L’histoire des technologies et des énergies est une source d’inspiration précieuse pour aller vers la transition écologique. C’est ce que pense, avec beaucoup de bon sens, une équipe internationale de chercheurs, qui a créé le site paleo-energetique.org. Le site souhaite « établir une contre-histoire de l’énergie : ressusciter les techniques disparues, montrer la capacité d’innovation, revaloriser des innovations oubliées et aboutir à une capacité d’innovation sociale, vernaculaire, décentralisée, inattendue. » Leur recherche se veut « ouverte et souhaite faire appel à l’intelligence collective ainsi qu’à la capacité collaborative du numérique ». Petit tour d’horizon de quelques exemples de low-tech antiques répertoriés, pour « sauver la mémoire des origines de la transitions énergétique ».
Les tours à vent Badguir – 1300 ans avant notre ère, Iran
Le Badguir est une tour traditionnelle d’architecture persane utilisée depuis des siècles pour créer une ventilation naturelle dans les bâtiments.
Ce capteur de vent fonctionne grâce à la faible différence de pression entre la base et le sommet à l’intérieur de la colonne. Ainsi, à chaque fois qu’un faible souffle de vent passe à travers le sommet du badguir (on ne sent pas la différence à la base de la colonne), la différence de pression aide à remonter l’air chaud vers le sommet et à amener de l’air frais vers le bas de la colonne.
Deghan Kamaragi, docteur en architecture irano-français, a démontré la performance environnementale de ces systèmes de ventilation et de régulation de température dans les bâtiments utilisant cette ventilation naturelle plutôt que des systèmes mécaniques. Pour cela, après de nombreux tests effectués ces trois dernières années sur le terrain, ainsi que lors des essais en soufflerie, il a évalué l’exactitude de ces données par la simulation CFD (Computational Fluid Dynamics) pour connaître les spécifications physiques et mécaniques d’un Badguir.
L’hydro pompe de Saqiya – 1206 ans avant notre ère, Turquie
Ismail al-Jazari est un inventeur prolifique qui a conçu de nombreuses machines pour élever l’eau, dont des moulins à eau et des roues à eau avec des cames sur leur essieu pour faire fonctionner des automates. On lui attribue la première utilisation connue d’un vilebrequin dans une pompe à chaîne. Ces mécanismes ont fourni de l’eau à Damas à partir du XIIIe siècle jusqu’à l’époque moderne et étaient utilisés dans tout le monde islamique médiéval.
Les éoliennes iraniennes de Nashtifan – 900 à 500 ans avant notre ère, Iran
Situé dans la région de Khorasan, au Nord-Est de l’Irab, le petit village de Nashtifan est balayé par des vents très forts. Il y a plus de mille ans, les Perses locaux y ont utilisé les matériaux locaux comme l’argile, la paille et le bois pour construire un véritable village de moulins à vent à axes verticaux.
Montés sur des bâtiments au design futuristes dignes des meilleures planches du dessinateur Enki Bilal, ces éoliennes permettent de moudre le grain et de tirer de l’eau, d’exploiter la force mécanique des vents locaux. Bien qu’ils aient été utilisés pendant des siècles, certains moulins éoliens certainement les plus low tech au monde sont encore en bon état et fonctionnent toujours.
Le « Digesteur » de Denis Papin, ancêtre de la cocotte-minute – 1684
Denis Papin est un scientifique, mathématicien et inventeur français du XVIIe siècle très prolixe, mais décédé dans l’anonymat et une misère relative. Dans le cadre d’expérimentations sur les propriétés de la vapeur sous vide, Denis Papin met au point une marmite en fer très épais, munie d’une soupape de sécurité et d’un couvercle à pression bloqué par une traverse en vis. Il l’appelle Digesteur. On la désigne aussi sous le nom de « marmite de Papin », terme maintenant utilisé par extension pour désigner tout type d’autocuiseur. Denis Papin synthétise son travail sur la pression et la vapeur dans un mémoire en 1682 la manière d’amollir les os et de faire cuire toutes sortes de viandes peu de temps, et à peu de frais.
Parmi les premières cocottes minute commercialisées, le Dampfopf (pot à vapeur) était vendu en Alsace en 1898 par la société De Dietrich. Réalisée en fonte, elle comportait une soupape de sécurité et une de décompression. Toutefois, elle ne connut pas de succès commercial, car elle ne correspondait pas aux besoins des ménagères, pour lesquelles la rapidité de la cuisson n’était pas une préoccupation.
Les inventions du passé à redécouvrir
La voiture éolienne Guido da Vigevano, L’Eolipyle, Le kotatsu, l’imaginaire solaire de Leonard de Vinci, Les Omnibus, La chaise volante de Versailles, Le moteur Stirling, Les semelles chauffantes de Lavoisier, Le bélier hydraulique, Le moteur Pyréolophore, La géothermie de François Larderel, La pile de Clarendon, Le transport des diligences ordinaires sur les chemins de fer, Les murs à pêches de Montreuil, L’effet Magnus, La trépigneuse, Le concentrateur solaire d’Augustin Mouchot, La pile thermo-électrique, Le manège vélocipédique, Les tramways à air comprimé Mékarski, L’Ile mystérieuse de Jules Verne, L’imprimante-presse solaire d’Augustin Mouchot et Abel Pifre, Les cinq cent millions de la Bégum, Le photophone, Le bateau électrique de Gustave Trouvé, Un système de chauffage/ventilation solaire, Le premier chauffe-eau solaire (breveté en 1891 !), Un château d’eau – éolienne, Le compost de Jean Pain… et tant d’autres à (Re)-découvrir !
Le site paleo-energetique.org pratique une archéologie énergétique et inventive, curieuse, citoyenne et collaborative. Et si nos aïeux étaient les précurseurs de la transition ? N’hésitez pas à participez, à soumettre les rétro techs non répertoriées sur cette page : paleo-energetique.org/participez !
Source : espritcabane.com
Pour aller plus loin :
- « Rétrofutur, Une contre-histoire des innovations énergétiques », d’Eric Dussert – Editions Buchet-Chastel, septembre 2018 – A découvrir sur sur Cultura.com et sur Fnac.com
Notre planète traverse actuellement une crise énergétique sans précédent. Pourtant des solutions existent car l’histoire de l’énergie a laissé quantité de bonnes idées sur le bord de la route. Cet ouvrage propose un véritable voyage à travers le temps, en exhumant de très nombreuses innovations énergétiques des temps passés, méconnues ou oubliées, avec la conviction que c’est aussi dans le passé que se trouvent des solutions pour demain… Ainsi, la présentation d’une soixantaine d’inventions – parfois improbables mais toujours ingénieuses – permet de retrouver des pans anciens et ignorés de l’histoire des énergies : des semelles chauffantes de Lavoisier (1780) à la voiture à hydrogène de Jean-Luc Perrier (1979), du photophone de Bell (1880) au du girobus (1950) … Chaque invention, illustrée par un visuel en pleine page – photographies, cartes postales et illustrations d’époque –, est exposée en quelques lignes. Des articles transversaux proposent ponctuellement des réflexions plus globales sur la notion de progrès, l’importance des archives et des brevets, les relations entre les sciences et les arts, etc. L’ouvrage est dirigé par Cédric Carles, designer et chercheur, Thomas Ortiz, ingénieur et artiste, Éric Dussert, coordinateur de la numérisation des imprimés à la BnF. Fruit d’une recherche participative, il rassemble les contributions d’amateurs comme de spécialistes (Ewen Chardronnet, Kevin Desmond, Ludovic Duhem, Alain Gras, etc.).
Photo d’en-tête : Le Manège vélocipédique, 1869