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démocratie participative

Quelles innovations démocratiques possibles pour changer de monde politique ?

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Le colloque international du Gis Démocratie et Participation va se tenir les 26, 27 et 28 janvier 2017 sur le thème des expérimentations démocratiques actuelles : convergences, fragmentations, portées politiques. Un diagnostic est de plus en plus partagé : la démocratie est à refaire. Saisir les multiples formes de participation dans les expérimentations démocratiques qui foisonnent pour donner consistance aux transitions en cours, implique alors de prêter attention, tout autant qu’aux transformations de l’action publique, à la production par l’action citoyenne d’alternatives sociales, économiques et politiques aux problèmes communs.
 
Le Colloque aura en priorité une visée de connaissance : donner une vision d’ensemble de la multiplicité des expérimentations citoyennes contemporaines. Le colloque a également le projet analytique de dégager leurs spécificités : leurs caractéristiques communes, les dynamiques de fragmentations comme les capacités de rapprochements d’initiatives proliférantes. Dernière l’ambition, celle d’interroger leurs significations politiques, leurs potentialités de transformation de l’action et de la décision publiques et, plus profondément, d’identifier dans les multiples expériences récentes ou en cours les voies d’un renouvellement de la démocratie et des pratiques sociales, économiques et politiques qui la caractérisent.
Il combinera un format à la fois académique, nécessaire pour répondre aux attentes de conceptualisation exprimées par les acteurs, et un format largement ouvert favorisant la réflexivité sur les initiatives qui seront présentées de multiples manières (ateliers, forums, vidéos, stands, expo…) et mises en discussion.
 
Un appel à contributions a été diffusé et les réponses permettront, dans la diversité de leurs formats, d’explorer les défis de l’action citoyenne — agir, pouvoir, savoir, redistribuer, s’émanciper — et les enjeux démocratiques des transitions énergétique, écologique et numérique.
Le Colloque débouchera sur la rédaction d’un « Manifeste » définissant les nouvelles orientations du Gis Démocratie et Participation et ses modes de coopération avec les acteurs de la participation.
 
Pour le groupement d’intérêt scientifique Démocratie et Participation (créé en 2009 par le CNRS), ce colloque entend marquer un tournant, une nouvelle fondation dans un contexte d’urgence démocratique. Bien au-delà du programme de « démocratisation de la démocratie » qui a d’abord fédéré une communauté d’études de la participation, les transitions énergétiques, écologiques et numériques en cours ouvrent sur la question d’une transition démocratique alors qu’à rebours, une évolution vers un régime autoritaire n’est plus à exclure. Partout où la démocratie s’incarne seulement dans un régime politique, voire se réduit à n’être qu’un système électoral, la défiance mine les institutions politiques et suscite des demandes de retour à l’autorité. Tous ceux, au contraire, pour qui la démocratie consiste à faire société, expérimentent de nouvelles formes politiques et économiques, s’emparent des nouvelles technologies pour renouveler l’expérience de la citoyenneté et inventer les pratiques du commun.
 
La crise politique est profonde, l’innovation démocratique vive. Paradoxe apparent qui s’éclaire dès que l’on considère la triple nature de la démocratie : à la fois régime de représentation politique, système d’institutions publiques assurant la cohésion de la société, et ensemble de formes de vie collective, de manières d’être au monde et de vivre ensemble fondées sur le respect inconditionnel de l’égalité.
 
Des jardins partagés aux sciences participatives, des Civic tech à l’économie sociale et solidaire, des fablabs aux mouvements des places, du retour du tirage au sort au do it yourself democracy, des chantiers participatifs au gouvernement ouvert, de nouvelles formes de représentation, de citoyenneté, de nouveaux modes de gestion des communs s’inventent ou se réinventent.
Ces pratiques sont-elles vouées à rester parcellaires, fragmentées, toujours à refaire ? Des convergences et des permanences se dessinent-elles ? Comment penser une démocratie ouverte sur le faire ?
L’objectif du colloque est de dresser une cartographie des concepts et des initiatives, un état des lieux des multiples expérimentations démocratiques ; d’établir des liens éclairant les dynamiques contradictoires en cours ; d’interroger le sens de ces expérimentations : où (en) est la participation aujourd’hui ?
Aucun des moments du Colloque n’est réservé soit à des « chercheurs », soit à des « praticiens ». Il s’agit au contraire de mettre à l’épreuve ensemble le sens des initiatives et des expérimentations, et les perspectives réflexives qui s’avèrent pertinentes pour les penser. Les réponses à l’appel à contributions peuvent émaner, séparément ou conjointement, de chercheur.e.s et d’acteurs-actrices de la participation, et prendre la forme de communications, de retours critiques d’expériences, de témoignages réflexifs, de dialogues/entretiens, de vidéos, de stands d’exposition, d’affichages, etc.

