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Jour du dépassement : allons-nous épuiser toutes nos ressources ?

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Chaque année, le Jour du Dépassement mondial ou Earth overshoot day, est plus précoce. Cette année, il tombe le 1er août, marquant une nouvelle fois le moment où l’humanité a consommé toutes les ressources renouvelables de la Terre pour l’année. C’est la date à laquelle l’empreinte écologique de l’humanité dépasse la biocapacité de la planète, à savoir la capacité régénératrice de la Terre pour satisfaire notre consommation annuelle de ressources. Chaque année, le Jour du Dépassement mondial est plus précoce. Et ce jour du 1er août 2024 est la date la plus précoce du Jour du Dépassement Planétaire depuis que le monde a basculé dans le déficit écologique au début des années 1970. Cette date illustre ainsi l’urgence écologique et la nécessité de reconsidérer notre mode de consommation des ressources naturelles. Cet article explore les implications de cette accélération de la consommation des ressources et discute des stratégies potentielles pour étendre la durabilité à travers divers secteurs clés comme l’eau, l’alimentation, l’habillement et le logement. En examinant les détails de ces domaines vitaux, nous pouvons envisager des ajustements qui non seulement prolongeraient la disponibilité des ressources mais amélioreraient aussi la qualité de vie globale, tout en réduisant notre empreinte écologique.

En 2023, le jour du dépassement a été atteint le 2 août. Cette date, déterminée par l’ONG Global Footprint Network (l’organisme international de recherche basé à Oakland (Californie) qui a développé l’Empreinte Écologique, un indicateur de mesure de la pression des activités humaines sur les écosystèmes de la planète) correspond « au jour de l’année à partir duquel l’humanité est supposée avoir consommé l’ensemble des ressources que la planète est capable de régénérer en un an ».

En réalité, cet indicateur est calculé en tenant compte des surfaces utilisées pour produire ou extraire les ressources consommées et pour éponger les déchets générés par la population, d’une part, et de la “biocapacité” des écosystèmes de la planète à se reconstituer et à absorber les déchets produits par l’homme, notamment le piégeage du CO2.

L’historique de cette date symbolique est actualisé en fonction de l’évolution des méthodes de calcul. Cela permet de suivre sans biais les variations de cet indicateur. Ainsi le jour du dépassement de 1970 est le 29 décembre et il n’a cessé d’avancer dans l’année pour atteindre le 28 juillet en 2022 (exception faite de l’année 2020 où il a reculé au 22 août à cause de la crise Covid).

Chaque année l’événement est largement commenté. S’agissant d’une problématique récurrente qui renvoie à l’avenir de notre civilisation, elle mérite d’être analysée au regard de ce que nous connaissons de la disponibilités des ressources de l’usage qui en est fait. Dans cet article je focaliserais mon propos sur nos besoins vitaux : l’eau, les aliments, les vêtements et l’habitat en tenant compte de leurs caractéristiques spécifiques et de leurs impacts transversaux sur la consommation d’énergie, le changement climatique, l’état des écosystèmes…

Eau

Le stock d’eau douce de la planète, 35 millions de km³, est constant et il se renouvelle à raison de 496 000 km3/an. Selon l’OMS, le besoin minimum en eau potable est de 20 litres par jour pour l’hydratation et l’hygiène personnelles et, pour vivre dignement, il est de 50 litres par jour pour l’ensemble des usages domestiques. D’après une autre estimation de l’UNICEF il faut, en moyenne, 600 000 litres d’eau chaque année pour alimenter et faire vivre un habitant de la planète, soit 137 litres par jour. Cette estimation de la consommation d’eau par personne comprend une consommation d’eau “directe” (boisson, toilette…) et “indirecte” (agriculture, industrie, etc…). Cette consommation indirecte représente d’ailleurs plus de la moitié de la consommation totale et elle très variable selon les pays. En prenant l’estimation de l’UNICEF, il apparaît que la consommation annuelle totale en eau dans le monde équivaut donc à 4800 km³, soit 1 % du renouvellement naturel par évaporation/précipitations.

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On est donc tenté de penser que globalement, au sens propre comme au sens figuré, il semble que tout va bien… Ce serait oublier un peu vite que la répartition et la qualité de l’eau ne sont pas uniformes selon le lieu de vie à cause de la géologie et du climat régional, des pollutions locales ou importées et leurs évolutions avec le temps. Il faut aussi noter une disparité d’accès liée à la distance à parcourir jusqu’à la source, la durée de la collecte qui n’est pas la même à Paris ou à Chinguetti, petite ville Mauritanienne.

