En marge de la Biennale de l’Habitat Durable (1) qui se tient du 9 au 11 avril, une équipe d’architectes grenoblois, Jean-Philippe Charon et Thierry Rampillon de l’agence CR&ON, imagine le logement collectif de nouvelle génération ; un concept inédit de logements collectifs : le RUBIXHOME.
Quand on regarde de l’extérieur un immeuble Rubixhome, de 24 à 32 appartements, on ne voit pratiquement que des terrasses, comme les pétales d’une fleur épanouie… Avant d’être un immeuble, Rubixhome est un concept, une trouvaille architecturale, un principe déclinable à l’infini, qui démocratise les grandes terrasses, redonnant à chacun sa part de plein air et de nature, tout en embellissant les villes.
Le socle central comprenant les appartements n’est quasiment pas perceptible de l’extérieur, dissimulé par l’aménagement des terrasses qui dessinent l’enveloppe visible du bâtiment. Et cet aménagement peut très aisément prendre des milliers de formes…
Un principe qui permet entre autre de supprimer l’impression de clonage et d’adapter ces enveloppes extérieures au contexte urbain dans lequel elles s’inscrivent. La qualité de vie est donc vécue de l’intérieur pour les occupants des appartements et de l’extérieur pour les riverains d’un bâtiment ou d’un îlot Rubixhome.
Les immeubles Rubixhome sont orientés sud-est ou sud-ouest. En été, le soleil peut être une source de chaleur excessive, mais son ardeur est tempérée par l’ombre portée de la terrasse du dessus… En hiver, ses rayons, plus bas dans le ciel, parviennent à plonger dans les appartements, là où leur chaleur est la bienvenue… à cette disposition bioclimatique, on peut ajouter la présence sur les terrasses d’arbres feuillus, qui donnent de l’ombre en été et qui laissent passer les rayons du soleil en hiver, une fois leurs feuilles tombées.
Quand les modes de vie transforment le territoire
Jean Viard, sociologue, ausculte les « manières de vivre et d’habiter des français » depuis plusieurs décennies. Dans son livre « Nouveau portrait de la France – La société des modes de vie »(2), il met l’accent sur la nécessité d’intégrer des espaces extérieurs aux habitats de demain : « Trop souvent, en ville, on continue à fabriquer du logement adapté aux modes de vie d’hier. Le besoin d’espace extérieur, la demande de soleil, le rôle de la chambre d’amis sont trop sous-estimés dans la construction, comme si ce qui est bon pour les catégories aisées n’est pas aussi indispensable aux catégories fragilisées. Nous devons réinventer le logement en hauteur avec de l’espace extérieur privatif. Disons un tiers extérieur, deux tiers intérieurs, avec accès pratiques pour les déchargements de courses. Et ce, y compris dans la ville historique. Car si nous avons besoin de la mémoire des lieux pour affronter un futur difficile à prévoir, nous ne voulons pas vivre « comme avant « ».
Le concept Rubixhome est donc fondé sur un parti-pris architectural inspiré des ramages végétaux dont les feuilles s’organisent en quinconce pour capter la lumière sans se gêner ni se faire de l’ombre… La distribution des terrasses obéissant au même principe pour obtenir le même résultat « 100% nature ! »
Démocratiser les grandes terrasses
Directement inspiré des végétaux dont les feuilles s’organisent en quinconce pour capter la lumière sans se gêner, le concept Rubixhome propose des immeubles dont les terrasses s’organisent sur tout le volume, offrant 25m2 de plein air à chaque occupant, à des conditions économiques abordables.
L’organisation en quinconce des terrasses est fondamentale. Sans ce principe il serait impossible de superposer de grandes terrasses sur toute la hauteur d’un bâtiment, chacune d’entre elles occultant la lumière de celle du dessous. La disposition en quinconce a d’abord pour effet d’installer, en alternance, une terrasse tous les deux étages, ce qui laisse largement passer la lumière tout en « oubliant » le voisin du dessus perché près de 6 mètres plus haut.
Autre aspect intéressant : l’absence « d’effet d’escalier » interdit de voir ou d’être vu d’une terrasse à l’autre, préservant ainsi l’intimité de chaque occupant.
Par ailleurs, l’esthétique d’un immeuble entièrement recouvert de grandes terrasses donne une silhouette aérée, et embellie par la nature que les occupants voudront bien y installer…
Enfin, une grande terrasse pour tous c’est aussi un concept économiquement réaliste. Les appartements avec terrasses ont la réputation d’être chers…
Thierry Rampillon répond : « C’est vrai, mais justement Rubixhome est là pour tordre le cou à cette idée ! Jusqu’ici, les appartements avec terrasse coûtaient cher parce qu’ils étaient généralement réservés à une pincée d’occupants privilégiés situés aux derniers étages des immeubles, et comme ce qui est rare est cher…
Les résidences en gradins ont aussi cette réputation de cherté, mais elle est justifiée par une emprise au sol considérable, par la nécessité d’étanchéifier toutes les terrasses qui constituent de fait le toit de l’appartement du dessous. Sans parler du fait que les appartements situés au cœur de ces « pyramides » se retrouvent, eux, totalement privés de soleil.