Interroger les enjeux d’une transition démocratique

L’activité du Gis a mis l’accent sur la double contradiction qui traverse les phénomènes participatifs : celle opposant l’institutionnalisation (et la professionnalisation) de la participation du public aux processus décisionnels et les pratiques informelles de participation, porteuses d’une critique du politique et de la décision ; celle opposant l’investissement de la participation par les mouvements sociaux comme vecteur d’empowerment, d’émancipation, et l’usage de la participation comme instrument de gouvernement de l’action publique et des conduites sociales.
 
L’actualité renouvelée des revendications d’interpellation citoyenne, de pouvoir d’agir et le questionnement des formes institutionnelles aptes à les reconnaître impliquent que les études de la participation en démocratie saisissent les phénomènes de manière large : au-delà de l’analyse de dispositifs envisageant la « démocratie participative » comme réponse à la crise de la démocratie représentative, il convient de prêter attention à la multiplicité des revendications des mouvements sociaux et de collectifs multiformes (fonds d’interpellation citoyenne, droit d’initiative populaire, tirage au sort, expertise solidaire…) et à la diversité des formes de participation sociale et politique.
Il convient également de questionner la « nouveauté » de ces phénomènes : en quoi poursuivent-ils ou transforment-ils des mouvements plus anciens (élargissement de la citoyenneté issu des mouvements féministes, notamment), et réactivent-ils dans leurs pratiques des interrogations ou expérimentations déjà éprouvées ou tentées ?
 
Mais s’affirment aujourd’hui des enjeux entièrement nouveaux qui bouleversent l’appréhension de la participation, et de nouvelles critiques se font jour. Les enjeux massifs des diverses transitions énergétique, écologique, numérique redistribuent les débats sur le politique, redessinent la citoyenneté et ses pratiques, réinterrogent l’égalité et la justice sociale, mettent l’accent sur la démocratie comme forme de vie, et nourrissent la revendication d’« une démocratie réelle maintenant ! », au-delà de la visée de démocratiser — ou même de radicaliser — la démocratie et ses institutions. Pas un pan ou champ de la vie politique, sociale et économique n’échappe aux conflits et luttes sur ce qu’est « faire société » et ce que participer veut dire pour y donner sens. Un colloque donc qui propose d’explorer les défis de l’action citoyenne, d’interroger les enjeux d’une transition démocratique autour précisément des questions suivantes.

Agir (ensemble)

Débattre, produire, fabriquer, consommer, offrir des services, aménager des espaces publics, des lieux communs, apprendre, échanger, partager… : que font les citoyens ensemble et désormais en dehors des cadres institutionnels et sociaux conventionnels ? Par-delà les objets, actions, services faits ensemble, que nous apprennent ces expérimentations sur l’action sociale, économique et politique contemporaine, sur leurs conditions de réalisation et sur le sens dont elles sont porteuses ? Comment saisir également les « confluences perverses », quand des pratiques similaires se déploient au nom de projets politiques très différents : l’horizon visé est-il alors celui d’une émancipation collective ou bien strictement individuelle ? Comment la question de la « responsabilité » est-elle pensée dans ses liens avec les enjeux démocratiques ?
 
La problématique des communs (commons), au cœur des transitions en cours, déplace l’attention vers la construction de nouveaux partenariats dans des processus ascendants d’innovation sociale et écologique utilisant largement le numérique. L’émergence des fablabs et le « mouvement » du do-it-yourself comme de multiples initiatives (jardins partagés, AMAP,…) renouvèlent les rapports à la création, à la production et à la consommation, et signalent la montée d’une « démocratie du faire », de nouvelles formes d’engagement qui ne se pensent pas d’emblée comme politiques.
Pour autant — les débats sur l’économie de la fonctionnalité, sur la sobriété, sur la décroissance en témoignent —, ces initiatives pointent vers la question de l’éthique des besoins, les conditions et les indicateurs d’une vie heureuse, et les manières d’en délibérer collectivement du local au global. Plus généralement, la question des communs invite à être attentif à toutes les activités consistant à « mettre en commun », au travail coopératif nécessaire pour organiser le partage et la mutualisation des ressources et des données, aux nouvelles manières de « faire société ». La question de la participation se trouve ainsi engagée dans de nouvelles conceptions de l’agir. Mais, à l’opposé des nouvelles formes de solidarité mise en œuvre par l’économie sociale et solidaire, le credo libéral : être l’« entrepreneur de soi-même » se répand, survalorisant l’entrepreneur, l’initiative et l’aventure individuelles, et prônant la disparition de l’entreprise comme institution.

