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Voiture électrique : Chronique d’une résurgence annoncée – Partie 1/4

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Ce jeudi 4 octobre s’ouvre pour dix jours le Mondial de l’automobile Porte de Versailles à Paris où est attendu plus d’un million de visiteurs. Cette 120e édition marque une mutation profonde, obligée de se réinventer pour incarner un secteur de la mobilité en pleine transformation. Et c’est inconstestablement l’avènement de la voiture électrique. Le manque de choix, l’un des freins identifiés au développement de la voiture électrique, est en passe d’être levé. Reste le prix et l’autonomie, encore problématiques notamment sur les marchés occidentaux. UP’ vous propose un dossier en quatre parties pour bien comprendre la résurgence de la voiture électrique (VE). 
 
A ce jour, seules 1% des immatriculation sont pour des voitures 100 % électriques, sans émission de CO2. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) chiffrait à près de 3,1 millions le nombre de voitures électriques dans le monde à la fin 2017, dont 500.000 en Europe. Une goutte d’eau sur le milliard de voitures en circulation sur la planète.
Pourtant, selon une étude de l’Observatoire Cetelem 2019, 85% des automobilistes dans le monde (92 % en Chine, 73% en France et seulement 68% en Allemagne) croient à l’avenir de la voiture électrique. Considérée comme véhicule « propre » par une large majorité des répondants (89%), agréable à conduire (86%), renvoyant une image positive, moderne et responsable (85%), elle a tout pour plaire… y compris l’autonomie des batteries adaptée aux besoins de mobilité des automobilistes qui parcourent en moyenne 51km par jour (53km en France). D’ailleurs 68% pensent que le véhicule électrique est « réservé » aux grandes villes.
 
 
Il existe deux points de blocage :
 
– Le véhicule électrique est perçu comme une voiture plus chère à l’achat que son équivalent thermique pour 86% des automobilistes dans le monde et 91% des Français. Même en incluant les coûts d’utilisation moins élevés, 73% des personnes interrogées pensent que posséder une voiture électrique coûte plus cher qu’un véhicule « classique ».
L’autonomie limitée est également un frein majeur : seuls 13% des Français (30% dans le monde) imaginent pouvoir acheter une voiture électrique ayant moins de 300 kilomètres d’autonomie. De même, ¾ des répondants jugent insuffisant le nombre de bornes de recharge.
Les entretiens qualitatifs ont montré que ceux qui ont opté pour le véhicule électrique n’envisagent pas de revenir en arrière. Une fois le pas franchi, les automobilistes adoptent sans réserve le véhicule électrique.
 
– Un manque d’informations avéré : La voiture électrique représente une rupture technologique majeure. Les automobilistes ont besoin d’en savoir plus sur cette voiture que personne ou presque n’a eu l’occasion de tester et qui reste méconnue pour beaucoup. 70% des automobilistes dans le monde disent qu’ils n’ont pas suffisamment d’informations concernant cette voiture.
 
Voici l’occasion rêvée d’un tour d’horizon approfondi sur la résurgence de la voiture électrique qui, aussi incroyable que cela paraisse, a presque 140 ans. 
 

Dossier – Première partie (1/4) : Historique

 

Introduction

Il n’y a pas, à proprement parler, de prototype unique pour représenter le VE (Véhicule Electrique). Il y a des prototypes et le principe de résurgence concerne le concept du VE dans son ensemble plutôt qu’un artefact déterminé. Dans le contexte d’ARIAD/R ce document traite plus précisément de la voiture électrique particulière (la VE), opérant une distinction avec le véhicule électrique (le VE) qui, lui, intègre tous les véhicules électriques, quels que soient les modes de traction – les véhicules de transport de marchandise et de passagers par rail, câble ou voix routière – locomotive, tramway, trolley, funiculaire, téléphérique, camion, bus mais également chariot et autres quad, moto, vélo, roue électrique, voire utilitaire électrique. Ces derniers ne sont donc pas traités dans ce document, même si certaines caractéristiques sont communes à tous véhicules électriques. Il s’agit en effet de mettre en avant les différentes étapes de résurgence de la VE, automobile propre, verte avant la lettre, performante et fonctionnelle depuis son origine, et d’analyser ses échecs successifs.
 