La révolution Rubixhome, c’est l’arrivée des grandes terrasses sur TOUT le bâtiment, grâce à leur disposition en quinconce (donc faible emprise au sol et soleil pour tout le monde) et c’est aussi la simplicité et la compacité de la structure intérieure : ces deux éléments combinés font que les terrasses sont parties intégrantes de la construction (donc de son coût global) et non plus des ajouts, des options de luxe…
Un immeuble RubixHome est une superposition de plateaux carrés abritant appartements et locaux techniques. Ce socle central est conçu de manière suffisamment rationnelle pour autoriser le recours à une certaine industrialisation, et générer les économies d’échelle qui compenseront la réalisation des terrasses. « De grandes terrasses pour le plus grand nombre, accessibles au porte-monnaie du plus grand nombre ».
Structure et appartements
Comment s’organisent les appartements dans un bâtiment Rubixhome ?
Thierry Rampillon : La structure de base est donc composée d’une trame carrée, pour permettre la rotation qui distribue les terrasses sur les deux faces exposées au sud. Chaque niveau accueille quatre appartements : Trois T3 et un T2 (mais on peut aussi distribuer un T4, un T3 et deux T2 sur la même trame). Au cœur de ces modules, une zone creuse, toujours située au même endroit, permet de distribuer ascenseurs, escaliers et différentes gaines techniques sur toute la hauteur du bâtiment. Dans les parties communes, on aménage également des buanderies pour chaque appartement.
Comment s’organise la fameuse rotation à 90 degrés ?
TR : C’est un exercice de géométrie somme toute assez basique ! En couplant la rotation avec une inversion du plan, on retrouve la colonne technique (et la lumière du sud !) au même emplacement d’un étage sur l’autre. (voir schémas)
Quel est l’intérêt d’une telle structure ?
TR : Il y en a plusieurs : tout d’abord, le format carré autorise facilement l’organisation en quinconce ; ensuite, la simplicité de cette structure basée sur une trame permet d’installer des colonnes verticales qui soutiennent tout le bâtiment de manière simple et rationnelle ; enfin, cette compacité et cette simplicité permettent d’envisager une certaine industrialisation, pour alléger les coûts de construction…
Industrialisation ? Vous ne craignez pas l’effet de « clonage ? »
TR : Au contraire ! Parce que cette partie « technique » est en quelque sorte la face cachée du bâtiment ! L’écriture architecturale s’exprime sur « la peau », la façon d’aménager les terrasses et les parties extérieures ! Et là, des centaines de possibilités s’offrent aux constructeurs, pour s’adapter au lieu dans lequel s’inscrit le bâtiment.
C’est aussi une réponse esthétique et diversifiée à la question de la densité, du moins à l’idée souvent négative que s’en font les gens…
Combinaisons séjour/terrasse : des usages inédits… et infinis !
Coin de campagne engazonné, arboretum privé (des arbres peuvent atteindre 5 mètres de haut), potager suspendu (avec, pourquoi pas, sa cabane de jardin), espace sportif (ping-pong, badminton, fitness) atelier d’artiste, espace de détente en hamac ou de grande réception (avec les baies ouvertes, la surface terrasse/salon/cuisine atteint 50 m2 d’un seul tenant !). Bref, un espace « comme à la campagne », pour bronzer, cultiver son jardin ou organiser des garden-parties… Au sol, la liaison entre salon et terrasse est continue, sans marche ni palier à franchir. L’été, on évolue dans un très grand volume (50m2) mi ouvert mi couvert, et l’hiver, même si l’œil continue d’embrasser tout le volume, on n’a que la partie couverte à chauffer (20m2).
Objectif « participatif »
Quand elles ne font pas construire leur propre logement, les familles doivent généralement opérer un choix entre plusieurs projets déjà finalisés pour sélectionner l’endroit où elles vont habiter. Elles devront adapter leur mode de vie au lieu et au type d’appartement les plus conformes à leurs envies et à leurs possibilités.
Avec Rubixhome, la démarche s’inverse : les familles sont invitées à proposer le lieu d’implantation de leur futur logement et à affirmer leur volonté d’habiter un Rubixhome. Une fois le réseau de « Rubixhomers » constitué, les acteurs locaux de la construction peuvent envisager le lancement d’un programme Rubixhome en sachant à l’avance qu’il est attendu par de nombreux candidats… Une façon originale et surtout inédite d’intégrer les attentes des habitants aux programmes de logements nouveaux !
A travers le concept Rubixhome, l’agence CR&ON donne la parole aux futurs habitants et tente d’inverser le processus de lancement des programmes de logement.
En mobilisant sur son site un réseau de « Rubixhomers » motivés, l’agence veut initier à la fois une organisation de la demande localisée, et à terme, une appropriation des bâtiments par leurs futurs habitants à travers des projets d’aménagements des parties « signifiantes » (agencement des appartements et des terrasses). Les parties « non signifiantes » (structures, organes fonctionnels), restent quant à elles ouvertes à une part d’industrialisation pour garantir des coûts de construction accessibles au plus grand nombre.
(Source : ©rubixhome.com)
(1) : la Biennale de l’Habitat Durable se tiendra dans l’écoquartier De Bonne, Grand Prix National Ecoquartier 2009. Au cœur de cet écoquartier, le bâtiment « Bonne Energie » (immeuble de bureaux à énergie positive), conçu par la même équipe d’architectes, avait quant à lui reçu le Prix de la Biennale de l’Habitat Durable 2008 et le Trophée Constructeo 2009.
(2) Livre « Nouveau portrait de la France – La société des modes de vie » de Jean Viard – Edition l’Aube 2012