Pouvoir(s)

Comment les formes d’auto-organisation du social affrontent-elles la question du/des pouvoirs (en leur sein et dans leurs interactions avec les autres) ? Quels obstacles rencontrent les capacités d’action autonome ? En quoi transforment-elles les rapports de pouvoirs ? Y a-t-il là des contre-pouvoirs annonciateurs de formes inédites de représentation politique ? Comment repérer et critiquer les formes de subversion des mots et des pratiques, là encore au service de projets politiques non seulement variés, mais radicalement opposés ?
 
Après plus d’une trentaine d’années d’innovation et d’institutionnalisation, la participation se retrouve sous le feu des critiques tant par ses détracteurs qui en dénoncent les excès que par ses partisans qui en déplorent les limites. D’une part, avec la crise économique et la critique d’un excès d’exigences normatives, le « droit à la participation » constitutionnalisé avec la Charte de l’environnement est présenté comme un obstacle à la croissance et au développement. D’autre part, les espoirs déçus des dispositifs institués alimentent les critiques d’une instrumentalisation de la participation au service des pouvoirs et aux dépens de résultats significatifs dans les secteurs d’action publique concernés.
 
Ces critiques convergent, en particulier à la faveur de la montée du concept d’anthropocène dans les sciences humaines et sociales, vers la compréhension de la participation dans ses formes instituées comme contribuant au renouvellement de la gouvernementalité propre au néo-libéralisme. Elles témoignent des limites des expérimentations et de leurs points aveugles, et ramènent les enjeux sur le terrain politique d’une conflictualité que la concertation ambitionnait de dépasser par le dialogue et la recherche de solutions négociées. Dans le champ de l’environnement, le renouveau des conflits territoriaux est marqué par l’émergence de formes radicales de critique opposant l’occupation des sites à la participation, et questionnant le partage d’un monde commun dans lequel débattre aurait un sens, voire refusant le débat. Pour les grandes entreprises, l’opportunité de la participation est affaire de réputation et de stratégie dans la reconfiguration progressive des rapports entre parties prenantes. L’interaction problématique entre stratégie et éthique du dialogue mérite examen.
 
Mais on assiste également à l’émergence d’une novlangue aseptisant la dimension critique de la participation et les aspérités de la démocratie : on parle d’« agendas positifs » au lieu de conflits, de « société inclusive » au lieu d’inégalités, de nudges, et l’on promeut un paternalisme comportemental par les « petits gestes », au lieu de délibérations sur les choix collectifs, etc. La subversion des mots de la démocratie culmine avec la préemption de la catégorie de peuple, originairement porteuse du conflit démocratique, par un ensemble de discours populistes, anti-démocratiques et xénophobes, et la récupération du thème de la participation par l’extrême droite. En privant les citoyens des mots nécessaires pour réfléchir les rapports entre l’agir et le pouvoir, de tels renversements accompagnent l’évolution de nos sociétés vers ce que certains ont nommé « post-démocratie », d’autres « dé-démocratisation ».

Savoir(s)

Qu’en est-il d’un renouvellement des formes de production de la connaissance (ex. sciences citoyennes) et de diffusion des savoirs (ex. MOOC) ? Quelles transformations des rapports entre autorité des connaissances scientifiques et ouverture du débat démocratique s’opèrent quand les politiques publiques (environnement, santé, éducation) entendent s’ancrer dans une citoyenneté renouvelée (démocratie écologique, démocratie sanitaire, etc.) ? Quelles relations entre les divers savoirs, connaissances, expertises et normes dans ces politiques ? Comment repenser les pratiques de recherche pour renforcer leur caractère démocratique, tant dans leur production que dans leur diffusion ? Quelles relations instaurer entre chercheurs et acteurs pour prendre au sérieux la question du croisement des savoirs ? Dans quelle mesure celles-ci participent-elles à la réflexivité démocratique ? Reconnaître l’existence de savoirs différents permet-il de fabriquer de la connaissance sur la société pour peser sur sa transformation ? Que dire des effets d’apprentissage des expérimentations citoyennes, de leur capitalisation, de leur transmission ?
 
