CRISPR danger

Could CRISPR-Cas9 become a weapon of mass destruction?

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CRISPR-Cas9, cet outil moléculaire d’édition génétique dont nous relatons assidument les développements dans nos colonnes, pourrait devenir, entre les mains de terroristes, une arme de destruction massive. C’est ce que pensent les experts de la CIA qui ont alerté, il y a quelques jours, le président Obama. Cette technologie de génie génétique est le symbole même des technologies duales : elles sont enthousiasmantes au regard de leur puissance pour éradiquer certaines maladies, mais elles sont aussi effrayantes dans leur capacité à modifier la génétique du vivant. D’autant plus qu’elles sont extraordinairement faciles d’accès et d’emploi. Entre les mains d’individus malintentionnés, CRISPR pourrait devenir une arme diabolique.
 
Dfirst year letter au président Obama, le Conseil pour la science et la technologie (PCAST) demande la création d’urgence – sous six mois maximum – d’une entité chargée de l’élaboration d’une stratégie de biodéfense nationale.  En ligne de mire, les nouvelles technologies de thérapie génique et de synthèse de l’ADN, au premier rang desquelles le Conseil cite CRISPR.
La lettre précise que les États-Unis doivent se préparer à lutter non seulement contre les agents biologiques connus, mais aussi « contre l’éventail beaucoup plus large et en constante évolution, de menaces biologiques impossibles à anticiper pleinement. » Plus précisément, le Conseil fait valoir que l’ADN synthétique, la thérapie génique et les technologies d’édition du génome comme CRISPR ouvrent de nouvelles possibilités d’usages criminels. La liste des menaces fait froid dans le dos : modification d’un virus ou d’une bactérie pour la rendre résistante aux médicaments, ADN artificiel créé en laboratoire, modification de l’ADN de cellules vivantes. D’autant, ajoutent les scientifiques du PCAST, que les progrès technologiques permettent de générer rapidement et au moindre coût des modifications du codage de certains organismes vivants qui pourraient être utilisés par des terroristes pour fabriquer une arme biologique d’un nouveau type.

La menace est sérieuse

La menace est sérieuse car, selon les experts, il sera quasiment impossible de suivre et surveiller toutes les expérimentations menées dans des laboratoires de fortune, voire dans des garages. Pour Todd Kuiken, spécialiste en génie génétique de l’université de Caroline du nord, cité par la revue du MITThe danger does not only come from the usual biological vectors such as viruses or other pathogens. It also comes from " more exotic biological attacks "such as an insect that has been modified to eliminate a country's staple food crop.
 
Déjà, en février dernier le rapport annuel de la CIA sur l’évaluation mondiale des menaces avait étonné plus d’un. Le directeur du renseignement national américain, James Clapper, avait en effet ajouté l’édition de gènes dans la liste des menaces posées par « des armes de destruction massive et leur prolifération ».  CRISPR figurant ainsi aux côtés d’autres menaces plus conventionnelles comme les essais nucléaires nord-coréens, la guerre chimique en Syrie, les nouveaux missiles intercontinentaux russes, etc. Pour Clapper, CRISPR est une technologie menaçante : « Given the widespread diffusion, low cost and rapid development of this dual-use technology, its intentional or unintentional diversion can have far-reaching implications, both economically and in terms of national security. ». He goes on to say: " The fact that research on gene editing is being conducted in countries with different regulatory or ethical standards from those of Western countries probably increases the risk of creating potentially dangerous biological products or agents. "

Du débat éthique à celui de la sécurité

Le rapport de la CIA établit un scénario catastrophe. CRISPR pourrait être utilisé pour éditer l’ADN d’embryons humains afin de provoquer des modifications génétiques dans la génération suivante. Jusqu’à présent, les débats sur la modification des gènes étaient restés cantonnés à des questions éthiques. Les mises en garde de la communauté des renseignements nationaux porte maintenant le débat sur le terrain de la sécurité.
 
