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Armageddon : Les pesticides soupçonnés d’avoir fait disparaître 75 % des insectes volants

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La biomasse des insectes volants, essentiels aux écosystèmes, a diminué de plus de 75 % en près de trente ans sans que les scientifiques ne parviennent à en déterminer la cause avec certitude. Les chercheurs, qui ont mené leur étude dans des zones protégées en Allemagne depuis 1989, suspectent que les pesticides agricoles soient responsables de cette hécatombe préoccupante.
Selon leurs conclusions publiées ce mercredi dans la revue Plos One, ce fort déclin a été observé quels que soient les changements météorologiques, l’utilisation des sols ou les caractéristiques de l’habitat.
 
Les insectes font partie intégrante de la vie sur Terre en tant que pollinisateurs et proies pour d’autres espèces et on savait que certaines espèces, comme les papillons, étaient en déclin. Mais l’ampleur des pertes subies par tous les insectes, dont l’importance vient d’être révélée, a incité les scientifiques à lancer une alerte mondiale.
« Les insectes constituent environ les deux tiers de toute la vie sur Terre [mais] il y a eu une sorte de déclin horrible », a déclaré le professeur Dave Goulson de l’Université Sussex, au Royaume-Uni. « Nous semblons rendre de vastes étendues de terre inhospitalières pour la plupart des formes de vie, et nous sommes actuellement en voie d’atteindre un Armageddon écologique. Si on perd les insectes, tout va s’effondrer. »

Des insectes avec un rôle crucial

Les entomologistes ont avancé que des facteurs à grande échelle devaient être impliqués, nécessitant des recherches supplémentaires pour les identifier. Ils ont également plaidé pour une évaluation géographique de ce déclin et de son impact potentiel sur l’écosystème. Les insectes volants jouent en effet un rôle crucial dans la pollinisation de 80 % des plantes sauvages et dans l’alimentation de 60 % des espèces d’oiseaux.
 
Les insectes volants ont des fonctions écologiques essentielles. Ils pollinisent les fleurs : les mouches, les papillons de nuit et les papillons sont aussi importants que les abeilles pour de nombreuses plantes à fleurs, y compris certaines cultures. Ils fournissent de la nourriture à de nombreux animaux – oiseaux, chauves-souris, certains mammifères, poissons, reptiles et amphibiens. Les mouches, les coléoptères et les guêpes sont aussi des prédateurs et des décomposeurs, qui contrôlent les ravageurs et nettoient les espaces naturels. 
 
« Si la biomasse totale d’insectes volants diminue réellement à ce rythme – environ 6 % par an – c’est extrêmement préoccupant », s’inquiète Lynn Dicks, de l’Université d’East Anglia, au Royaume-Uni, qui n’a pas participé à la nouvelle recherche. Elle ajoute que le travail aboutissant à cette nouvelle étude était convaincant. « Il fournit de nouvelles preuves importantes d’un déclin alarmant que de nombreux entomologistes soupçonnent depuis un certain temps ». 
 
De précédentes études avaient effectivement révélé un déclin inquiétant de la diversité et de la population de certaines espèces (abeilles, papillons, etc.) en Europe et en Amérique du Nord mais pas de la biomasse des insectes ailés sur une longue période.
 
La recherche, publiée dans la revue Plos One, est basée sur le travail de dizaines d’entomologistes amateurs encadrés par des scientifiques à travers l’Allemagne. Ils ont commencé à utiliser des méthodes de collecte d’insectes strictement standardisées en 1989. Des tentes spéciales appelées pièges de Malaise ont été utilisées pour capturer plus de 1 500 échantillons de tous les insectes volants dans 63 réserves naturelles différentes. Les entomologistes de Krefeld, en Allemagne, ont pesé la masse totale des insectes qu’ils piégeaient et ont déterminé qu’elle avait diminué de 76 % en moyenne, et même de 82 % au milieu de l’été.

Une disparition « plus sévère qu’on ne le pensait »

« La diminution de la biomasse des insectes ailés est suspectée depuis longtemps mais s’est avérée être plus sévère qu’on ne le pensait », a relevé Caspar Hallmann, entomologiste à l’université Radboud, aux Pays-Bas. « Le fait que la population de ces insectes se réduise dans de telles proportions et sur d’aussi vastes étendues géographiques est encore plus alarmant », a-t-il jugé.
 
Selon lui, la plupart des zones étudiées sont des réserves naturelles protégées mais, malgré cela, leur masse a été fortement réduite. En majorité des petites surfaces, ces réserves sont entourées de zones agricoles utilisant des insecticides qui deviennent une sorte de « piège écologique » mettant en péril ces populations animales, a expliqué M. Hallmann.
 
La météo pourrait expliquer en grande partie les nombreuses fluctuations de la masse des insectes au cours d’une saison ou d’une année sur l’autre, mais pas ce rapide déclin, ont estimé les scientifiques. En effet, les entomologistes amateurs ont recueilli des mesures météorologiques détaillées et consigné les changements dans le paysage ou les espèces végétales des réserves, mais cela ne pouvait pas expliquer la disparition des insectes. « Le temps peut expliquer beaucoup des fluctuations saisonnières et interannuelles, mais cela n’explique pas la tendance à la baisse rapide », a déclaré Martin Sorg de la Krefeld Entomological Society en Allemagne.
 
Dave Goulson avance qu’une explication probable pourrait être que les insectes volants périssent lorsqu’ils quittent les réserves naturelles. « Les terres agricoles n’ont pas grand-chose à offrir aux animaux sauvages », dit-il. « Mais ce qui cause leur mort est sujet à discussion. Il pourrait s’agir simplement de l’absence de nourriture pour eux ou de l’exposition à des pesticides chimiques, ou d’une combinaison des deux. » En septembre, un conseiller scientifique en chef du gouvernement britannique avait averti que les organismes de réglementation du monde entier ont faussement supposé qu’il était sans risque d’utiliser des pesticides à l’échelle industrielle dans les paysages et que « les effets de l’exposition de paysages entiers à des produits chimiques ont été largement ignorés ».

Qu’adviendrait-il si le phénomène se poursuivait ?

Ces résultats, selon M. Hallman, sont probablement représentatifs de ce qu’il se passe dans une grande partie de l’Europe et ailleurs dans le monde où des réserves naturelles sont au milieu de terres agricoles. « Alors que des écosystèmes entiers dépendent des insectes pour la nourriture et la pollinisation, on peut s’inquiéter d’un déclin des populations d’oiseaux et de mammifères qui s’en nourrissent », a prévenu Hans de Kroon, également de l’université de Radboud.
 
« On peut difficilement imaginer ce qu’il pourrait advenir si ce phénomène de disparition des insectes ailés se poursuivait », s’est inquiété celui qui a dirigé cette étude. Mais comme les causes de ce déclin ne sont pas clairement établies à ce stade, il est difficile de prendre des mesures concrètes pour l’enrayer, a-t-il ajouté.
 
Les chercheurs espèrent que leurs conclusions vont servir de signal d’alarme et entraîner rapidement des études supplémentaires pour déterminer avec certitude l’origine de cette disparition rapide des insectes volants et pour l’enrayer.
 
Cette dramatique disparition des insectes, chacun d’entre nous peut la constater. Il suffit d’observer, lors d’un trajet en voiture sur les routes de vacances, que le nombre d’insectes écrasés sur le pare-brise est considérablement moins important qu’il y a encore quelques années. Vous en étiez-vous rendu compte ?
 
Sources : The Guardian, AFP
Image d’en-tête : Kevin Elsby/Alamy
 

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