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IA et écoles : état des lieux, défis et opportunités

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À l’ère du numérique, l’intégration des technologies dans l’éducation est devenue un enjeu clé pour les établissements scolaires. Alors que la ministre de l’éducation, Élisabeth Borne, annonce l’introduction d’un enseignement obligatoire sur l’intelligence artificielle dès la rentrée 2025 pour les élèves de 4e et de seconde, une question clé se pose : comment intégrer l’IA dans l’éducation de manière efficace et bénéfique pour aider les enseignants à aider les élèves ? Acer for Education a mené une enquête auprès de ses partenaires lors de l’Acer Education Summit 2024 afin d’évaluer le niveau de numérisation des écoles dans la zone EMEA ( États d’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique). Les résultats révèlent des avancées significatives, mais aussi des défis persistants, notamment le manque de financement, la formation des enseignants et l’amélioration des infrastructures. L’étude met également en lumière l’intérêt croissant pour des approches durables et l’essor de l’intelligence artificielle, qui suscite à la fois curiosité et préoccupations.

Un état des lieux contrasté de la transition numérique

La transition numérique dans les écoles de la zone EMEA progresse à des rythmes variables en fonction des pays. En Europe de l’Ouest, notamment en Scandinavie, en Allemagne et aux Pays-Bas, l’intégration des technologies éducatives est déjà bien avancée. Ces pays bénéficient de politiques gouvernementales favorisant l’innovation pédagogique, d’infrastructures numériques solides et d’un accompagnement renforcé pour les enseignants. Le développement de plateformes d’apprentissage interactives et l’accès généralisé aux équipements numériques y sont des priorités.

En Europe de l’Est et dans certains pays méditerranéens comme l’Italie et l’Espagne, les efforts de numérisation sont en nette progression, mais les disparités persistent entre les zones urbaines et rurales. Si certaines grandes villes disposent d’écoles bien équipées et connectées, d’autres établissements souffrent encore d’un manque de financement et d’accès aux infrastructures technologiques adaptées.

Dans les régions du Moyen-Orient, plusieurs pays, notamment les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, ont massivement investi dans l’éducation numérique, avec des initiatives ambitieuses visant à moderniser les écoles et à intégrer l’intelligence artificielle dans l’apprentissage. Cependant, dans d’autres pays de la région, les défis économiques et politiques freinent l’adoption généralisée des nouvelles technologies.

Enfin, en Afrique, la transition numérique reste un défi majeur. Si certaines nations comme l’Afrique du Sud, le Maroc et l’Égypte ont initié des programmes d’équipement numérique et de formation des enseignants, d’autres pays peinent encore à assurer un accès stable à Internet et à fournir les infrastructures de base nécessaires à la transformation numérique de l’éducation. L’absence d’équipements adaptés, la dépendance aux financements internationaux et le manque de formation spécialisée pour les enseignants sont autant de freins qui ralentissent l’adoption des technologies éducatives.

Un niveau de numérisation en progrès, mais encore inégal

Les résultats de l’enquête révèlent que près de la moitié (46 %) des partenaires EMEA considèrent que les établissements scolaires de leur pays ont atteint un niveau de numérisation bon, voire avancé. Cette progression témoigne d’investissements significatifs dans les technologies éducatives pour répondre aux besoins d’une génération d’élèves toujours plus connectée.

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Les écoles cherchent ainsi à s’équiper de dispositifs adaptés aux exigences pédagogiques modernes. Parmi les critères prioritaires pour le choix des ordinateurs portables, les partenaires mettent en avant la durabilité (30 %), la facilité de réparation (30 %) et l’autonomie de la batterie (23 %). Ces éléments reflètent une volonté d’adopter des solutions technologiques fiables et pérennes.

Des freins persistants à l’intégration des technologies

Malgré ces avancées, plusieurs obstacles ralentissent encore l’intégration des outils numériques dans l’éducation. Le premier défi est financier : 30 % des partenaires estiment que le manque de budget limite les investissements dans les infrastructures et les équipements.