Les questions éthiques se sont posées dès les débuts de CRISPR. Jennifer Doudna, la co-inventrice de cette méthode avec sa consœur Emmanuelle Charpentier, s’en inquiétait elle-même. Elle mettait en garde dans un article de Nature News  « le train d’enfer » des recherches sur l’édition de gènes et s’inquiétait que les progrès menés dans les laboratoires ne s’accompagnent pas des nécessaires discussions et évaluations éthiques. Mais aujourd’hui, le débat dépasse le seul stade de l’éthique. La sécurité de cette technologie est désormais mise en cause. Jennifer Doudna avait pressenti ce changement d’optique. Elle déclarait « à la mi-2014, j’étais déjà inquiète à l’idée que la technique CRISPR-Cas9 puisse être utilisée d’une manière dangereuse, ou perçue comme dangereuse, avant même que les scientifiques n’aient communiqué sur cela au monde profane. Je n’en aurais pas voulu à mes voisins ou à mes amis de me dire : “Tout cela était en train de se faire et vous ne nous en avez pas parlé ? "

Peut-être est-il déjà trop tard

Peut-être est-il déjà trop tard. La technologie est mise en œuvre dans des milliers de laboratoires à travers le monde, plusieurs milliers d’articles scientifiques sont publiés sur les applications les plus variées de cette technologie. Celle-ci s’est répandue comme une trainée de poudre parce qu’elle possède une qualité rare en biotechnologie : elle est facile d’accès. Certains scientifiques estiment qu’un simple titulaire d’une licence de biologie possède les compétences suffisantes pour s’en servir.  Certes de façon grossière, mais suffisante pour bidouiller une bactérie, une levure ou un organisme unicellulaire simple. N’importe quel amateur décidé pourrait s’initier à cette pratique. Circonstance aggravante, des kits CRISPR sont vendus sur internet pour moins de 100 euros. Un ticket d’entrée sans commune mesure avec toute autre biotechnologie. CRISPR, mis à la portée d’amateurs, hors du milieu des laboratoires établis et des universités, c’est possible. C’est en cours. Les biohackers, les biologistes de garage, les DIY de la biologie existent déjà. Ils sont même encouragés depuis plusieurs années pour leur capacité à créer de l’émulation et une dynamique porteuse. Un bel esprit open source, open access !
 
Mais comment contrôler ceux qui franchiront la ligne rouge ? Comment les détecter, anticiper la menace ? Sacré casse-tête pour les services de lutte contre le terrorisme. Faudra-t-il ficher tous les doctorants en biologie pour éviter les dérives ? Nous n’en sommes pas encore là mais nul doute que certains y pensent dans les bureaux de la DGSI, de la CIA ou d’ailleurs…
 
Mis entre de mauvaises mains, CRISPR peut produire des effets désastreux. Le chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, Olivier Lepick said récemment : « La facilité avec laquelle on peut modifier une bactérie peut légitimement inquiéter. On peut imaginer que des malfaiteurs pourraient la rendre plus résistante, plus agressive, plus pathogène, voire même, ce qui devient encore plus effrayant, à même de s’attaquer à des types dont les gènes sont présélectionnés pour être visés, comme la couleur de la peau, des yeux ou des cheveux par exemple ! C’est un scénario effrayant mais c’est envisageable avec ce genre de technologie, et surtout beaucoup plus facile qu’avec les outils précédents. »

Indifférence coupable

Des perspectives propres à enflammer la paranoïa la plus insensible. Et pourtant, CRISPR se développe dans l’indifférence quasi générale de l’opinion publique. Selon un poll réalisé par l’IFOP en mai 2016, seuls 3 % des personnes interrogées savent ce qu’est CRISPR. Un niveau de connaissance très faible (12 %) même parmi les diplômés du supérieur, les professions libérales et cadres supérieurs, catégories traditionnellement les mieux informées de la population. Cette méconnaissance, voire cette indifférence, n’est-ce pas là le plus grand danger de CRISPR ?
 
 

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