Compte tenu du réchauffement climatique imputé en partie aux moteurs thermiques (pour un quart à l’échelle de la planète) et des lois subséquentes récentes sur la protection de l’environnement – en matière d’émission de CO2, l’Union Européenne instaure à l’horizon 2020 une émission de 95 grCO2/km (3,7l/100km) pour les voitures neuves, alors qu’elle est aujourd’hui de 130 grCO2/km, la VE semble vouée à une nouvelle légitimité. Elle répond de fait mieux aux exigences écologiques et aux contraintes juridiques actuelles que sa rivale thermique. Peut-on seulement parier sur sa toute dernière résurgence (années 2010) après un siècle d’hégémonie thermique ?
 
Le regard historique sur les prototypes électriques montre non seulement l’antécédence de l’invention de la VE sur le véhicule à combustion interne, mais également des performances notables, voire une simplicité originale dès son origine, des critères somme toute attrayants pour son adoption. Le développement conjoint des moteurs à combustion aura cependant raison de la VE pendant plus d’un siècle, notamment à cause de son talon d’Achille, la batterie, mais également à cause des enjeux politico économiques liés à l’industrie pétrolière, indissociables du développement de l’automobile et qui ont nui à son déploiement jusqu’à l’histoire récente, puis largement impacté son prix. Ce projet présente, dans des contextes variés – historique, technique, industriel, politique, économique et de design, les particularités de la VE dans le but de comprendre ses différents rebonds, lesquels constituent le fil d’Ariane de son développement. Il met en avant, en pleine crise sur le climat, les exigences de conformités des véhicules avec les nouvelles lois sur l’environnement, et les nécessités de son adoption selon des solutions dé-carbonées pour les années à venir, figurant aujourd’hui une renaissance insoupçonnée après quatre périodes identifiées de résurgence chronique, émergence des débuts jusqu’en 1920, première résurgence lors du conflit mondial en 1940, seconde résurgence lors du choc pétrolier de 1973, troisième résurgence en 1990 à l’occasion du nouvel amendement du Clean Air Act américain et dernière résurgence en pleine crise de l’environnement dans les années 2010. Il termine sur un ton optimiste avec des prévisions pour une convergence VE/thermique à l’horizon 2030.
 

Contexte historique

La voiture correspond à une nécessité millénaire, la locomotion terrestre, autrefois accomplie par l’hippomobile, le plus souvent grâce au service d’un cocher conduisant selon les époques char, coche, carrosse, calèche, fiacre quand il ne s’agit pas tout simplement de se mettre soi-même en selle, sur un animal, d’un genre distinct selon les contrées, âne, mule, mulet, cheval, chameau, éléphant.
 
Le véhicule électrique changera tout d’abord de forme, trois roues pour l’ancêtre de la VE, le tricycle en 1881 (G. Trouvé), 1882 (Ayrton et Perry), avant de se stabiliser à quatre roues.
Tricycle électrique de G. Trouvé, 1881
 
En cette fin de XIXème siècle trois modes d’énergie coexistent – vapeur, électricité et combustion interne. Ils contribueront, chacun selon une technologie spécifique, à l’évolution de l’automobile à la charnière des XIXème et XXème siècle.
Malgré des innovations techniques précoces dans les domaines de l’automobile, J Cugnot réalise le fardier, présumé ancêtre de l’automobile, dès 1769, et, conjointement, dans celui de l’électrotechnique ; A. Volta la pile électrique en 1800, M. Faraday les lois de l’électrolyse en 1834, Z. Gramme le générateur électrique (la dynamo) en 1867, pour ne citer que quelques exemples clés de la motorisation électrique. Les premières automobiles électriques apparaissent à la fin du XIXème siècle (1881), mais seulement onze années séparent l’invention des automobiles utilisant ces trois types énergétiques, à combustion externe (1873) et interne (1884), marquant l’apogée de la révolution industrielle dans ce secteur.
 
Or l’histoire de la VE ne dépend pas seulement et en particulier des découvertes de l’électrotechnique, essentielle à son mode de fonctionnement, mais également de l’évolution de l’automobile en général, et de l’infrastructure qu’elle nécessite – notamment en matière d’équipement, pont, chaussée et d’approvisionnement énergétique.
Le développement de l’automobile est tout aussi lié aux exigences croissantes de la vie moderne en matière de mobilité, de performance et d’efficacité. Il faut aller toujours plus loin, toujours plus vite et à un rythme toujours plus soutenu. Significatif d’un changement des comportements, au-delà même des détails techniques de fabrication, la voiture répond principalement aux besoins de la vie moderne que caractérisent justement les idées d’évasion, de voyage et d’autonomie. Ces concepts, qui symbolisent la liberté d’être à travers celle du mouvement, attestent de surcroît de la mutation des modes de vie et deviendront des valeurs inaltérables de la société contemporaine.
 
