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Culture du coton en Afrique

Ces Africains ne veulent plus qu’on leur parle d’OGM

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L’épineuse question des cultures génétiquement modifiés (GM) refait surface. S’adressant au Sommet économique de Davos, Bill Gates a récemment déclaré que les cultures GM constituaient une arme essentielle pour lutter contre la faim et la pauvreté en Afrique.
Mais Bill Gates n’a pas évoqué une nouvelle d’importance, à savoir que le Burkina Faso – le plus important pays africain en termes de cultures GM – a récemment entamé sa sortie du coton BT. Il s’agit là de la semence transgénique la plus utilisée par les agriculteurs pauvres du continent. Pour quelles raisons le Burkina Faso, un pays confronté à la faim et à la pauvreté, a-t-il tourné le dos à ce que Gates présente comme un instrument incontournable du développement ?

Un des premiers pays à adopter les OGM

En 2003, le Burkina fut le premier pays à tester la culture du coton BT, en partenariat avec la firme Monsanto. BT fait référence à une toxine, le Bacillus thuringiensis, qui permet d’éliminer le ver rose, un ravageur des cotonniers extrêmement nuisible et répandu. Monsanto introduisit le gène insecticide dans les variétés locales de coton du Burkina, lesquelles furent mises à disposition des agriculteurs à partir de 2008.

Cette adoption de semences transgéniques fit les gros titres. Le Burkina Faso est non seulement l’un des plus gros producteurs africains de coton, mais cette culture est également considérée comme la locomotive du développement agricole dans le pays.

L’introduction du coton BT a permis une augmentation significative de la production de coton ; en 2014, le Burkina réunissait le plus grand nombre de producteurs d’OGM de tout le continent : plus de 140 000 petits exploitants agricoles cultivaient alors le coton BT.

Cette success story a été largement célébrée comme un exemple de la façon dont les cultures GM peuvent aider les agriculteurs les plus fragiles. Nombre d’entre eux ont adopté cette technologie, et pour de bonnes raisons. Des études ont bien montré que le coton BT avait permis d’accroître les rendements et les profits. Le gain était en moyenne de 50 % – et cela même en dépit du coût très élévé de ces semences.

Les exploitants des cultures de coton GM utilisent en outre beaucoup moins de pesticides : le nombre d’épandages est ainsi passé de 6 à 2, réduisant drastiquement l’exposition des agriculteurs à des produits chimiques dangereux et leur épargnant aussi un temps précieux.

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Le coton BT souffre de sa qualité médiocre. Shutterstock

Comment expliquer le retournement ?

Le coton BT n’a cependant pas été une aubaine pour tout le monde.

La qualité médiocre des fibres de ce coton transgénique a en effet infligé de sévères pertes aux compagnies cotonnières du pays, conduisant à un arrêt total de production de coton BT pour les deux années à venir. Les responsables des entreprises concernées et de Monsanto évoquent deux principaux problèmes relatifs à la qualité des fibres de ce coton transgénique :

  1. Les variétés de Monsanto donnent des fibres plus courtes et de moins bonne qualité, ce qui entraîne une baisse de la valeur de la production sur les marchés internationaux.
  2. Même si les rendements sont plus important, la quantité de coton récoltable mécaniquement à, elle, diminué. En d’autres termes, le coton BT possède moins de fibres ces dernières sont de moins bonne qualité.

Pour les exploitants agricoles, qui bénéficient d’un prix garanti de la part des compagnies cotonnières, cette qualité moindre des fibres n’a rien de vraiment dissuasif. Mais pour ces mêmes compagnies, il s’agit d’une situation catastrophique. La combinaison de moins de coton récoltable mécaniquement et d’une qualité amoindrie a considérablement entamé leurs profits.

Les compagnies cotonnières, qui ont la main sur les semences et les intrants qu’ils distribuent aux agriculteurs, ont ainsi été en mesure d’arrêter la culture du coton BT, au grand dam de nombreux exploitants.

Des débats complexes

L’exemple burkinabé montre bien toute la complexité des débats autour des avantages des cultures GM pour les agriculteurs pauvres. Dans ce cas précis, la technologie a rempli son cahier des charges : permettre aux récoltes de résister aux nuisibles, réduire le recours aux pesticides et accroître les rendements. Nombre d’agriculteurs apprécient ces services et sont demandeurs.

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Mais l’impact inexpliqué sur la longueur des fibres du coton BT pousse les compagnies à tourner le dos à cette technologie. Si le coton BT veut poursuivre sa success story au Burkina, il faudra que Monsanto règle ce problème.

Ce retournement de situation pose une autre question : quid du développement des cultures GM sur le continent africain ? D’autres semences transgéniques vont-elles avoir des effets aussi inattendus que néfastes ? Les institutions et les entreprises en charge de leur développement seront-elles en mesure d’agir en toute transparence ?

Le cas du Burkina Faso montre bien les périls qui existent à vouloir aborder de manière simpliste la question du développement agricole. En se focalisant sur un seul aspect – ici, la résistance à un ravageur –, des conséquences surprenantes et douloureuses pour d’autres aspects – la qualité du coton – peuvent se faire jour.

À Davos, Gates déclara encore que les « Africains choisiront de nourrir leurs populations », ce qui plaide pour une diffusion des semences transgéniques. Mais, après des années d’utilisation, le Burkina Faso vient d’apporter un cinglant démenti à cette façon d’envisager le futur du continent.

Brian Dowd-Uribe, Assistant Professor, International Studies Department, University of San Francisco

Matthew Schnurr, Associate Professor Department of International Development Studies, Dalhousie University

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

 

The Conversation

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