Gaïa, Terre vivante – Histoire d’une nouvelle conception de la Terre, de Sébastien Dutreuil – Editions Les empêcheurs de penser en rond, 21 mars 2024 – 512 pages
Qui est Gaïa ? Une proposition scientifique ou un nouveau rapport spirituel, philosophique et politique à la nature ? Gaïa est la divinité grecque qui a surgi après Chaos pour engendrer le monde. Le livre « Gaïa, terre vivante » plonge dans les profondeurs de la théorie de Gaïa, une hypothèse fascinante proposée initialement par James Lovelock et Lynn Margulis, qui présente la Terre non pas simplement comme un ensemble de processus biotiques et abiotiques indépendants, mais plutôt comme un système vivant, autorégulé. Le chimiste et ingénieur anglais, et la microbiologiste américaine ont ainsi donné dans les années 1970 à l’hypothèse d’une régulation de l’habitabilité de la Terre par les êtres vivants. Cette figure clivante a généré des débats passionnés dans les sciences, en philosophie, dans la littérature écologiste.
Les critiques la résument à l’idée d’un altruisme biologique global, invalidé par la sélection naturelle et dont il ne resterait que de vaines élucubrations New Age. Lovelock estime quant à lui que l’ensemble de ses réflexions spéculatives sur la Vie et la Terre, élaborées depuis le laboratoire construit dans son garage au fond de la campagne anglaise, est à même de transformer les sciences et la conception moderne de la Nature.
Aucun de ces récits n’est satisfaisant. Ils ne permettent pas de restituer l’immense influence de Gaïa sur les sciences de l’environnement, de la constitution des sciences du système terre au concept d’Anthropocène. Ils masquent les enjeux philosophiques et politiques les plus importants de Gaïa. Cette enquête historique et philosophique cartographie les controverses et propose un nouveau récit.
Gaïa est une nouvelle conception de la Terre, un cadre pour penser les pollutions de l’environnement global (climat, ozone, insecticides, pluies acides, etc.). Malgré les réticences qui subsistent à l’évocation du nom de Gaïa, nous pouvons enfin saisir l’influence profonde qu’elle a eue sur les savoirs, les philosophies et les politiques contemporaines de la Terre.
Le livre « Gaïa, terre vivante » plonge dans les profondeurs de la théorie de Gaïa. Mais Sébastien Dutreuil, à travers cet ouvrage, explore non seulement les origines et l’évolution de cette hypothèse mais aussi ses implications philosophiques, écologiques et scientifiques. L’auteur commence par retracer le développement historique de la théorie de Gaïa, en examinant comment elle a été reçue, critiquée et intégrée dans différents champs de la science. Il met en lumière les débats intenses que cette théorie a provoqués dans la communauté scientifique, notamment en ce qui concerne son aspect presque mystique qui attribue à la Terre des propriétés normalement réservées aux êtres vivants.
Dutreuil aborde également les contributions significatives de la théorie de Gaïa à l’écologie moderne, en montrant comment elle a influencé la façon dont nous comprenons les interactions complexes entre les organismes vivants et leur environnement. Cela inclut une discussion sur le rôle de l’homme dans ce système, posant des questions éthiques sur notre responsabilité et notre impact sur la planète.
Sur le plan philosophique, « Gaïa, terre vivante » encourage une réflexion sur la manière dont nous conceptualisons la vie et notre place au sein de celle-ci. L’auteur propose une méditation sur notre perception de la nature et sur les limites des cadres scientifiques traditionnels pour comprendre des systèmes aussi complexes que la Terre.
En conclusion, l’ouvrage de Sébastien Dutreuil est un texte riche et provocateur qui non seulement résume et explique la théorie de Gaïa, mais invite également à une réflexion plus profonde sur les relations symbiotiques qui définissent notre monde. Il s’agit d’une lecture essentielle pour ceux qui sont intéressés par les enjeux environnementaux contemporains et par les nouvelles façons de penser la vie sur notre planète.
Sébastien Dutreuil, chargé de recherche au CNRS en histoire et philosophie des sciences, rattaché au centre Gilles Gaston Granger (université Aix Marseille). Après une formation en sciences de la Terre, il a soutenu une thèse consacrée à l’histoire de Gaïa et des sciences du système Terre (2016) dont est issu ce livre. Il est l’auteur de Writing Gaia : The Scientific Correspondence of James Lovelock and Lynn Margulis (Cambridge University Press, 2022).
Attention, ce livre (et l’hypothèse Gaïa) n’invite pas du tout à « penser la vie sur notre planète » d’une nouvelle façon. Il invite à réfléchir sur la nature de notre planète (ce qui est à peu près l’opposé) et montre comment Lovelock, grand chercheur corrompu par l’industrie fossile, l’armée et la chimie depuis dès les années 1940, a réussi à effacer la notion de vivant au profit de cette réflexion. Ce livre montre comment notre époque est tombé dans ce piège anti-écolo. Bien sûr il montre qu’il faut désormais voir Lovelock comme un de ces chercheurs-boomer qui ont lancé l’appel d’Heidelgerg.… Lire la suite »