Durant la première moitié du XXe siècle, l’automobile profitera plutôt aux revenus aisés, malgré des efforts pour séduire les classes moyennes avec la production en série d’automobiles fiables et à moindre coût. Il faudra cependant attendre la fin de la seconde guerre mondiale, plus précisément la reconstruction à la fin des années quarante, et le retour d’une production dédiée toute entière à la consommation des ménages, largement soutenue par l’industrie pétrolière dominante, pour que toutes les classes sociales en bénéficient. L’automobile devient alors populaire, accessible, les constructeurs affinent ainsi leur politique marketing selon différents créneaux de production : sportive, de luxe, pratique, citadine, rurale, familiale, économique, propre, des critères auxquels chaque type d’automobile devra répondre, quelle que soit sa motorisation.
Cette évolution du marché de l’automobile se fait sans réel soucis d’environnement dans un premier temps, et dans une sorte d’euphorie productiviste qui ne tient absolument pas compte des déséquilibres naissants qui menacent la planète à l’aube du XXIème siècle. On pourrait même dire que plusieurs générations se sont écoulées dans une insouciance généralisée, portées par un idéal d’autonomie et de puissance à travers l’icône de l’automobile. Un mode de vie fondamentalement individualiste, mais sans aucun doute un droit inaliénable des démocraties florissantes, qu’aujourd’hui encore, et malgré les différents signaux alarmistes sur l’environnement, peu d’entre nous semble prêt à sacrifier sans revendiquer, à travers des convictions personnelles, la défense d’une noble cause.
 
Le récit de la VE est indissociablement mêlé à celui de sa rivale à combustion. Car elles ont, chacune, bien des points communs : période d’invention contemporaines – années 1880, ambitions identiques ; maitriser les déplacements, s’approprier l’espace et le temps. Or, innovante au même moment que les autres types de motricité automobile, affichant, dès ses débuts, de très bonnes performances – simplicité, rendement, vitesse, la VE souffre toujours aujourd’hui de la concurrence de la voiture thermique. Avec seulement un peu plus d’1 % de la production annuelle de voitures particulières dans seulement sept pays au niveau mondial, son économie est plutôt fragile, son image toujours péjorative. Afin de considérer les véritables raisons qui ont pu inciter les constructeurs à en abandonner le principe périodiquement dans l’histoire de l’automobile il faut d’abord en expliquer les caractéristiques de fonctionnement.
 

Innovations techniques

En pleine révolution industrielle, l’énergie mécanique dominante est celle du moteur thermique. A combustion externe tout d’abord, l’invention de ce moteur remonte au XVIIème siècle, avec une mise au point au siècle suivant (J Watt, 1781). Ces moteurs transforment l’énergie thermique de la vapeur d’eau, produite par une ou des chaudières (à charbon le plus souvent), en énergie mécanique.
La première voiture particulière, « l’Obéissante » (A. Bollée, 1873) fonctionnera selon ce principe, pratiquement un siècle après l’invention du moteur qui la propulsera.
 
« L’Obéissante » d’Amédée Bollée
 
Le moteur à combustion interne date, lui, de 1859 (E. Lenoir), date symbolique de la première extraction de pétrole en Pennsylvanie, aux Etats-Unis, bien que le carburant utilisé dans cette invention soit du gaz, mais date également de l’invention de la première batterie électrique (accumulateur plomb-acide, G Planté). Le rendement du moteur à combustion interne est meilleur que son analogue externe parce qu’il est sans perte de chaleur. Il fonctionne selon des cycles, deux ou quatre temps – aspiration, compression, explosion et échappement, qui se renouvellent et génèrent l’énergie mécanique. Vingt-cinq années après son invention, le premier véhicule à combustion interne voit le jour (É Delamare-Deboutteville, 1884).
 
