Les arbres sont aujourd’hui au cœur de toutes les revendications et de toutes les annonces de villes et de territoires vivables pour demain. Dans ce contexte, la France vient de publier le décret d’application de l’article L350-3 du code de l’environnement qui protège les allées d’arbres. Mais, pour être opérante, la réglementation doit être connue, comprise et appliquée. C’est pourquoi le Mémento publié par l’association Allées-Avenues/allées d’avenir/(1) éclaire les textes réglementaires et propose une série de bonnes pratiques et de ressources utiles pour que, sur le terrain, tous les acteurs concernés puissent respecter et faire respecter la loi.
En 1552, Henri II ordonna, par lettres patentes, pour des raisons économiques et militaires « à tous les seigneurs hauts justiciers et tous manants et habitants des villes, villages et paroisses, de planter et de faire planter le long des voiries et des grands chemins publics si bonne et si grande quantité desdits ormes que, avec le temps, notre royaume s’en puisse avoir bien et suffisamment peuplé ».
Sully, ministre d’Henry IV, fit lui aussi planter des ormes aux bords des routes et sur les places des villages pour alimenter en bois les constructions et la marine. Les fameux « ormes de Sully » dont on peut voir encore quelques survivants.
A la même époque, dans son « discours sur le planter des arbres, alignement et confusion », Olivier de Serres nous dit : « planter les arbres à la quinquonce et droitement alignés par « rengés », est chose magnifique : mais aussi il semble que ce soit excéder en délicatesse » (2)…
Aujourd’hui, après les controverses sur l’abattage ou non des allées en bord de route, le long des ex-nationales encore dans les années 80, la loi de 2016 consacrée à la biodiversité interdit l’abattage ou la dégradation des allées d’arbres, sauf exceptions. A la fin du XIXe siècle, les routes de France étaient bordées de 3 millions d’arbres, contre environ 1 million aujourd’hui.
Le principe paysager de la plantation d’alignement est essentiellement celui de la « colonnade ». La répétition d’arbres d’une même essence, conduits de manière homogène, induit une « vibration » spatiale de la composition, semblable à celle des colonnades antiques. Le fait que ce soient des arbres, « êtres vivants », introduit de subtiles variations dans la répétition du motif. C’est pour cette raison que les alignements sont si précieux en ville : ils sont réguliers à grande échelle, mais infiniment variés à petite échelle. Ce sont des monuments « vivants », ambassadeurs de la nature en ville. De plus, ils magnifient les perspectives, font passer le « désordre urbain » des façades au second plan. Ils introduisent une certaine régularité dans le chaos urbain, mais avec la souplesse d’une structure vivante. (Source Wikipédia)
Une protection spécifique pour un patrimoine particulier
En ville, les avenues bordées d’arbres et les places plantées de mails de grands arbres, sont moins sujettes aux « îlots de chaleur urbains ». C’est bien entendu l’effet « parasol » des grandes canopées. Mais l’évapotranspiration au niveau des feuillages fait gagner des degrés en moins, en cas de fortes chaleurs (jusqu’à −4 °C). Tous les arbres des villes et des campagnes offrent des services écosystémiques (stocker du carbone, rafraîchir les villes, lutter contre l’érosion de la biodiversité etc.) dont nous avons un criant besoin. Pourtant, l’article L350-3 relatif aux allées d’arbres – route, rue, chemin, canal ou, aujourd’hui, voie de tramway bordées de colonnades d’arbres – est le seul article de loi français qui protège des arbres de manière inconditionnelle.
Ceci s’explique par le fait que l’allée d’arbres est aussi et avant tout un patrimoine culturel immatériel hérité notamment du jardin « à la Française », qui a su s’adapter aux évolutions de société et d’occupation de l’espace et qui parle aujourd’hui encore d’une histoire européenne commune. C’est ainsi que l’article L350-3 stipule que les allées d’arbres font l’objet d’une « protection spécifique » au titre de leur qualité de « patrimoine culturel » et de « source d’aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité ».
Entre les textes et la réalité, un long chemin
La France a intégré en 2016 la protection des allées d’arbres dans la loi sur la reconquête de la biodiversité et des paysages. Depuis le 10 aout 2016, la loi Biodiversité et Paysage a institué la protection spécifique des arbres d’alignement. Ce texte est inspiré par la Convention Européenne du Paysage ; et dans de nombreux pays européens les arbres d’alignement font l’objet d’une politique de protection et de plantations nouvelles.
L’article L350-3 du code de l’Environnement, adopté en 2016 (Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages), a été modifié en février 2022 (Loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale). Le décret d’application est paru le 21 mai 2023.
La loi stipule, en substance, que, sauf dérogations précises, « le fait d’abattre, de porter atteinte à un arbre ou de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres est interdit ». Pourtant, depuis 2016, on continue à voir des élagages contraires aux règles de l’art mutiler des allées entières, des chantiers de terrassement mettre les arbres en péril par leurs racines, des abattages non suivis de remplacements, etc.
Faire comprendre les enjeux de la protection et partager les bonnes pratiques
La méconnaissance des dispositions réglementaires, du fonctionnement et des besoins des arbres, de la triple dimension culture / biodiversité, autres aménités des allées, conduit à l’incompétence de nombreux acteurs.
Partant de ce constat, le mémento (74 pages abondamment illustrées) rappelle les besoins physiologiques des arbres, explicite ce que sont les allées et quelles sont leurs valeurs, éclaire les exigences réglementaires et fournit des éléments concrets pour leur traduction pratique sur le terrain.
Changer les pratiques sur le terrain : le défi de la diffusion du mémento
Le mémento a été conçu pour pouvoir être utilisé par tous ceux, très divers, qui sont tenus de respecter la loi ou de la faire respecter : particuliers propriétaires d’allées, élus de communes sans services techniques, services d’urbanisme et d’espaces verts de collectivités, professionnels de l’arbre et du paysage, entreprises de travaux, gestionnaires de réseaux, aménageurs, promoteurs, services instructeurs des préfectures, juges, citoyens etc..
Chacun, selon ses besoins, y trouvera des informations de base ou des informations plus pointues, des recommandations très concrètes et des exemples de bonnes pratiques. Des hyperliens pointent vers une cinquantaine de ressources externes habituellement cantonnées à un cercle restreint de professionnels vertueux, trop peu nombreux pour parvenir à eux seuls à modifier les pratiques à grande échelle.
Pour que cet outil soit accessible à tous, il est disponible en ligne sur https://allees-avenues.eu/memento. Il sera également diffusé dans les réseaux professionnels, auprès des associations professionnelles concernées, auprès des associations d’élus et auprès des associations citoyennes. Il sera également complété par une version abrégée destinée à faciliter encore plus la diffusion des éléments essentiels.
(1) ALLÉES-AVENUES / allées d’avenir, association reconnue d’intérêt général, a pour objectif de contribuer à la connaissance et à la valorisation du patrimoine que constituent les allées d’arbres.
(2) Olivier de Serres, Théâtre de l’agriculture et ménage des champs », 1600
Dates à retenir :
- 15-16 juillet 2023 : Observatoire artistique de l’allée de Trampot (Vosges) avec la plasticienne Constance Fulda et la conteuse Julie Ory
- octobre 2023 (date à préciser) : 2èmes Rencontres nationales des acteurs des allées d’arbres à Montgeron (Essonne)
- 19-21 novembre 2023 : 2ème Colloque international : « Les allées d’arbres, une question de vie – La beauté essentielle des allées » au Conseil départemental de Carcassonne (Aude).