LIRE DANS UP : CRISPR : entre peur et euphorie, la bataille de l’éthique bat son plein
Si vous êtes lecteur assidu de UP’ Magazine, vous connaissez sans doute le CRISPR-cas 9 dont nous faisons souvent état : ce ciseau biologique capable de copier-coller des morceaux d’ADN. C’est au tour maintenant de l’ARN de passer sous les ciseaux de C2C2. Une avancée considérable qui permettra d’éradiquer nombre de virus, cancers et autres agents pathogènes, sans toucher, cette fois, au code fondamental de notre espèce : l’ADN.
Si l’ADN porte le code génétique de notre corps, l’ARN réalise ses instructions et permet que ce code fonctionne. Métaphoriquement, l’ADN donne la recette, mais l’ARN lit cette recette et dirige toute la cuisine. L’ARN est donc fonctionnellement indissociable de l’ADN car il est responsable de la traduction des messages du noyau vers le reste de la cellule. Alors que les scientifiques pensaient que l’ARN était juste un « intermédiaire », ils ont réalisé au cours des dernières décennies qu’il était, en fait, beaucoup plus que cela : il peut contrôler les protéines qui sont produites dans la cellule.
Le CRISPR-Cas 9, développé originellement par les deux biologistes Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, se concentre sur l’ADN et identifie des morceaux de gènes qui doivent être réparés ou remplacés. Nous avons plusieurs fois évoqué les questions éthiques que ce procédé soulève.
Or une avancée majeure a été publiée le 2 juin dans la revue Science. Elle est cosignée par le biologiste Feng Zhang du MIT et de Harvard. Ce dernier, qui se dispute la paternité du CRISPR avec ses deux consœurs biologistes, déclare avoir découvert une autre version de CRISPR appelée C2C2, dont la fonction principale est de découper exclusivement les molécules d’ARN.
Feng Zhang
Ce C2C2 fonctionne, comme CRSPR, c’est-à-dire comme une paire de ciseaux moléculaires capables de dissocier de l’ARN tout agent pathogène indésirable. Les attaques d’agents pathogènes pourraient être ainsi désactivées.
La grande différence entre les deux outils, c’est que C2C2 ne vise que l’ARN et pas l’ADN lui-même, ce qui signifie que les scientifiques peuvent faire des modifications et des corrections sur ce qui se passe dans la cellule, sans toucher au code génétique lui-même.
L’équipe de Zhang a testé le système en introduisant C2C2 dans une bactérie E-Coli. Ils ont alors démontré qu’ils étaient en mesure de désactiver un gène en ciblant uniquement l’ARN. En effet, en attaquant l’ARN portant les instructions du gène, ils parviennent ainsi à désactiver le gène sans avoir besoin d’intervenir sur l’ADN. De plus, les chercheurs se disent capables de suivre le mouvement de l’ARN dans une cellule et donc de surveiller l’effet que la modification de l’information génétique produit sur la cellule, voire sur le corps entier.
Enfin, sachant que les changements d’ADN peuvent se produire en permanence lors d’une attaque pathogène, les scientifiques affirment que les modifications induites de l’ARN pourraient être tracées et donc peaufinées au cours du traitement.
Dans un communiqué du MIT, le professeur Zhang affirme : « C2C2 ouvre une nouvelle frontière, celle de nouveaux outils CRISPR encore plus puissants ». Il poursuit, enthousiaste :« Il y a un nombre immense de possibilités pour C2C2 et nous sommes très heureux de développer ainsi une plateforme pour la recherche en sciences de la vie et en médecine ».
Dans l’expérimentation qui fait l’objet de l’étude publiée dans Science des dommages collatéraux ont été relevés : certains ARN qui ressemblaient à des molécules cibles ont été involontairement attaqués. Toutefois, les chercheurs sont persuadés que leur méthode ne peut que progresser et qu’elle démontrera très rapidement son utilité dans plusieurs traitements. Colin Barras, le spécialiste de la revue New Scientist estime que cette méthode pourrait offrir un moyen des plus efficaces pour lutter contre les tumeurs cancéreuses.
Une découverte qui, si elle se confirme, serait en mesure de révolutionner la médecine et donner des espoirs dans le traitement de nombreuses maladies. Nous la suivrons donc avec une grande attention.
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