Quarante-sept années séparent la naissance du moteur électrique (T. Davenport, 1834) du premier véhicule électrique (1881) dont l’invention précède paradoxalement celle du véhicule à combustion interne (trois ans). Le véhicule électrique qui ne dépend d‘aucun carburant fossile est très simple, il ne comporte qu’une seule pièce en mouvement : un rotor embobiné de cuivre pivotant en continu dans un champ magnétique composé d’électro-aimants (stator). Comparé au propulseur à combustion interne, le générateur électrique utilise beaucoup moins de pièces – pas de filtre à air, pas de réservoir, pas de boite de vitesse… D’où sa simplicité, qui prévaut non seulement à sa fabrication, mais également à son utilisation et à son entretien. Sans frottement, il y a moins d’usure, et le véhicule est plus résistant. Il est aussi plus rapide à fabriquer.
Plus particulièrement, le moteur électrique s’adapte à toute forme d’énergie susceptible d’être convertie en électricité, un point fort de ce type d’invention, même si les détracteurs actuels de la VE considèrent qu’il pollue, à travers ses batteries, lorsqu’elles sont connectées au réseau de centrales carbonées, gaz, fioul, charbon ou nucléaires, productrices de déchets radioactifs. Pratique qui n’est pas irrémédiable et peut tout à fait être enrayée en recourant aux énergies renouvelables comme le solaire, l’éolien ou la biomasse, à l’inverse des moteurs thermiques qui dépendent intrinsèquement des énergies fossiles.
 
La VE est inséparable de ses batteries, bête noire de son histoire, raison de ses échecs, et pour cause, il s’agit de son alimentation, donc de son auto-mobilité, pratiquement l’inverse de ce que sera l’essence pour le véhicule thermique, son salut, mais qui pourrait lui être fatale. En effet, si le moteur électrique embarqué dans la VE est propre, le stockage de l’énergie nécessaire à son fonctionnement pose cet indiscutable problème : comment la batterie automobile, cœur stratégique de la VE, mais cause essentielle de son autonomie, peut-elle contrevenir au principe même de l’automobile, l’autonomie ? Il y a bien là une contradiction manifeste, sans doute intrinsèque à la VE elle-même, et qui explique en partie sa délicate adoption, voire ses échecs successifs.
 
L’histoire de la motorisation électrique est indissociablement liée à l’évolution de l’électricité. Plusieurs découvertes ponctuent cette dernière. Du point de vue technique, il faut résoudre le problème de l’alimentation en continu du moteur électrotechnique, étapes franchies dans la première moitié du XIXème siècle : pile (énergie électrique), électrolyte (conduction électrique), accumulateur au plomb (stockage de l’électricité), dynamo (conversion électrique).
Les recherches se tournent ensuite vers les différents composants à même d’offrir les meilleures solutions électrochimiques, étapes également résolues dans la seconde moitié du XIXème siècle, puis selon les solutions, jusqu’à l’époque contemporaine : plomb-acide, sodium-souffre, nickel-hydrure métallique, zinc-bromure, air-zinc, sodium-chlorure de nickel… Aujourd’hui le lithium-ion, valorisé grâce à son énergie massique élevée (deux à cinq fois plus que le nickel-hydrure métallique par exemple) mais également grâce à l’absence d’effet mémoire ou encore à sa faible « auto-décharge », est appliqué depuis le début des années 1990 aux téléphones et ordinateurs portables. Sa qualité première est bien entendu son faible poids, et, conséquemment, sa petite taille.
Finalement, le problème clé des batteries est celui de l’espace requis, moins elles prennent d’espace, plus il est possible d’ajouter d’accumulateurs, plus l’autonomie est grande. Ces diverses qualités font du lithium-ion l’or blanc de la saga automobile. Où l’on remarque que l’on passerait d’un problème énergétique à l’autre, en l’occurrence de l’or noir à l’or blanc. Il faut reconnaître cependant qu’à ce titre, le lithium-ion ne saurait constituer l’ultime solution au problème des batteries, notamment pour des raisons écologiques liés à son exploitation et aux effets pervers de cette dernière sur l’écosystème environnant – perturbation de l’équilibre biologique des régions andines d’Amérique du Sud, principale zone de ressource du lithium -, voire économico-politiques – exploitation des enfants mineurs dans les mines de cobalt en République Démocratique du Congo. Le dioxyde de cobalt est utilisé dans le fonctionnement de la batterie lithium-ion basée sur l’échange réversible de l’ion lithium entre une électrode positive, (dioxyde de cobalt le plus souvent mais également manganèse ou phosphate) et une électrode négative en graphite.
 
