Livre « Petite Ensaclaypédie » de Pierre Veltz, Edition La Découverte – 4 novembre 2015
On l’attendait avec enthousiasme parmi les jeunes, les FabLabs et interfaces innovantes du plateau de Saclay. La première Chaire industrielle de la toute jeune université Paris-Saclay (et non moins géante) est consacré à l’innovation frugale. Une identité forte pour le territoire encore sans visage ?
C’est un signe fort. Un phare nous indique même l’Université Paris Saclay (UPS). La création de la première chaire industrielle sur le thème de l’innovation et l’ingénierie frugales (I3F) marque une volonté forte des dirigeants des établissements partenaires de s’inscrire dans les mouvances pragmatiques et utiles des efforts de recherche. AgroParisTech, TélécomParisTech et l’Institut d’Optique Graduate School (IOGS) portent ensemble cette chaire, avec le soutien de plusieurs industriels comme Carrefour, Essilor… Il s’agira de développer conjointement des « systèmes futés » connectés à des besoins et à des territoires.
Mise en valeur par le Centralien Navi Radjou (LIEN), la démarche consiste à faire mieux avec moins. General Electric, Accenture, Pearson, McKinsey, Xerox ou Renault-Nissan sont engagés dans ce mode d’innovation économe qui résoud souvent plusieurs défis en même temps. Elle permet aux industriels du Nord et aux entreprises du Sud de s’enrichir de leur complémentarité. L’ingéniosité est aux manettes dans ces approches qui explosent partout en court-circuitant les acteurs installés (Tesla aux Etats Unis, Faraday en Chine incarnent ces nouveaux modèles de mise en partage d’outils – en l’occurrence des voitures électriques qui deviennent juste de simples support de mobilité).
L’interdisciplinarité comme carburant
L’état d’esprit est fortement encouragé sur le plateau de Saclay par Pierre Gohar, directeur de l’innovation de l’UPS et Jean Louis Martin, directeur de l’Institut d’Optique Graduate School (IOGS) qui a dédié un bâtiment entier du campus d’Orsay (ancien Institut d’optique du « 503 ») à l’innovation agile et l’entrepreuneuriat. La Filière innovation entrepreneur pilotée par Frédéric Capmas met dans le « même bain », étudiants en master, start-ups (il y en a plus de vingt) et des séniors expérimentés. « C’est une pédagogie par l’exemple, et avec le soutien de « grands frères » que sont les dirigeants de startups, incubées au 503, explique Frédéric Capmas. La démarche est inspirée des méthodes développées de Steve Blank – professeur associe de Stanford, conseiller à La Maison Blanche – notamment le Lean LaunchPad® (enseigné à Stanford, Berkeley, Columbia, Caltech et adopté par la National Science Foundation).
Cette méthode met l’accent sur l’apprentissage par l’expérience et une rétroaction immédiate comme un moyen de faire participer les élèves à l’esprit d’entreprise du monde réel. Une belle démonstration de la pertinence d’un travail créatif en écosystème.
L’interdisciplinarité est la clé de l’innovation frugale car les solutions sont souvent dans les interfaces entre discipline. A l’image des porteurs de la Chaire : Ivan Le Mintier (formateur, agriculteur et entrepreneur), Valérie Fernandez, professeur, responsable du département Sciences Economiques et Sociales de Telecom Paristech, François Balembois, professeur, directeur général adjoint à l’enseignement et directeur de l’entrepreneuriat et de l’innovation à l’Institut d’Optique Graduate School et Gérard Cuvelier, professeur, spécialiste des sciences et procédés des aliments à AgroParisTech,
La dynamique de la Chaire pourra s’appuyer sur les Instituts interdisciplinaires (Lidex) de Paris-Saclay, sur les Instituts pour la transition énergétique (VedeCom ou Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF) mais aussi sur les lieux dits de connexion comme le Proto204 où s’expérimentent toutes sortes de croisements de compétences.
Un premier TEDx à Saclay
On peut aussi miser sur la dynamique TEDx initié à Saclay le 12 novembre pour brasser les idées émergentes. Mise sur pied par Assya Van Gysel, ingénieur chez Alcatel, la première rencontre a réuni une centaine de visiteurs autour de « créatifs » comme Anais Barut issue de l’IOGS (présidente de Damae Medical qui développe des diagnostics rapides de cancers par la lumière), Nadine Bongaerts (qui anime Hello Tomorrow et a fondé une société de communication scientifique, Biotecture). Les nombreux scientifiques de l’assemblée ont apprécié des initiatives insolites : celle de Ramïn Farghangi qui a fondé dans le 13e arrondissement de Paris, l’Ecole dynamique inspirée de la Sudbury-Valley School créée en 1969 et qui a d’excellents résultats ; ou bien l’aventure de Jean-Guy Henckel, fondateur du Réseau jardins de Cocagne qui inserre des personnes en précarité dans l’agriculture biologique.
Dans ce cadre est intervenu Philippe Aubourg, ancien directeur du bâtiment 503 de l’IOGS. Son dada ? L’innovation frugale ! « Mes voyages en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie m’ont montré que l’innovation n’était pas seulement une question de moyens mais surtout un état d’esprit », a-t-il insisté. Avant de présenter divers exemples glanés dans le monde : Q-Drum qui est un container roulant pouvant transporter de l’eau ; les constructions futées de l’architecte Shugeru Ban notamment la cathédrale de Christchurch (Australie) en carton ! Ou encore le kit géncologique GynePunk mis au point par un collectif catalan basé à Calafou, lieu alternatif inouï. Ici, sur les collines de l’ouest de Barcelone, 27 appartements ont été créés sur 28 000 m2 achetés collectivement pour former une « colonie écoindustrielle postcapitaliste ». On trouve ici divers ateliers (Bois, fonderie) qui fonctionnent sur le mode Do It Yourself (DoY) et un hackerspace où est installé un biolab Pechblenda.
L’innovation frugale foisonne sous mille formes. A Saclay, on peut l’imaginer féconde à la convergence entre nano-bio-info et cognisciences. La visite du président Gilles Bloch et avec une délégation (UPS) en Israel en mai 2015, pour la 10eme édition de Technion incarne ces résultats à l’interface, pour la médecine personnalisée, l’e-Santé, les smart cities, les smart grids, les green techs, les objets connectés, les digital media et télécom… Encore faudra-t-il éviter l’élitisme ou l’entre-soi technologique, qui ne permet pas de capter les autres visions et cultures qui intègrent les défis et ouvrent la créativité.
Il y a une vie en dehors du périphérique. Et même beaucoup d’intelligence. Le Grand Paris est une des premières concentrations de matière grise au monde. Paris-centre domine, mais il y a aussi Saclay. Entre Versailles et Orly, autour d’un vaste plateau agricole, dans une nature et une campagne préservées, s’est crée depuis les années 1950 un ensemble sans équivalent en Europe de sciences, d’entreprises de haute technologie, d’universités, de grandes écoles.
Pierre Veltz présente ici un portrait à facettes de ce territoire d’exception, souvent ignoré des franciliens eux-mêmes. Il évoque son histoire et ses héros, célèbres ou méconnus. Il raconte aussi le grand projet Paris-Saclay. En un mot : comment cet ensemble regroupe aujourd’hui ses forces, et affirme son ambition mondiale dans un Grand Paris devenant enfin polycentrique.
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