammifères.
La synchronisation des horloges cérébrales avec les cycles jour-nuit s’effectue principalement via les changements de lumière et de température. En laboratoire, les mouches se synchronisent en l’espace d’une journée sur un décalage de plusieurs heures du cycle lumière-obscurité.
Alerte de l’Académie de médecine : L’exposition à la lumière la nuit peut nuire à la santé
L’Académie nationale de médecine alerte les acteurs sociaux (1), à tous les niveaux de la prévention et de la décision (législateurs, médecins du travail, employeurs, travailleurs…), sur ce nouvel agent de pollution qu’est l’exposition à la lumière la nuit et l’urgence de prendre des mesures concrètes.
La lumière est un facteur clé du fonctionnement de notre horloge interne. Lorsque l’horloge reçoit le message transmis par la lumière le jour, comme c’est habituellement le cas, l’organisme est synchronisé. En revanche, quand l’horloge est exposée de façon chronique à la lumière la nuit, l’organisme, désynchronisé, souffre de divers troubles dont certains peuvent être graves (augmentation du risque de troubles du sommeil, de troubles cardiovasculaires, de cancer…).
15 % de la population active est concernée : En 2012 en France, 15,4% de la population active (21,5% des hommes et 9,3% des femmes) soit 3,5 millions de personnes travaillaient la nuit de façon habituelle ou occasionnelle.
Dans les pays industrialisés, y compris en France, environ 75 % de la population active travaillent dans des horaires atypiques c’est-à-dire en dehors des horaires classiques, schématiquement de 8 h à 17 h. Une étude cas-témoins danoise rétrospective portant sur 7565 femmes indique que les femmes travaillant de façon prédominante la nuit pendant plus de six ans ont une augmentation significative de 70 % du risque relatif de cancer du sein.
D’autre part, les adolescents, de plus en plus nombreux à accumuler une dette de sommeil à cause du temps passé devant les écrans, au risque de développer une fatigue, une somnolence diurne, mais aussi des anomalies métaboliques, des troubles neurocognitifs avec baisse des résultats scolaires, ou encore des troubles de l’humeur. Une étude de Cajochen et al. démontre que la lumière émanant des écrans LED de dernière génération, enrichie dans le spectre bleue, avait un effet plus puissant sur le système circadien par rapport aux écrans fluorescents, et de ce fait le potentiel de renforcer davantage le cercle vicieux de la dette chronique du sommeil à l’adolescence.
Lieu : Mairie du 2e arrondissement, 8, rue de la Banque, 75002 Paris
Inscription gratuite mais obligatoire (il reste encore des places !)
(1) Séance dédiée du 6 octobre 2015 : « Désynchronisation de l’horloge interne et santé publique »
Références :
1- Y. Touitou, Pollution de l’horloge interne par la lumière la nuit, un problème de santé publique.
2- CM. Schröder, Désordres circadiens du sommeil de l’adolescent : rôle du multimédia.
3- F. Rouyer. Gènes d’horloge : de la drosophile à l’homme
3- Y. Touitou. Adolescent sleep misalignment and chronic jet lag, a matter of public health. J. Physiol. 2013, 323-326.
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