Les récifs coralliens d’eau froide de la Patagonie chilienne révèlent encore leurs secrets. Mais les scientifiques affirment que le changement climatique et l’industrie ont un impact sur « l’une des dernières zones sauvages de la planète ». Dans le cadre de l’initiative mondiale « Call to Earth » pour créer un avenir durable, CNN met à l’honneur la biologiste Vreni Häusserman, qui consacre pleinement sa vie à l’exploration et à la protection de la Patagonie chilienne. Pour elle, « De nombreux organismes ne seront pas identifiés avant même leur extinction ».
En 1997, la scientifique chilienne-allemande Vreni Häusserman part en mission de recherche en Patagonie, et restera subjuguée par la beauté des mers tempétueuses et des glaciers de haute montagne. Près de vingt ans plus tard, accompagnée de son mari Gunter Forsterra, elle a déjà fait la découverte de plus de 100 nouvelles espèces marines.
Classifier les nouvelles espèces marines : une course contre la montre
La Patagonie chilienne est un terrain difficile à explorer, fait de labyrinthes de fjords, de canaux et d’îles. La côte qui s’étend sur 90 000 kilomètres est le théâtre de vents violents et de tempêtes intenses. La région étant mal cartographiée, chaque expédition est littéralement un voyage d’expéditions riches en découvertes ce qui a permis à Vreni Häusserman de mettre à jour des dizaines de nouvelles espèces au fil des ans.
Contrairement à ce que la biologiste avait appris en tant que biologiste – la vie est plus diversifiée sous les tropiques, moins près des pôles – les fjords chiliens sont un point chaud de la biodiversité, regorgeant d’anémones de mer orange néon et de coraux rouge sang. La raison de ce paradoxe apparent, dit-elle, est que les fjords sont très fluctuants, allant de « l’eau très salée à l’eau extrêmement douce, de la lumière intense du soleil aux ombres sombres, des baies protégées aux rivages battus par les vagues ». Ce qui explique qu’une variété extraordinaire d’espèces sont capables de vivre si étroitement ensemble.
Mais les fjords étudiés par Vreni Häusserman sont menacés. Pour exemple, l’élevage du saumon, jusqu’à récemment concentré dans le nord de la Patagonie, se déplace vers le sud. La pisciculture est un secteur d’activité important : l’industrie tire chaque année 2,5 milliards de dollars des exportations de saumon, ce qui représente près de 5 % des exportations totales du pays. L’élevage est généralement géré de manière non durable, rejetant de grandes quantités de déchets et de produits chimiques qui endommagent indistinctement les écosystèmes et les espèces marines. Cette pollution est en partie responsable de la « déstabilisation de l’écosystème », selon Vreni Häusserman, et contribue probablement à une augmentation alarmante de la mortalité massive des animaux. Il est donc urgent de recenser les variétés exceptionnelles des lieux et de les protéger. Mais la chose n’est pas aisée. Pour elle, « La taxonomie demeure un vrai problème dans le monde. Nous essayons de faire au mieux pour effectuer une véritable classification des organismes présents dans la région, identifier leur localisation et en savoir plus sur les conditions nécessaires à la vie, notamment si les choses peuvent évoluer avec le changement climatique. Malheureusement, nous avons encore énormément d’espèces qui ne seront pas identifiées avant même leur extinction. »
Exploratrice engagée pour la protection de la Patagonie chilienne
Vreni Häusserman et son mari fournissent au gouvernement des informations qui, selon eux, contribueront à l’utilisation durable et à la protection de la Patagonie chilienne. Elle affirme notamment que l’écosystème est encore « si mal connu » – un facteur, selon elle, qui explique pourquoi sa situation critique passe inaperçue.
« C’est vraiment la tragédie de l’océan : même si toute la vie marine était anéantie, personne ne la verrait. Il est vraiment important d’apporter ces images aux gens et de leur montrer la beauté qui s’y cache. S’ils la comprennent, ils l’aimeront. Et c’est à ce moment-là qu’ils pourront s’intéresser à la préserver. »
Les Chiliens sont de plus en plus sensibilisés à ces questions. Les crises écologiques sont souvent un « désastre économique », et la mort des poissons et des crustacés signifie que les pêcheurs ont de plus en plus de mal à gagner leur vie.
Lauréate du Prix Rolex en 2016, Vreni Häusserman et son mari conduisent leurs expéditions, accompagnés d’un submersible pour documenter les ravages des activités humaines sur la nature. Pour explorer les eaux, ils utilisent un véhicule télécommandé (ROV) qui peut plonger à 500 mètres de profondeur. Leur « grand rêve » est d’utiliser un ROV plus perfectionné pour atteindre les fonds du canal Messier, à 1 300 mètres de profondeur, qui reste largement inexploré : « C’est un problème d’extinction des espèces. Il ne peut être inversé. Une espèce qui a disparu est disparue. En tant que scientifiques, il est de notre devoir de dire aux gens que la situation est si grave que nous devons agir maintenant. »
Cet article est publié dans le cadre de l’initiative Call to Earth de CNN International dont UP’ est partenaire média. Cette initiative est destinée à rendre compte des défis environnementaux auxquels notre planète est confrontée, ainsi que des solutions.