Le projet de loi « de programmation de la transition énergétique pour la croissance verte », adopté en Conseil des ministres le 30 juillet 2014, est mis en discussion au Parlement depuis le 1er octobre 2014 (voir l’analyse de Futuribles et les 5 avis publiés). Soixante quatre articles organisés en huit chapitres apparaissent truffés d’ambition mais sans moyens. Un groupement d’associations a par ailleurs lancé le « Transitiomètre » afin de mesurer l’effort visé, en relation avec les objectifs que la France s’est fixés (voir l’article paru dans Novethic à ce sujet). Avec la loi actuelle, on plafonne à 30% révèle l’outil.
Pour le député UDI Bertrand Pancher, vice président de la Commission spéciale pour l’examen du projet de loi, et président de l’association Décider ensemble, nous assistons au « triomphe de la cupidité ». Explications
Pourquoi êtes vous sceptique au sujet des ambitions du projet de loi ?
Bertrand Pancher : Les objectifs affichés ont d’autant plus d’exigence qu’ils sont lointains ! Cà ne coûte rien d’annoncer et je crois qu’il vaudrait mieux voter des moyens pour être crédible. On voit mal comment nous pouvons atteindre un objectif de 32% d’énergie renouvelables en 2030, alors que la France n’arrivera pas à tenir l’engagement communautaire de 23% en 2020.
Deux domaines seront déterminants notamment pour parvenir à la baisse de 20% de nos consommations d’énergie d’ici 2020 : l’habitat (qui constitue 44% de notre consommation énergétique) et le transport.
Aujourd’hui nous réhabilitons 260 000 logements par an alors que les objectifs du Grenelle sont de 500 000 rénovations thermiques par an. Développement des prêts à taux zéro, incitations fiscales tardent à doper la dynamique.
Pour les transports, l’abandon de la taxe poids lourds conduit à une perte de ressource pour de nouvelles infrastructures (même si les péages envisagés peuvent récupérer 600 millions d’euros soit la moitié de ce qu’aurait collecté l’écotaxe).
Quelles sont les mesures qui vous semblent toutefois positives ?
BP : Le ciblage des collectivités – qui sont un levier de cohérence essentiel – est une bonne chose. La reconnaissance des tiers financeurs sur le modèle autrichien est encourageante. Des sociétés (d’économie mixte) de service en économie d’énergie peuvent ainsi accompagner les travaux (diagnostic, calcul d’investissement, recherche de financement et aides) et garantir des réductions de consommation énergétique. Plus les territoires pourront être à la manœuvre, plus on trouvera des solutions adaptées et pertinentes. On ne peut pas déconnecter la loi de transition énergétique de la réforme des collectivités…
Comment sortir de la centralisation française en matière d’énergie ?
BP : La mise en réseau des ressources énergétiques est le défi stratégique. L’Etat doit arrêter de penser qu’il peut arriver à tout faire. Si les collectivités ont leur autonomie en matière d’eau, d’assainissement, de déchets, elles peuvent aussi avoir la compétence de la production d’énergie (voir l’exemple de la ville de Montdidier qui est parvenue à une autonomie énergétique presque complète et les projets du Pays de Mené).
Pour obtenir un niveau de 23% d’énergie renouvelable, on sait que la moitié viendra de la production de chaleur. Or, l’ADEME n’a pas les moyens de financer ce développement et il n’y a pas de tarif de rachat de la chaleur renouvelable. Certes les appels d’offre « Territoires à énergie positive », « territoire zéro gaspillage, zéro déchets » ou l’initiative pour la mise en place de 1 500 méthaniseurs (en 3 ans) vont accélérer la mobilisation.
Le défi sera de mettre de la cohérence en donnant les signaux fiscaux clairs et non ambivalents.
Propos recueillis par Dorothée Browaeys