Un autre enjeu majeur concerne la formation des enseignants. De nombreux établissements peinent à intégrer efficacement les technologies en raison d’un manque de préparation du personnel éducatif (30 %). Pour remédier à cette situation, 29 % des partenaires soulignent la nécessité d’un accompagnement pédagogique spécifique, incluant des formations dédiées à l’utilisation des outils numériques en classe.

Les écoles doivent également faire face à des contraintes techniques. L’enquête indique que 10 % des partenaires identifient des lacunes dans les infrastructures numériques, notamment des connexions Internet inégales et un accès limité aux équipements technologiques adaptés. Ces disparités varient selon les pays, rendant la transition numérique plus complexe dans certaines régions.

Par ailleurs, la résistance au changement représente un frein non négligeable. Près d’un quart (24 %) des répondants estiment que les professionnels de l’éducation ne sont pas encore pleinement préparés à intégrer les innovations numériques, soulignant ainsi l’importance d’un accompagnement progressif et structuré.

L’essor des pratiques durables et des nouvelles technologies

Dans un contexte où la durabilité est devenue une priorité mondiale, les établissements scolaires s’efforcent également de réduire leur impact environnemental. L’étude révèle que 61 % des partenaires constatent un intérêt croissant pour des initiatives visant à diminuer la consommation d’énergie et à privilégier des équipements respectueux de l’environnement. L’usage de matériaux recyclés, la faible consommation énergétique et la réparabilité des appareils figurent parmi les critères les plus recherchés.

L’intelligence artificielle (IA) émerge également comme une technologie prometteuse pour le secteur éducatif. Elle ouvre de nouvelles perspectives en matière de personnalisation de l’apprentissage et d’optimisation des méthodes pédagogiques. Toutefois, si l’IA suscite de la curiosité, elle soulève aussi des préoccupations : seulement 5 % des établissements la considèrent comme un assistant de confiance, tandis que 31 % expriment des inquiétudes quant à la protection des données et à la sécurité.

Un engagement pour un enseignement numérique inclusif et durable

Face à ces constats, Acer for Education réaffirme son engagement à accompagner les écoles dans leur transition numérique. « Nous travaillons aux côtés des établissements et de nos partenaires pour promouvoir une éducation inclusive, durable et technologiquement avancée », souligne Cristina Pez, directrice commerciale d’Acer EMEA.

L’enquête met en évidence une dynamique positive vers la numérisation de l’éducation, tout en soulignant les défis à relever pour assurer une adoption efficace et équilibrée des technologies. Le soutien financier, la formation des enseignants et le développement d’infrastructures adaptées restent des priorités pour garantir à tous les élèves un accès aux outils numériques de demain. 

L’IA dans l’éducation ne doit pas se limiter à une simple assistance à la rédaction ou à une encyclopédie interactive. Elle doit être un levier pédagogique qui personnalise l’apprentissage et lutte contre le décrochage scolaire”, explique Thierry de Vulpillières, , cofondateur et CEO de la EdTech EvidenceB (1). Pour lui, l’IA générative a capté toute l’attention ces derniers mois, l’enjeu essentiel pour l’éducation se situe ailleurs, dans l’IA adaptative, qui permet d’accompagner chaque élève selon son propre rythme et ses besoins spécifiques, mais aussi d’offrir de nouveaux outils aux enseignants pour les aider à personnaliser leurs enseignements, via les tableaux de bord de deux IA : visualisation des progressions de chaque élève par l’IA d’apprentissage par renforcement et visualisation des groupes d’élèves via les IA de clustering. Et si l’IA adaptative était la solution dans l’éducation ?

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C’est précisément ce sur quoi EvidenceB travaille depuis des années, avec des solutions déjà déployées dans les établissements scolaires en France et à l’international. Grâce à son approche basée sur les sciences cognitives et l’IA par renforcement, l’entreprise optimise l’apprentissage des élèves dans des disciplines clés comme les mathématiques et les langues. Son programme MIA-Seconde, conçu pour la remédiation en mathématiques et en français, a d’ailleurs été adopté par le ministère de l’Éducation nationale pour tous les élèves de seconde.

