Il y a quelques semaines, plusieurs découvertes majeures sont venues coup sur coup relancer l’hypothèse d’une possible vie extraterrestre. La première de ces découvertes concerne Encelade, une lune de Saturne qui présente des caractéristiques très particulières qui ont été confirmées par les données recueillies par la sonde Cassini (un projet commun entre la Nasa et les agences spatiales européenne – ESA – et italienne).
Photo : Téléscope Hubble Encelade
Encelade possède notamment un vaste océan sous la glace de sa surface et des observations récentes ont montré des jets de vapeur émanant de la région de son pôle sud. Découverte encore plus intéressante, la présence de méthane, marqueur possible d’activité biologique, a été détectée dans ces jets de vapeur. Le mois dernier, une étude franco-américaine avait démontré que la région de ce pôle sud était plus chaude que prévu, ce qui conforte l’hypothèse selon laquelle l’océan d’Encelade se situerait près de la surface à cet endroit, alors que dans d’autres régions, la couche de glace atteindrait une vingtaine de kilomètres.
Vue en coupe d’Encelade, lune de Saturne
Si cette lune très éloignée de notre soleil peut néanmoins produire une chaleur suffisante pour maintenir de l’eau à l’état liquide, c’est grâce à la force de marée résultant de l’attraction que Saturne provoque à l’intérieur d’Encelade. Fait encore plus troublant, une autre étude conduite par J. Hunter Waite, du Southwest Research Institute (USA) vient d’analyser des données recueillies par Cassini en 2015, lors de son passage à proximité d’Encelade, en octobre 2015 (Voir Science). Les capteurs de cette sonde ont détecté du gaz hydrogène qui pourrait provenir de réactions chimiques entre les rochers du fond de l’océan et l’eau. Or, c’est une réaction similaire qui fournit, sur notre planète, de l’énergie aux écosystèmes qui se développent autour des sources hydrothermales.
En outre, compte tenu de la teneur en hydrogène qui a été détectée (1,4 %), et de la présence conjointe de méthane et de gaz carbonique, il se pourrait que le processus de méthanogenèse, à l’œuvre sur Terre dans les profondeurs océaniques, soit également actif dans l’océan d’Encelade. Les scientifiques pensent à présent que la méthanogenèse, qui permet la production de méthane par des micro-organismes, même en l’absence de lumière solaire, a probablement joué un rôle important dans l’apparition de la vie sur notre planète, il y a 3,8 milliards d’années. C’est pourquoi la NASA précise que « La présence d’hydrogène dans l’océan de cette lune pourrait indiquer que d’éventuels microbes pourraient l’utiliser pour obtenir de l’énergie en combinant cet hydrogène avec le gaz carbonique dissout dans l’eau ».
« C’est la première fois que nous identifions un endroit rassemblant les ingrédients nécessaires à un environnement habitable », a pointé Thomas Zurbuchen, responsable adjoint des missions scientifiques de la Nasa. « Ces résultats prouvent que les différentes études menées par l’agence nous rapprochent du moment où nous pourrons répondre à la question de savoir si nous sommes seuls ou non dans l’Univers », a-t-il relevé.
Telle que nous la connaissons, l’apparition de la vie requiert trois principaux éléments : de l’eau liquide, une source d’énergie pour le métabolisme des organismes et des ingrédients chimiques en particulier le carbone, l’hydrogène, l’azote, l’oxygène, le phosphore et le soufre, ont précisé les scientifiques. Les données récoltées par Cassini montrent qu’Encelade possède quasiment tous les ingrédients indispensables à l’habitabilité.
Une autre étude également publiée il y a quelques semaines révèle que grâce au télescope spatial américain Hubble, des scientifiques ont observé en 2016 ce qui paraît être un geyser d’une centaine de kilomètres de hauteur sur Europe, une des plus grosses lunes de Jupiter qui possède aussi un océan sous une couche de glace.