D’après AQUASTAT, base de données de la FAO, 45 % de l’eau prélevée est évaporée, principalement depuis les surfaces agricoles irriguées qui représentent 20 % des terres cultivées (et 40 % de la production végétale alimentaire). Les 55 % restants sont déversés dans l’environnement en tant qu’eaux usées domestiques ou industrielles et d’eaux de drainage agricole dans lesquelles on retrouve plus de la moitié des produits de l’industrie chimique, soit 300 millions de tonnes de polluants (nitrates, produits phytosanitaires, médicaments et leurs métabolites, métaux lourds, …). Si le taux d’assainissement atteint 95 % en Europe et en Amérique du nord, il n’en est pas de même dans les autres régions du monde : en Afrique plus de la moitié de la population ne dispose pas d’installation sanitaire ; moins de 10 % des industries traitent leurs effluents et les eaux de pluie y entraînent les ordures ménagères à l’état solide dans des systèmes d’évacuation rudimentaires, puis dans les rivières avoisinantes.

On voit ici que la géographie de la disponibilité de l’eau (en quantité et qualité) est une question majeure susceptible d’impacter les mouvements de population comme cela est exposé dans un récent rapport de l’OCDE qui souligne que sans profondes réformes permettant l’amélioration notable de la gestion de l’eau, d’ici à 2050, la situation risque d’être intenable dans les régions où les ressources disponibles deviennent de plus en plus incertaines. Actuellement, 17 pays subissent un stress hydrique extrême alors qu’ils abritent 25% de la population mondiale. A l’horizon 2050, le manque d’eau potable concernera 40 % de l’ensemble des « Terriens » au point de pousser à la migration près d’un milliard de personnes, principalement en Afrique. Ces migrations ont déjà commencé dans la Corne de l’Afrique ainsi qu’aux confins du désert de Gobi ; elles viennent aussi gonfler le flux migratoire du Mexique vers les États-Unis.

Dans un monde où la demande en eau potable est en augmentation constante, alors que les ressources en eau subissent de plus en plus des contraintes du fait de la surexploitation, de la pollution et des changements climatiques, il est tout simplement impensable de négliger la préservation de la ressource par la prévention en limitant les rejets et en réutilisant les eaux usées.

Alimentation

Où qu’on soit sur Gaïa, les besoins nutritionnels de l’Homme sont les mêmes. Mesurés en apport énergétique ils s’élèvent à 2500 kcal/jour par personne et une alimentation équilibré doit apporter 15 % de protéines. Si on convertit ces besoins en poids d’aliment par habitant cela fait l’équivalent de 180 kg céréales/an soit 1,4 milliards de tonnes/an pour la population mondiale et 35 kg de viande ou de poisson par an, soit 280 millions de tonnes par an à l’échelle de la planète.

Pour mémoire, la production mondiale annuelle de céréales s’élève à 2,3 milliards de tonnes (CIC, 2023) et la production mondiale cumulée de viande et poisson est de 546 millions de tonnes par an (FAO).

Donc l’agriculture, l’élevage, la pêche et l’aquaculture permettent de couvrir nos besoins alimentaires. Coïncidence ?… La différence entre la production et la consommation correspond au gaspillage du champs à l’assiette récemment estimé à 1,05 milliards de tonnes (PNUE, 2024).

Nos besoins en ressources alimentaires sont couverts pour le moment, inéquitablement certes. Il n’en sera pas de même si le dérèglement climatique n’est pas jugulé car l’élévation des températures et les phénomènes météorologiques extrêmes pourraient provoquer un effondrement de la production agricole et de graves famines notamment dans les régions du monde les plus pauvres.

Ce scenario-catastrophe peut être évité avec les projections d’évolution de la population mondiale de l’ONU à condition de maîtriser l’émission des gaz à effet de serre (GES) et de ne pas dépasser une augmentation de température 2 °C. Il serait alors toujours possible de nourrir la population mondiale sous réserve d’une réduction des gaspillages et d’une alimentation plus sobre en produits d’origine animale.

Gardons aussi en mémoire que malgré l’inégal accès à l’alimentation dans le monde, la masse totale des aliments qui nourrissent l’Humanité est en grande partie produite au prix d’une agriculture intensive (91 % des terres cultivées dans l’Union Européenne) qui répand chaque année 180 millions de tonnes d’engrais, 4,2 millions de tonnes de produits phytosanitaires. Le secteur de l’agriculture ne consomme que 2 % de l’énergie produite dans le monde ; en revanche il représente 25 % des émissions de GES (la production de méthane par la fermentation entérique des élevages de ruminants représentent 10 % la production mondiale de GES, la conversion nette de forêts à d’autres utilisations en relargue autant).

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Cela étant dit, si aujourd’hui le problème n’est pas un problème de quantité totale, c’est un véritable problème de « disponibilité » lié à la répartition et l’utilisation des terres cultivables ainsi qu’à l’acheminement des denrées vers les zones où la production est insuffisante comme l’actualité le rappelle douloureusement (rétention de céréales par la Russie, embargo indien sur les exportations de riz, acquisition des terres arables en Afrique par des investisseurs étrangers… )

Il apparaît donc que l’équation ressources vitales versus population est globalement résolue aujourd’hui et qu’elle continuera de l’être pour 10 milliards de terriens à condition que l’on réduise les gaspillages, que l’on adopte une alimentation plus équilibrée et qu’on apprenne à résister au marketing de la boulimie et du snacking dont les effets délétères sur la santé – diabète, maladies cardiovasculaires, etc – touchent plus d’un milliard de personnes dans le monde. ( Lire aussi “Dis moi comment tu manges…” )

Habillement

Plus de 100 milliards de vêtements sont consommés dans le monde chaque année (ADEME, 2021) On note de fortes disparités selon les régions du monde : la consommation de produits textiles est de 16kg /an en Amérique du Nord, 12 kg/an en Europe, 2kg/an dans les pays du Moyen Orient et moins d’1 kg/an en Afrique intertropicale. Les matières premières sont issues de l’industrie chimique pour 63 % de la production mondiale alors que les fibres naturelles (coton, lin, laine…) n’en représentent que 37 %.