Les apports des IA génératives dans l’éducation sont accompagnés en l’état d’un double handicap : l’expertise non qualifiée de leurs réponses, jusqu’aux hallucinations, et la consommation d’énergie associée à leur emploi non raisonné. EvidenceB a des publications scientifiques dès 2022 sur leurs possibilités éducatives avec des approches hybrides mais non proposé en direct aux élèves. Plus concrètement, cette startup est à l’origine du premier outil d’apprentissage adaptatif fondé sur les sciences cognitives renforcées par l’intelligence artificielle (AITP artificial intelligent tutoring platform). Son ambition : innover en pédagogie grâce à des IA adaptatives conçues pour optimiser l’apprentissage des élèves en fonction de leur progression et de leurs besoins spécifiques. Loin d’une approche standardisée, il est ainsi proposé des milliers d’exercices dont le parcours est ajusté en temps réel pour chaque élève, à travers plusieurs disciplines (langues, maths), en s’appuyant sur les dernières recherches fondamentales, des algorithmes d’IA développés en collaboration avec l’INRIA, LIP6 Sorbonne Université… et des interfaces d’apprentissages UX pour engager la motivation des élèves.

Cette personnalisation permet non seulement d’améliorer les résultats scolaires mais aussi de prévenir l’échec, notamment en mathématiques. Une efficacité qui a été démontrée à travers une mesure d’impact récente sur son module Adaptiv’Math, menée sur 10 000 élèves de cycle 2 en France en 2023. Adaptiv’Math propose des exercices auto-correctifs et ajuste son contenu après un test initial, en ciblant des compétences clés comme le sens des nombres, la proportionnalité et la résolution de problèmes. L’analyse des données a montré qu’Adaptiv’Math a contribué à restaurer la confiance des élèves (un enjeu crucial, notamment pour les filles), et à maintenir les élèves dans un cycle d’apprentissage actif, évitant le décrochage scolaire et réduisant les disparités initiales entre groupes. Quelques chiffres : les 15 % des élèves initialement en grande difficulté ne décrochent pas et progressent de manière continue ; les élèves les plus faibles enregistrent une progression légèrement supérieure aux autres, réduisant ainsi les écarts de niveau ; entre 2023 et 2024, les élèves ont réussi en moyenne 70 à 80 % des exercices proposés, créant un cercle vertueux de réussite et de motivation.

Les IA, levier de transformation de la forme scolaire

Séraphin Alava est professeur d’université émérite en sciences de l’éducation (université de Toulouse II) et expert dans le domaine des apprentissages formels et non-formels au sein des mondes numériques. Avec une vaste expérience dans le domaine de l’éducation, il a dirigé des projets internationaux sur les technologies éducatives, les usages et mésusages des jeunes, ainsi que les nouvelles formes digitales d’enseigner et d’apprendre. En tant que chercheur en résidence à l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, il apporte son expertise scientifique et ses analyses prospectives des changements en éducation dans une société en mutation numérique, notamment dans la réalisation du dossier « L’école dans une société numérique » publié en juin 2023 :

« Dans le cadre de l’école républicaine, l’enseignant occupe une place centrale dans le processus éducatif. Les systèmes d’IA doivent être considérés comme des outils complémentaires et non comme des substituts à l’enseignant. La relation humaine entre l’enseignant et l’élève, favorisant la transmission des connaissances, l’accompagnement personnalisé et le développement des compétences sociales, doit être préservée. Enfin, l’intégration des systèmes d’IA dans l’éducation soulève des questions éthiques importantes. Il est crucial de garantir la transparence, l’équité, la confidentialité des données et la protection de la vie privée des élèves. Les décisions concernant l’utilisation de l’IA doivent être prises de manière démocratique, en impliquant les acteurs de l’éducation, les parents et la société dans son ensemble.