Avec 3.100 km de diamètre, Europe est beaucoup plus grosse qu’Encelade mais présente beaucoup de points communs avec elle. Europe possède en effet, comme Encelade, un vaste océan d’eau liquide sous sa surface glacée. Autre indication très intéressante, les scientifiques ont également détecté sur Europe des jets de vapeur qui proviennent très probablement d’une activité hydrothermale. La NASA veut à présent aller plus loin dans ses recherches et prépare la mission Europa Clipper, prévue pour les années 2020. L’idée est de mettre en orbite une sonde autour d’Europe, pour recueillir un maximum de données sur la composition de son atmosphère. A plus long terme, sans doute à l’horizon 2030, la NASA imagine déjà une seconde mission qui consisterait à faire atterrir un petit engin robotisé sur Europe et à essayer de prélever des échantillons de sa surface…
Une autre découverte récente concerne une super-Terre orbitant autour d’une étoile peu lumineuse susceptible d’abriter la vie à seulement 40 années-lumière. Cette planète, baptisée LHS 1140b, est âgée d’environ 5 milliards d’années ; elle est à peu près 6,5 fois plus massive que la Terre, avec un diamètre 1,4 fois plus grand et une masse sept fois supérieure. Sa densité nous indique donc qu’il s’agit d’une planète rocheuse, comme la Terre.
LHS 1140b fait le tour de son étoile, une naine rouge, en 25 jours et orbite en plein milieu de sa zone dite « habitable », ce qui signifie qu’elle reçoit la bonne quantité de lumière et de chaleur pour qu’on puisse trouver de l’eau liquide à sa surface. On sait également que, compte tenu sa masse, LHS 1140b est sans doute composée de roches avec un noyau dense de fer. La grande taille de cette planète laisse également espérer qu’un océan de magma a pu exister dans un lointain passé et a pu alimenter son atmosphère en vapeur qui se serait progressivement transformée en eau liquide.
Compte-tenu de la position très favorable de cette planète et de son étoile, par rapport à la Terre, les scientifiques pensent être en mesure de parvenir à mettre en évidence, grâce au télescope spatial, Hubble, l’éventuelle présence d’une atmosphère autour de 1140b. « Nous ne pouvions pas rêver meilleure cible pour entreprendre l’une des plus grandes quêtes de la science : la recherche de preuves de vie, ailleurs que sur la Terre », souligne Jason Dittmann du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics à Cambridge (Etats-Unis), coauteur de cette étude.
Dans ce contexte d’effervescence marquée par la découverte de planètes de plus en plus nombreuses et de plus en plus semblables à la Terre, la communauté scientifique attend avec impatience le lancement, l’année prochaine, du télescope spatial James Webb (JWST) qui orbitera à un million et demi de km de la Terre et sera cent fois plus puissant que Hubble. Cette merveille technologique va permettre d’observer avec une précision inégalée ces exoplanètes et de découvrir si elles possèdent une atmosphère.
L’étape suivante consistera à déterminer si l’atmosphère des planètes étudiées contient des traces de différents gaz qui constituent la « signature » de la vie ! Sur notre Terre, la présence d’oxygène moléculaire, ou dioxygène, (O2) est liée au développement d’organismes vivants. Mais trouver de l’O2 dans l’atmosphère d’une autre planète ne sera pas une preuve suffisante de l’existence d’une vie extraterrestre car ce gaz peut également être produit par des processus physico-chimiques. Pour avoir la quasi-certitude que la vie est présente sur une autre planète, il faudra donc réussir à détecter simultanément la présence de son atmosphère de dioxygène, d’eau, de dioxyde de carbone et de méthane, ce que devrait pouvoir faire les outils de spectroscopie extrêmement sophistiqués de ce télescope hors norme.
Nous savons depuis 2012, grâce aux remarquables travaux d’analyse et d’échantillonnage réalisés pendant six ans par une équipe scientifique regroupant des chercheurs de l’Institut d’Astrophysique de Paris (IAP) et de l’Observatoire européen austral (ESO) française, que notre galaxie compte environ 150 milliards d’étoiles et au moins 240 milliards de planètes. En 2013, l’analyse des données du télescope spatial Kepler a par ailleurs montré qu’il y aurait environ 40 milliards de planètes de taille similaire à la Terre en orbite dans les zones habitables d’étoiles semblables au soleil.