S’il est clair qu’en plus de sa fonction de protection le vêtement est un marqueur d’identité et un vecteur de communication non verbale qui justifie l’on en possède plusieurs, il est difficile de comprendre la frénésie d’achats de vêtements portés (parfois un seul jour) le temps d’une saison pour être ensuite jetés et finalement incinérés faute de circuit de collecte et de recyclage performant. Le modèle économique de la Fastfashion et le matraquage publicitaire encourageant les achats compulsifs ne sont certainement pas étrangers à l’explosion d’un marché qui a atteint 1700 milliards de dollars en 2023 (Statista).

Le bilan environnemental du secteur de la mode est très mauvais. L’utilisation de fibres synthétiques consomme près de 1,5% de la production mondiale de pétrole. Les fibres naturelles mobilisent 3 % des terres cultivées. Au total, l’industrie du vêtement contribue à 2 % des émissions mondiales de GES. Outre les produits chimiques rejetés lors de la fabrication (20 % de la pollution des eaux dans le monde serait imputable à la teinture et au traitement des textiles), 500 000 tonnes des microparticules de plastique relâchées dans les océans chaque année dans le monde (soit 50 milliards de bouteilles en plastique) proviennent de l’entretien des vêtements synthétiques.

Les ressources pour fabriquer des vêtements ne manquent pas ( …pour le moment en ce qui concerne les textiles/fibres synthétique). Cependant la désastreuse empreinte écologique de l’hyper-consommation de vêtements par les pays du Nord (y compris la Chine) est telle qu’il est indispensable de promouvoir les matières respectueuses de l’environnement, d’encourager la réutilisation via le marché naissant des vêtements d’occasion et de mieux recycler les vêtements en fin de vie à travers des filières idoines. Ironie de la mondialisation, nos fripes réutilisables s’arrachent sur les marchés du Sénégal, du Ghana, de la Côte d’Ivoire !

Logement

Depuis qu’il a une vie sédentaire, l’Homme habite dans des abris durables pour se protéger des intempéries. L’évolution des techniques a permis de répondre à la recherche de praticité et de confort, thermique notamment.

En 2022, l’énergie consommée pour le logement a représenté plus de 20 % de la consommation mondiale, et 33% si l’on inclus les bâtiments non résidentiels et le secteur du bâtiment (PNUE).

En additionnant les émissions du secteur de la construction de bâtiments aux émissions liées à l’usage de l’ensemble des bâtiment, ce secteur a représenté 37% du total des émissions mondiales de GES en 2022 (PNUE).

Si la consommation d’énergie est LA préoccupation du secteur, elle ne doit pas occulter d’autres enjeux relatifs aux matériaux de construction utilisés, notamment le béton dont la production mondiale (10 milliards de m³) entraîne la surexploitation du sable (45 milliards de tonnes par an en 2021) qui détruit les écosystèmes alluvionnaires notamment sur le littoral.

Les défis auxquels fait face le secteur résidentiel sont tels que la réduction des gaspillages par leurs seuls habitants ou usagers est insuffisante compte tenu de la médiocrité de l’efficacité énergétique moyenne des bâtiments. La construction de bâtiments à haute performance thermique et la rénovation efficiente du parc existant passe par la mise en place de réglementations différenciées selon les pays au regard de leurs ressources et de leurs besoins. La réduction de l’empreinte écologique de ce secteur nécessitera une révision des mécanismes de financement de modèles d’affaires où le bâtiment est un service plutôt qu’un bien. Last but not least, la transition énergétique du secteur résidentiel n’a de sens que si leur consommation d’énergie est optimisée en mobilisant des ressources décarbonées.

A travers ces quatre items (eau, alimentation, habillement, logement), on voit que l’épuisement des ressources et l’intoxication par les pollutions peuvent être évitées à condition que des stratégies politiques volontaristes, ainsi que le déploiement de technologies respectueuses de l’environnement soient mises en œuvre rapidement. La grande disparité d’accès aux ressources autant que les fortes différences de consommation selon que l’on vit au « Nord » ou au « Sud » justifient une véritable coopération mondiale pour préserver notre futur.

Xavier Drouet, chroniqueur invité UP’ Magazine

L’original de cet article a été publié sur le blog de l’auteur, Hommes et sciences. Avec nos remerciements à l’auteur.

Pour aller plus loin :

Photo d’en-tête : © Anaïs Hector

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