Plusieurs entreprises et entrepreneurs, conscients de la nécessité de la réindustrialisation, ont fait le choix de longue date de produire en France ou de relocaliser leur production dans une conscience écologique. Une réindustrialisation qui a du sens si elle s’inscrit avant tout dans un projet de société plus sobre et circulaire, si elle allie justice sociale et environnementale, dans un souci non plus de compétition de commerce international mais dans un monde tourné vers « les besoins essentiels ». Monde où six des neuf limites planétaires ont déjà été dépassées, nous devons reconsidérer nos priorités. Portraits de quelques PME et entrepreneurs qui se sont engagés sur cette voie.
En France, l’industrie – hors construction – ne compte plus que pour 13 % du PIB, contre 19 % dans l’ensemble de la zone euro et 24 % en Allemagne. Dans son rapport de novembre 2020, « Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales », France Stratégie explique que la réindustrialisation de la France implique de concilier deux contraintes : d’un côté, « les conséquences grandissantes des crises écologiques générées par le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité justifient une refondation et une montée en puissance des politiques industrielles afin de changer en profondeur les modes de production et de consommation, avant qu’il ne soit trop tard » ; de l’autre, les politiques publiques liées à la transition écologique, notamment la décarbonation, seront celles qui, de très loin, auront le plus fort impact sur l’industrie. « Les secteurs des équipements de production d’électricité, de l’automobile, de l’aéronautique, du ferroviaire en seront directement impactés. (…) La concurrence entre une Europe qui a fait le choix de se décarboner très rapidement et le reste du monde sera inégale si des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières ne sont pas mis en place. »
L’opérateur public du réseau d’électricité RTE propose dans son étude prospective « Futurs énergétiques 2050 » des scénarios énergétiques compatibles avec l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 et le rôle bénéfique de la réindustrialisation de la France dans la baisse de son empreinte carbone. RTE estime ainsi que si tous les biens manufacturés importés étaient produits en France, l’empreinte carbone diminuerait de 75 millions de tonnes de CO2eq. En prenant l’exemple du textile, 1kg de textile produit en France a une empreinte carbone 2 fois plus faible que s’il était produit en Chine. Relocaliser 25% de la production de textiles achetés en France diminuerait l’empreinte carbone de 3,5 millions de tonnes de CO2eq par an.
INDUSTRIE DU BÂTIMENT, MAISON CONSTRUCTION
TH se positionne comme un acteur majeur de la construction de demain, plus efficiente et plus vertueuse
TH est spécialisé dans les constructions en bois depuis 2014 et propose une solution bas carbone au besoin urgent de logements et ce, sans piller les ressources de la planète. Avec son technocentre situé à Annecy et sa première fabrique de 5000 m2 implantée à Dôle dans le Jura, l’entreprise conçoit et construit des habitats modulaires bas carbone, réalisés en structure bois, accessibles au plus grand nombre et livrables rapidement. TH prévoit l’ouverture d’un site de production dans la région Haut-de-France avec la création de plus 80 emplois sur la première année.
Intuis : groupe industriel de plus de 70 ans qui produit en France des pompes à chaleur
Acteur engagé de la transition environnementale, énergétique et digitale, le Groupe Intuis accompagne la construction et la rénovation de logements et de bâtiments tertiaires privés et publics. Avec des produits toujours plus performants, intelligents et connectés, les innovations conçues par le Groupe anticipe les enjeux sociétaux pour répondre aux nouvelles exigences des bâtiments et des clients. Le Groupe est commercialement présent dans plus de 50 pays à travers le monde et emploie plus de 1000 collaborateurs, dont de nombreux techniciens, ingénieurs et chercheurs. Il s’appuie sur 6 usines et 5 centres de R&D en France.
Face à une forte demande du marché, le Groupe agrandit son site de Feuquières en Vimeu pour permettre à chacun de trouver une solution innovante et bas carbone qui assure le confort thermique et l’économie d’énergie optimale.
Unikalo : des usines de peinture à la performance environnementale certifiée
Il s’agit là d’un des premiers fabricants de peintures indépendant français et engagé, spécialisé en peintures bâtiment. Créé en 1936 en Gironde, il est le précurseur des peintures à l’eau. Les usines de SCSO Unikalo sont par ailleurs certifiées ISO 14001 par l’AFNOR depuis 2008, en conception et production : c’est une norme volontaire, avec un cahier des charges précis, qui repose sur le principe d’amélioration continue de la performance environnementale par la maîtrise des impacts liés à l’activité.
INDUSTRIE TEXTILE
1083 : le spécialiste du jeans made in France a relocalisé, en 10 ans, toutes les étapes de production d’un jean.