Mais faute de disposer d’outils technologiques suffisamment sensibles et performants, il fallut attendre 1995 pour que Michel Mayor (Université de Genève) et Didier Queloz (Université de Cambridge), découvrent enfin, grâce au spectrographe Élodie, la première exoplanète, baptisée 51 Pegasi b, une géante gazeuse semblable à Jupiter et située à 51 années-lumière de la Terre. Aujourd’hui, 22 ans plus tard, c’est plus de 3 600 exoplanètes qui ont été découvertes, dont certaines possèdent des caractéristiques compatibles avec la présence de la vie, telle que nous la connaissons.
Depuis quelques décennies, nous savons également que la vie, contrairement à ce que nous avons longtemps cru, est capable de survivre et de se développer dans des conditions presque inimaginables et des environnements particulièrement hostiles : des bactérie extrêmophiles, comme Deinococcus radiodurans, capable, grâce à son extraordinaire mécanisme d’autoréparation de son ADN, de survivre à des doses de radiations plusieurs milliers de fois supérieures à celles que nous pouvons supporter, ou encore Bacillus infernus qui peut se développer à plusieurs kilomètres sous terre ou au fond de la fosse des Mariannes (11 km de profondeur) dans l’Océan Pacifique.
Signalons également que fin 2014, l’analyse de la météorite martienne de Tissint, trouvée en 2011 dans le désert marocain par des chercheurs de L’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a montré qu’elle contenait des traces de carbone dont les caractéristiques isotopiques confortent l’hypothèse d’une origine biologique. Selon les chercheurs, « celles-ci feraient suite à l’infiltration d’un liquide riche en matière organique dans les fissures de la roche lorsque celle-ci était encore sur la Planète rouge ». Cette découverte vient donc renforcer sensiblement les théories affirmant qu’il y a eu, au moins à un certain moment de son évolution, de la vie sur la planète rouge.
Encore plus étonnant, les astronautes présents dans la Station Spatiale Internationale ont eu la surprise de constater, à l’occasion du nettoyage des hublots de cette structure évoluant à 350 km d’altitude, la présence de curieuses particules qui, après analyse, se sont avérées être des cellules de plancton, sans doute portées jusqu’à la station par de puissants courants ascendants, qui avaient survécu sans problèmes plusieurs mois dans les conditions extrêmes du vide et du froid de l’espace… En 2008, une autre expérience étonnante avait également montré que les « oursons d’eau, petits organismes d’un millimètre de long, pouvaient survivre pendant dix jours au vide spatial et aux radiations… »
La pugnacité du vivant, son extraordinaire capacité d’adaptation et sa prodigieuse diversité, peuvent donc raisonnablement nous laisser espérer que la vie, même si elle a besoin d’une conjonction rare et très particulière de conditions pour apparaître, a pu naître et se développer sur d’autres planètes, parmi ces centaines de milliards de mondes, dont plusieurs dizaines de milliards potentiellement habitables, que compte notre seule galaxie.
Si, au cours de ces prochaines décennies, nous découvrons que, parmi le catalogue toujours plus vaste des exoplanètes répertoriées, l’une d’elles présente la « signature » chimique spécifique à la présence de vie, nous aurons non seulement accompli un pas de géant dans le domaine scientifique mais notre espèce devra changer à jamais le regard qu’elle porte sur elle-même. En effet, si l’apparition et le développement de la vie sont finalement relativement répandus à l’échelle cosmique, nous serons alors confrontés de manière bien plus puissante à une autre question vertigineuse : cette vie extraterrestre a-t-elle, quelque part dans notre vaste Univers, évolué jusqu’à la conscience et l’intelligence ?
René TRÉGOUËT, Sénateur honoraire – Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
Avec l’aimable autorisation de l’auteur – Article initialement publié dans RT Flash
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