On ne peut pas condamner l’Europe à 10 ans de glyphosate ! s’écrie un député européen. Malgré les risques et les incertitudes, la Commission européenne a proposé ce 20 septembre 2023 de renouveler pour dix ans l’autorisation du glyphosate dans l’UE, sous conditions, après le rapport d’un régulateur estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d’interdire cet herbicide controversé. La proposition de l’exécutif européen sera examinée le 22 septembre par les représentants des 27 États membres, qui devront ensuite la valider à une majorité qualifiée lors d’un vote le 13 octobre. Déjà plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer cette décision marquée par le poids du lobbying et ne correspondant à aucun canon scientifique.
L’autorisation actuelle du glyphosate dans l’UE, renouvelée en 2017 pour cinq ans, expirait le 15 décembre 2022, mais avait été prolongée d’un an dans l’attente d’une évaluation scientifique. Début juillet, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait publié son rapport, indiquant ne pas avoir identifié de « domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l’environnement susceptible d’empêcher l’autorisation de l’herbicide.
Pourtant, d’autres expertises avaient abouti à une autre conclusion. Celles de l’Inrae et de l’Ifremer, instituts de recherche publics spécialistes de l’agriculture et de la mer, ont souligné la réalité de la contamination de l’environnement par les pesticides, et l’impact négatif sur la biodiversité et les écosystèmes. Leur méta-analyse avait mobilisé pendant deux ans une quarantaine d’experts qui avaient passé en revue quelque 4.000 études scientifiques déjà publiées, dans un contexte français ou comparable, pour faire une synthèse des connaissances sur l’impact des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les écosystèmes.
Leur constat : une contamination qui touche tous les milieux, et concerne non seulement une variété de substances actives mais aussi les produits de transformation, les adjuvants et les co-formulants, même si ces derniers sont moins recherchés. La concentration est retrouvée principalement au niveau des zones agricoles, là où sont utilisés les produits, et se diffuse « le long du continuum terre-mer pour atteindre les océans, avec une diminution des concentrations par un effet de dilution ». La contamination peut perdurer, même si elle diminue dans le temps.
La France s’est donnée pour objectif de sortir de l’essentiel des utilisations de ce désherbant classé comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2021, avant une interdiction totale en 2023. Des organisations agricoles s’y opposent, pointant l’absence de produit alternatif.
L’ONG Générations Futures avait publié un important rapport mettant en cause l’expertise européenne sur la toxicité du produit servant de base à sa réautorisation. « Nous avons mis en évidence de nombreuses failles dans le processus de sélection des études universitaires », résument les auteurs du rapport. Leurs conclusions sont accablantes : les évaluateurs européens auront « tout fait » pour que « le minimum d’études de la littérature [scientifique] soit considéré », que « les études de la littérature soient jugées moins fiables que celles fournies par les industriels » et que « les défauts des études de l’industrie soient occultés ».
Malgré cela, la Commission n’a pas résisté à la pression des lobbies agricoles et agrochimiques : elle propose d’autoriser le glyphosate jusqu’au 15 décembre 2033, soit pour une durée deux fois plus longue que la précédente autorisation, mais en-deçà de la période de 15 ans initialement prévue. Le feu vert pourra cependant être révisé à tout moment si de nouvelles évaluations le justifiaient.
« Il y a là une forme d’abdication des autorités européennes qui renvoient aux États membres la responsabilité d’adopter les mesures nécessaires pour limiter les risques qu’induiraient une ré autorisation, c’est irréaliste et irresponsable ! » clame le député européen socialiste Christophe Clergeau.
Devant la sensibilité du sujet, Bruxelles tâche de jouer les équilibristes et établit quelques garde-fous : les conditions d’utilisation devront ainsi être assorties de « mesures d’atténuation des risques » concernant les alentours des zones pulvérisées, via des « bandes tampons » de cinq à dix mètres et des équipements réduisant drastiquement les « dérives de pulvérisation ».
Des niveaux-limites sont fixés pour certaines « impuretés » issues du glyphosate, et l’usage pour la dessiccation (épandage pour sécher une culture avant la récolte) est désormais interdit.
Cancérogène probable
Le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides — dont le célèbre Roundup de Monsanto, très largement utilisé dans le monde — avait été classé en 2015 comme « cancérogène probable » pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé.
A l’inverse, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a jugé l’an dernier que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de le classer comme cancérogène. De son côté, l’EFSA avait simplement relevé en juillet « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés du glyphosate, mais reconnu que le manque de données empêchait toute analyse définitive.
Pour en tenir compte, la Commission se défausse et s’en remet largement aux Etats, chargés de délivrer les autorisations au niveau national et de fixer les conditions d’utilisation, pour « apporter une attention particulière » aux effets sur l’environnement.
« Irresponsable »
Les Etats seront tenus d’examiner les « co-formulants » (autres composants présents dans les herbicides autorisés), d’évaluer l’exposition des consommateurs aux « résidus » potentiellement présents dans les cultures successives cultivées en rotation, et de veiller à la protection des eaux souterraines ou de surface, notamment celles utilisées pour le captage d’eau potable.
De même, les États devront « prêter attention » à l’impact sur les petits mammifères, en envisageant « si nécessaire » les mesures d’atténuation ou restrictions. S’ils identifient des effets indirects potentiels sur la biodiversité, ils devront examiner si d’autres méthodes de protection des cultures sont possibles, et pourront là aussi adopter des restrictions.
Des recommandations jugées très insuffisantes par des eurodéputés : Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission parlementaire Environnement, déplore l’absence de « restrictions sérieuses d’usage » et dénonce une « proposition pas acceptable« , « non conforme aux conclusions de l’EFSA qui pointe de nombreuses zones grises« . « En détruisant la biodiversité, le glyphosate met en danger notre sécurité alimentaire à long terme. Cette proposition est irresponsable« , a abondé l’élu Verts Benoît Biteau. « Les intérêts industriels priment clairement sur la santé et l’environnement« , a estimé l’organisation écologiste PAN Europe.
Cette proposition intervient alors que les négociations entre États membres et au Parlement européen s’enlisent sur un ambitieux projet de législation imposant des objectifs contraignants de réduction des pesticides dans l’UE, dans le cadre du Pacte vert. Si l’autorisation du glyphosate comme substance active est reconduite au niveau de l’UE, ce sera ensuite à chaque Etat d’autoriser les produits qui en contiennent, en encadrant leur usage « quand c’est justifié » selon les cultures, conditions climatiques et spécificités locales, précise un responsable européen.
« Dans des cas extrêmes, des Etats peuvent théoriquement interdire tous les produits contenant du glyphosate« , mais doivent pour cela avoir de solides justifications « dans le cadre des conditions mentionnées dans le texte », ajoute-t-il. Le Luxembourg avait ainsi banni la commercialisation du glyphosate fin 2020 avant que la justice ne le contraigne en 2023 à lever cette interdiction.
Avec AFP
Tabac, amiante et maintenant le glyphosate ! Toujours les mêmes méthodes des industriels pour calomnier, insinuer le doute (voir les Monsanto papers). En attendant, la mal bouffe continue et les cancers se développent. les agriculteurs en sont les premières victimes !!!!
Qui a dit ÉCOCIDE ????