Depuis sa création en 2013, 1083, le spécialiste du jeans made in France, oeuvre à la relocalisation des savoir-faire du tissage et de la confection du jeans en France. Le fondateur Thomas Huriez et ses équipes se sont donné pour mission de réindustrialiser en France l’ensemble des étapes de production d’un jeans, un savoir-faire perdu dans les années 90. Pari tenu ! En 10 ans, 1083 a réussi à relocaliser toutes les étapes de la fabrication de ses jeans en France : la filature, la teinture, le tissage, l’ennoblissement, la coupe, la confection, le délavage des jeans et même, plus récemment, la production de ses boutons qui sont désormais fabriqués à Albon dans la Drôme. Il ne manquait que la culture du coton pour créer une chaîne de production 100% locale. C’est désormais le cas, puisque Thomas Huriez, accompagné d’agriculteurs et d’investisseurs engagés de la Drôme et du Gers, participe à la production du premier denim en coton 100% français !
Le Slip Français : l’un des chefs de file de la filière textile française qui a récemment lancé Les Ateliers du Slip, un service d’accompagnement des entreprises à la relocalisation.
Fondée en 2011 par Guillaume Gibault, Le Slip Français est la marque iconique des sous-vêtements fabriqués en France, devenue un véritable symbole de la réinvention de l’industrie textile. La totalité des produits est fabriquée en France, du tricotage de la matière jusqu’au packaging. En plus des 110 emplois directs au siège et dans 20 boutiques, Le Slip Français emploie indirectement en équivalent temps plein plus de 300 personnes dans les 80 ateliers partenaires qui fabriquent les produits tout au long de l’année. Entreprise à mission depuis 2020, Le Slip Français valorise les acteurs locaux en modernisant la filière et “réinvente avec panache la filière textile française”. Fin 2022, Le Slip Français a lancé Les Ateliers du Slip, un service d’accompagnement des entreprises à la relocalisation. À travers cette nouvelle offre, la marque met ses 12 ans de savoir-faire à disposition des nombreux acteurs du secteur pour faire de la relocalisation un levier de performance économique, sociétale et environnementale. Les Ateliers du Slip proposent un panel complet de services et de conseils en matière de conception, de R&D de matières locales, de fabrication en marque blanche ou distributeur et d’accompagnement de projet.
L’Union des Industries Textiles (UIT) : une des filières les plus touchées par la délocalisation ces 30 dernières années relocalise
L’Union des Industries Textiles représente les 2 150 entreprises exerçant une activité textile en France (filature, moulinage, tricotage, tissage, ennoblissement…). Elles emploient 62 500 salariés et ont réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 13,9 milliards d’euros dans des domaines d’application pointus : la mode et le luxe, la maison, et dans les marchés techniques (automobile, aéronautique, santé, construction…). L’UIT fédère 23 syndicats textiles régionaux ou de branche.
L’industrie textile, l’une des filières les plus touchées par la délocalisation ces 30 dernières années porte aujourd’hui plus de 780 projets de développement.
RELOCALISATIONS
ENO a relocalisé sa production de plancha depuis 2006.
PME niortaise spécialiste des planchas et leader sur le secteur d’appareils de cuisson pour le nautisme. En 2006, ENO rachète Force 10, leur principal concurrent nord-américain et c’est après la crise américaine de 2007/2008 et la chute brutale du marché mondial du nautisme qu’ils décident de relocaliser à Niort toutes leurs productions. Chaque produit ENO est pensé et fabriqué selon des principes respectueux de l’environnement : utilisation de matériaux durables et recyclables ; appareils facilement démontables ; plaques en fonte garanties à vie. ENO est le 1er producteur de plancha à obtenir le label LONGTIME®, qui atteste aux consommateurs la longévité et la robustesse de ses produits.
En 2003, ENO comptait une cinquantaine de salariés et réalisait un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros. Aujourd’hui, ENO emploie une centaine de personnes et génère 17 millions d’euros de chiffre d’affaires dont 30% à l’export.
La Brosserie Française (fabricant de brosses à dents) : réussite d’un nouveau modèle stratégique pour la réindustrialisation.
Installée à Beauvais (Oise) depuis 1845, la Brosserie Française a été reprise en 2012 par l’un de ses salariés, Olivier Remoissonnet, après avoir échappé de peu à la liquidation. Dès 2012, Olivier Remoissonnet réinvente un nouveau modèle stratégique en alliant les enjeux sociétaux et environnementaux. Il préserve le savoir-faire, le made in France, et une politique d’éco-citoyenneté. L’usine ne travaille qu’avec des déchets d’autres industries ou des produits écartés de filières industrielles françaises et favorise les circuits courts.