L’introduction des intelligences artificielles (IA) dans le domaine de l’éducation suscite à la fois de grandes attentes et des préoccupations légitimes. Les technologies éducatives ont toujours influencé la manière dont nous apprenons et enseignons, et l’IA représente une nouvelle frontière dans cette évolution. Les IA ont le potentiel de transformer l’apprentissage en permettant une personnalisation accrue, une évaluation formative et une adaptation en temps réel. Elles peuvent également favoriser des pratiques d’apprentissage collaboratif et ouvrir de nouveaux espaces d’appropriation des savoirs. Cependant, il est essentiel de prendre en compte les dangers potentiels de l’utilisation généralisée des IA. L’école doit veiller à maintenir l’autonomie des élèves, la pensée critique et la créativité, qui pourraient être compromises par une dépendance excessive à la technologie. De plus, l’accès inégal aux technologies d’IA risque de renforcer les inégalités existantes dans le système éducatif. L’école républicaine doit garantir l’égalité des chances et s’assurer que tous les élèves peuvent bénéficier des avantages de l’apprentissage assisté par l’IA.

Dans ce contexte, les enseignants jouent un rôle central. Ils agissent chaque jour avec des intelligences plurielles qui sont essentielles pour répondre aux besoins complexes des élèves et pour guider leur apprentissage. Les systèmes d’IA doivent être considérés comme des outils complémentaires, et non comme des substituts, à l’enseignant. L’école républicaine doit préserver la relation humaine entre l’enseignant et l’élève, tout en intégrant de manière réfléchie les technologies d’IA dans les pratiques éducatives. L’introduction des IA dans l’éducation offre de nouvelles opportunités, mais aussi des défis à relever. Pour tirer le meilleur parti de ces technologies, il est crucial d’adopter une approche réfléchie, éthique et inclusive. L’école républicaine doit garantir l’égalité des chances, la protection des valeurs républicaines et la participation démocratique dans les décisions liées à l’utilisation des IA. En plaçant les élèves et les enseignants au cœur de ces réflexions, nous pouvons façonner un avenir de l’éducation qui intègre harmonieusement les intelligences artificielles tout en préservant l’essence même de l’apprentissage humain.

Apprendre est plus qu’un processus technique, algorithmique, informationnel. Apprendre est un acte citoyen et humain de production de connaissances personnelles et intimes que nous prétendons ne pas être trop éloignés des savoirs académiques. Apprendre, c’est plus qu’être un bon orpailleur des savoirs facilement accessibles, c’est se forger une expérience d’orfèvre des connaissances pour se construire des capacités à agir, vivre, ressentir, comprendre, créer. L’enseignant est un alchimiste de cette véritable transmutation des connaissances en savoirs. Les systèmes d’intelligence artificielle peuvent être des potions aidantes, fortes, motivantes, mais ne soyons pas des apprentis-sorciers. »

 

(1) EvidenceB sera présente au Sommet de l’IA/Programmation :

Mercredi 5 février 2025, de 17h à 18h Conférence Terrains Innovants n°2 du Cycle “IA et Ethique” en partenariat avec le Café pédagogique.
Jeudi 6 février : 1ère conférence du Plan d’accompagnement MIA Seconde – “IA & clustering : François Boucher, LIP6 – Sorbonne Université”, https://aiconference.ip-paris.fr/program/
Vendredi 7 février : Numeum AI France Summit – Electrify the Now of AI: Together We Create meet EvidenceB.
Dimanche 9 février : Global Children’s AI Forum, Reimagining Education in the AI Era: Exploring AI’s transformative potential in education while addressing key challenges and opportunities for innovative learning. => Mathilde Ceroli, Ph.D, everyone.ai (moderator) & Thierry de Vulpillières, Co-Founder of EvidenceB
Mardi 11 février : Business Day par France Digitale SationF : présentation EvidenceB.
Samedi 15 février : Intervention de Catherine de Vulpillières, co-fondatrice d’Evidence B, au World AI Cannes Festival 2024 : L’avenir de l’apprentissage : comment la GenAI transforme l’éducation pour tous.

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