Mais la batterie pose également d’autres soucis aux producteurs et usagers de la VE, notamment en termes d‘alimentation, voire d’entretien. Actuellement plusieurs solutions coexistent : raccordement au réseau électrique domestique (plusieurs heures de chargement), public (variable selon l’implantation), dédié en stations-services dotées de bornes de recharge rapides et ultra rapides. Certains dispositifs commerciaux proposent, à l’achat du véhicule, des formules de location-vente (leasing), ou d’échange de batterie. Par ailleurs, s’il faut une infrastructure routière adaptée pour répondre à ces besoins, ce qui aujourd’hui n’est manifestement pas le cas, la capacité énergétique de la production électrique pour subvenir à la demande d’une telle technologie peut se révéler insuffisante.
Enfin, pour répondre décemment aux usages courants de la motorisation électrique et la comparer à ceux de la voiture à essence, s’ajoutent à ces obstacles ceux de l’espace parcouru en une charge unique de batterie (jusqu’ici en moyenne deux-cent à quatre cent km selon les constructeurs en 2017, pour certain, « Tesla modèle S », six-cent km) et du temps nécessaire au chargement de cette dernière (selon les différents points de charge, de vingt minutes à plus de douze heures).
Ces chiffres ne prennent pas en compte les variations issues des différentes fonctions qui s’ajoutent à la consommation de l’énergie, notamment la vitesse immodérée du véhicule – au-delà de 110 km/h, la jauge d’alimentation descend nettement plus rapidement, sa climatisation et autres options d’usage selon les conditions de conduite et qui représentent autant d’éléments qui impactent l’autonomie des batteries.
On le devine ici, s’ajoute à cette liste des doléances, le changement nécessaire de comportement des automobilistes, ce qu’en politique on qualifie de leurre. Autant dire que la VE est tout d’abord une voiture citadine propre et idéale pour de courtes distances. Son véritable défi concerne les longs trajets. En France pourtant, le kilométrage moyen des usagers automobiles au quotidien est d’environ trente kilomètres, soit largement en dessous des deux-cent kilomètres d’autonomie d’une batterie standard. Mais utiliser une automobile doit aussi servir pour partir en vacances, comme mode de transport pratique et rentable ! Les récriminations de la VE portent également sur le cout élevé de la batterie, de vingt à quarante pourcents du prix de la voiture. Or les aides de l’état, bonus écologique et prime de conversion réunis, soit environ dix mille euros en France (2017), permettent néanmoins de situer aujourd’hui le prix du véhicule de gamme moyenne à un tarif semblable à celui de son homologue thermique.
 
Faut-il enfin souligner ici les progrès récents de la voiture électrique à pile à combustible (PAC), solution écologique idéale d’un véhicule à zéro émission carbonique avec production électrique au sein du véhicule. La VE à PAC possède par ailleurs des avantages évidents, spécialement en termes d’autonomie sur la distance parcourue (plus de six cent km) et les temps de charge (comme l’essence actuellement), mais, bien que de nombreuses équipes de recherche travaillent sur ce projet, aujourd’hui évalué comme l’un des plus dynamiques, elle pose encore un certain nombre de problèmes non encore résolus, notamment en ce qui concerne la production d’hydrogène. L’électricité de la VE à PAC est issue de la réaction électrochimique entre hydrogène et oxygène, productrice d’une chaleur énergétique. Pour le moment l’usage du platine, métal noble aussi cher que l’or, composant utilisé pour accélérer la réaction chimique de la PAC, pose problème. Pour produire de l’hydrogène propre et économiquement viable, soit recourir à l’électricité verte – éolien ou solaire, par électrolyse d’eau, et ne plus utiliser le gaz naturel, il en couterait pratiquement le double. Enfin la durée de vie de la PAC est de quatre mille cent heures, soit environ cent-cinquante-mille km (contre actuellement trois cent mille km pour le diésel), et il n’y a que quinze stations de recharge en hydrogène sur le territoire aujourd’hui. Ces différents obstacles doivent être résolus avant de permettre la commercialisation grand public de ce type de motorisation, notamment par une production automatisée des PAC qui ferait baisser leur prix – aujourd’hui le cout d’une VE à PAC est de quatre-vingt mille euros, un chiffre équivalent des VE à batterie de la première résurgence, il y a plus de cinquante ans, ce qui peut expliquer l’engouement des industriels envers la VE à batterie aujourd’hui alors que les coûts de production ont été divisés par deux.
 
Frank Pecquet, Maitre de Conférence : art numérique – Chercheur : Esthétique/Création et Design sonore – Université Paris I Panthéon Sorbonne
 
 

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