Olivier Remoissonnet réussit son tour de force en prouvant qu’installer une activité stable et durable sur un produit de consommation courante – compétitif et qualitatif tout en respectant les valeurs environnementales et sociales. Aujourd’hui, l’entreprise est un fleuron de la réindustrialisation de la France et fabrique des brosses à dents « éco-citoyennes » sous la marque Bioseptyl. Les brosses à dents s’écoulent à 8 millions d’exemplaires par an et la société a réalisé un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros en 2022.
EXPERTS
Expert Réindustrialisation et industrie verte : OLIVIER LLUANSI
Attaché à l’émergence de cette nouvelle génération d’industriels, Olivier Lluansi est l’un des rares experts à avoir eu un parcours très varié, entre secteur public et secteur privé. Il a commencé sa carrière à la Commission européenne, puis au Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais. Il a ensuite rejoint Saint-Gobain dont il a supervisé les activités en Europe centrale et orientale. Il a également été Conseiller industrie et énergie à la Présidence de la République et il a mis en place l’initiative « Territoires d’industrie » lancée par le Premier Ministre.
Il est actuellement Associé au sein de Strategy & PwC et intervient dans de nombreux secteurs de l’industrie. Il participe à plusieurs think-tanks qui lui permettent d’avoir une vraie vision de l’industrie de demain.
Olivier Lluansi vient de publier le 9 mai dernier « Les néo-industriels : l’avènement de notre renaissance industrielle » aux éditions Les Déviations.
Expert made in France : Gilles Attaf, président d’Origine France Garantie
Origine France Garantie, présidé par Gilles Attaf, milite pour reconstruire une industrie nationale solide, génératrice d’emplois et respectueuse de l’environnement. L’association soutient les entrepreneurs locaux, encourage l’innovation et promeut une politique industrielle ambitieuse.
Forces Françaises de l’Industrie : un club d’entrepreneurs pour soutenir les PME industrielles et oeuvrer à la réindustrialisation
Les FFI est un Club fondé par des entrepreneurs, pour des entrepreneurs, ouvert à tous ceux qui veulent aider, soutenir, investir pour réindustrialiser la France. Fondé en 2019 par Laurent Moisson, Gilles Attaf et Emmanuel Deleau, les FFI ont créé le tout premier accélérateur de PME en France au printemps 2020, avec la conviction qu’il faut donner aux PME les moyens de leur développement en investissant massivement dans la technologie et dans les ressources humaines dès leurs débuts, comme savent le faire les startup. Depuis juillet 2021, les FFI ont ouvert 10 antennes régionales partout en France.
EMPLOI ET FORMATION
La Fédération Française de Maroquinerie, locomotive de l’économie française, œuvre pour recruter des candidats
Fondée en 1937, la Fédération Française de Maroquinerie représente et défend les intérêts de ses adhérents, fabricants français de la filière maroquinerie, et participe à la promotion de leurs produits et de leur savoir-faire. Elle rassemble 33 600 salariés et 540 entreprises qui fabriquent des sacs femme, de la petite maroquinerie, des selles de cheval, du harnachement mais aussi de la gainerie, des ceintures, des bracelets-montres en cuir et des bagages. Au cœur de l’industrie de la mode et du luxe, la maroquinerie française constitue une véritable vitrine de la France à l’international. Le secteur est en effet le 3ème exportateur mondial français et la maroquinerie est le 4ème secteur participant le plus à la balance commerciale nationale avec un solde excédentaire de 7,8 milliards d’euros. Si le secteur est porté par les grandes maisons de luxe connues de tous, il comprend aussi un tissu très divers d’acteurs dont 80 % de PME. La filière maroquinerie est une locomotive pour l’économie française qui fait rayonner la France.
Sachant qu’il faut jusqu’à 5 ans pour former un bon artisan, la priorité de la filière est d’intéresser des candidats au plus tôt en milieu scolaire ou des profils en reconversion. D’autant que souvent, les entreprises doivent former elles-mêmes l’essentiel des recrues.
Si les grandes maisons de luxe recrutent, partout en France, leurs sous-traitants aussi. En effet, la Fédération Française de la maroquinerie est constituée d’un réseau dense de PME et ETI dont la plupart sont inconnues du grand public malgré leur dynamisme économique. De nouveaux ateliers ouvrent ainsi un peu partout en France et continuent de porter le savoir-faire français dans le monde entier.
Wisecom : premier centre d’appel en plein cœur de Paris (200 salariés) fondé par Paola Fabiani.
La société s’adresse à toute l’Europe à partir de ses sites en France et promeut la RSE comme levier de la performance. Connue pour son engagement dans la préservation des emplois sur le territoire national, l’entreprise lutte contre la délocalisation du métier de téléconseiller en le modernisant. Wisecom attire et fidélise ses employés grâce à des formations qui permettent à tous d’acquérir un nouveau métier.