La communauté internationale fait face à un « moment de vérité » dans la protection de la nature, a averti lundi la secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique (CDB), Elizabeth Maruma Mrema, lors de l’ouverture de la COP15 biodiversité. La 15e Conférence des parties (COP) de la Convention sur la diversité biologique des Nations Unies a été lancée depuis Kunming en Chine, en présence de représentants du gouvernement chinois, de la CDB et de certaines délégations. Elle se déroule parallèlement en ligne.
La COP15 a été divisée en deux parties, la première se tenant jusqu’au 15 octobre. La deuxième partie est prévue du 25 avril au 8 mai 2022 en présentiel à Kunming, dans le sud-ouest de la Chine, pour l’ensemble des délégations des 196 membres de la CDB. Ce format a été retenu après plusieurs reports dus à l’épidémie de Covid-19.
« S’il y a eu des succès et des progrès, il n’y a pas eu les avancées nécessaires pour stopper la perte en cours de la diversité des plantes et des animaux sur Terre », a relevé Elizabeth Maruma Mrema depuis la Chine. « Nous faisons face à notre moment de vérité. Si nous voulons atteindre la vision à 2050 de vivre en harmonie avec la nature, nous devons agir lors de cette décennie pour stopper et inverser la perte de biodiversité », a-t-elle averti.
Un texte présenté en juillet, qui sert de base aux discussions, comprend quatre grands objectifs à horizon 2050, avec dix jalons à 2030 et 21 cibles. Les cibles visent « à ce qu’au moins 30% des zones terrestres et des zones maritimes (…) soient conservées grâce à des systèmes de zones protégées et d’autres mesures de conservation efficaces » ou à limiter les pollutions agricoles ou plastiques. Elles comprennent aussi un volet financier et des mesures pour suivre les engagements des États.
La Chine, qui a pris lundi officiellement la présidence de la COP15, doit présenter un texte, la Déclaration de Kunming, qui donnera le ton de ses ambitions environnementales. « La Chine a fixé une ligne rouge sur la protection écologique et s’y tient », a déclaré le vice-Premier ministre chinois Han Zheng, avec 25% de son territoire hors de portée des promoteurs.
La Chine a publié il y a quelques jours un document présentant ses priorités en terme de protection de la nature, salué par l’ONG américaine WCS.
« La coopération multilatérale et les engagements, comme ceux qui seront pris à la COP15 et à la conférence sur le changement climatique le mois prochain (la COP26 à Glasgow) sont nécessaires pour attendre l’objectif de « vivre en harmonie avec la nature » », souligne WCS.
Plus critique, le mouvement Avaaz estime que le succès des négociations exige « un engagement continu et pro-actif de la Chine dans le processus, jusqu’au coup de marteau qui clôturera la COP15 l’an prochain », alors que des participants s’inquiètent de la discrétion affichée jusqu’à présent par la délégation chinoise. « Nous avons besoin que la Chine soit claire concernant ses propres ambitions », ajoute Avaaz.
Pékin organise également un sommet en ligne les 12 et 13 octobre, avec des interventions de chefs d’Etat et de gouvernement et des ministres. L’Union européenne a fait savoir dans un communiqué qu’elle défendra un cadre « ambitieux, avec des objectifs mesurables et assortis d’échéance, avec des jalons et des cibles pour que tous les écosystèmes mondiaux soient restaurés, résilients et protégés de manière adéquate d’ici 2050 », la protection « d’au moins 30% des terres et des océans d’ici 2030 », des processus de contrôle et des financements.
Cela commence déjà à être catastrophique
A la fin du mois d’Octobre aura aussi lieu la COP26 à Glasgow. Le prince Charles a souhaité que les dirigeants internationaux qui s’y rendront ne fassent pas « que parler » au sommet de la COP26 mais prennent des mesures ambitieuses contre le changement climatique, disant « comprendre » la frustration des militants écologistes.
Dans une interview à la BBC diffusée ce 11 octobre, l’héritier du trône britannique affirme comprendre « bien sûr » les critiques de la jeune militante Greta Thunberg envers les responsables politiques qu’elle accuse de rester impassibles face à l’urgence climatique. « Tous ces jeunes ont l’impression qu’il ne se passe jamais rien, alors bien sûr, ils deviennent frustrés », a déclaré le prince Charles, qui se rendra à la COP26 à Glasgow (Ecosse) avec sa mère, la reine Elizabeth II.
Il a aussi dit qu’il comprenait pourquoi des groupes écologistes, comme Extinction Rebellion, manifestaient et bloquaient des axes routiers, des actions condamnées par le gouvernement britannique. « Je comprends parfaitement la frustration, la difficulté est de savoir comment diriger cette frustration d’une manière plus constructive que destructrice », a-t-il déclaré.
Sensible à la cause environnementale de longue date, Charles, 72 ans, s’est dit inquiet que les dirigeants internationaux qui se réuniront à partir du 31 octobre à Glasgow ne « fassent que parler » lors de la COP26, au lieu de prendre des mesures pour réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. Depuis la signature des accords de Paris en 2015, la transition vers une économie et des énergies plus propres a progressé, mais trop lentement pour limiter le réchauffement à 2°C, a fortiori 1,5°C, par rapport à la fin du XIXe siècle.
Dans un appel téléphonique passé ce 11 octobre à son homologue indien Narendra Modi, le Premier ministre britannique Boris Johnson a « souligné l’importance de faire des progrès concrets sur le changement climatique avant et lors du prochain sommet COP26 », selon un porte-parole de Downing Street. Boris Johnson a également « exprimé son espoir » que l’Inde, troisième émetteur mondial de carbone, s’engage à des objectifs écologiques « plus ambitieux » et à « atteindre un objectif de zéro émission ».
« Le problème, c’est d’agir sur le terrain », a déclaré le prince Charles. L’impact serait « catastrophique » si des mesures ambitieuses n’étaient pas décidées, a-t-il averti. « Cela commence déjà à être catastrophique car rien dans la nature ne peut survivre à la pression créée par ces conditions météorologiques extrêmes », a-t-il déclaré.
Lors de son entretien avec la BBC, le duc de Cornouailles a également évoqué ses propres efforts pour réduire son empreinte carbone, expliquant ne manger ni viande ni poisson deux jours par semaine et avoir réduit sa consommation de produits laitiers. « Si davantage de gens faisaient cela, cela réduirait beaucoup la pression sur l’environnement », a-t-il dit. Il a aussi raconté que sa voiture, une Aston Martin qu’il possède depuis plus de 50 ans, avait été modifiée pour pouvoir rouler avec « du surplus de vin blanc anglais et du lactosérum provenant du processus de fabrication du fromage ». Elle fonctionne avec un mélange de 85% de bioéthanol et 15% d’essence sans plomb.
Avec AFP