Les expérimentations démocratiques questionnent les modes de production des connaissances. Avec le numérique, l’essor de la recherche participative ou des sciences participatives — termes qui se sont largement diffusés en seulement quelques années — signale le bouleversement des possibilités de production et de collecte de données pour la recherche, et des formes de production et de circulation des connaissances. La question de la participation des citoyens ordinaires à la science reste pourtant une question controversée, bien plus que celle de la participation politique au sens large. Car elle met en cause une frontière, voire une hiérarchie, entre les « citoyens ordinaires » et les experts, donc le monopole de la production de la connaissance par les scientifiques professionnels. Le croisement des savoirs est également controversé car il interroge les rapports sociaux inégalitaires en jeu dans la reconnaissance de savoirs de types différents. La participation des citoyens ordinaires à la science est toutefois, autant que la participation politique, une question de démocratie. Elle touche au caractère public et ouvert de la science comme (bien) commun. Car, dans le même temps où foisonnent des initiatives citoyennes, des offensives agressives des majors du numérique, de la santé, de l’édition scientifique, etc., façonnent des modes de vie, des manières de travailler et, avec l’appropriation privative des données moissonnées notamment, redéfinissent les manières de produire la connaissance et ses finalités.

(Re) Distribuer (les places, les rôles sociaux, les ressources, les capacités…)

Dans quelle mesure les expérimentations citoyennes inventent-elles des formes inédites d’organisation, d’auto-organisation ? Jusqu’où s’affranchissent-elles des organigrammes traditionnels, des mécanismes de redistribution, des systèmes de protection sociale ? Inventent-elles d’autres formes de redistribution ? Sont-elles propres à mieux reconnaître les capacités des individus et des collectifs ? Quels sont leurs effets en termes de justice sociale ?
 
Les limites du PIB comme indicateur de performance économique et de progrès social, les débats sur les indicateurs alternatifs du bien-être, du bonheur et, plus globalement, sur la décroissance, sont d’abord d’ordre démocratique, avant même d’être économiques, et mettent au premier plan la question de la délibération collective nécessaire pour réorienter l’économie. C’est particulièrement le cas avec la nouvelle économie numérique qui développe des manières inédites de travailler, de connaître et d’agir. Le numérique outille de larges communautés distribuées et appuie des formes novatrices et puissantes de participation, de mobilisation et d’action collective. Cependant, plusieurs directions des technologies de l’intelligence collective et de l’« économie du partage » se confrontent. Les débats ouverts sur l’« uberisation » de la société, sur l’« économie de plateforme », se structurent autour de l’opposition entre le collaboratif et le coopératif (formes collaboratives de consommation vs formes coopératives de production) et soulèvent la question des valeurs qui sous-tendent ces nouvelles formes économiques.
La dimension collaborative de la nouvelle économie peut se limiter à des formes d’intermédiation entre consommateurs et offreurs de services, voire se transformer rapidement par la concentration financière des offreurs en une économie de prédation. Par ailleurs, les débats sur les rapports entre travail et emploi, ressources et revenus (avec les propositions de revenu universel / inconditionnel / contributif…), sur les articulations entre cotisation sociale (salariale) et contribution via l’impôt et sur la question des activités utiles à la société, interrogent la participation dans sa triple dimension de prendre part, apporter une part et bénéficier d’une part.

 (S’) Émanciper

Quelle est la base sociale des expérimentations citoyennes et comment la visée d’émancipation est-elle partagée par différentes catégories d’acteurs et permet-elle de sortir de la position de « bénéficiaire » ? Quelles formes de réflexivité, y compris des gens « ordinaires » impliqués dans l’action, mettent-elles en œuvre ? Avec quels effets sur les individus et les acteurs sociaux ? Comment des initiatives locales produisent-elles des règles démocratiques, des innovations institutionnelles généralisables à plus large échelle ? Quels types de sujets politiques la participation façonne-t-elle : des citoyens critiques ou à l’inverse des sujets dociles et apolitiques ? Que dire de contre-mouvements non progressistes qui de la même façon prétendent s’affranchir des cadres sociaux et démocratiques traditionnels ? Comment la pensée du/de la politique est-elle transformée, ou non, dans et par ces pratiques ?
 
L’émancipation revient au centre des préoccupations des citoyens et est réinvestie comme référent majeur des expérimentations démocratiques actuelles qui valorisent l’autonomie, le pouvoir d’agir et l’intelligence collective. Les initiatives citoyennes expérimentent des modes de transparence, d’écoute bienveillante, d’horizontalité, favorisant l’inclusion radicale, l’égalité, la coopération, la légitimité du faire. Elles confrontent les décisions et la délibération publiques à de nouvelles exigences : bien commun, utilité sociale et environnementale, responsabilité… les conduisant à devoir intégrer et reconnaître les compétences ordinaires des citoyens et les inclure dans l’élaboration de critères pertinents du bien-être.
 
Les expérimentations démocratiques alimentent ainsi de nouveaux processus de subjectivation politique, de nouvelles pratiques réarticulant les individus et les collectifs à la politique. Les formes de mise en lien d’initiatives venant d’horizons très éloignés sont porteuses d’une redéfinition du politique, plus horizontale, non hiérarchique. Elles constituent aujourd’hui un socle d’expériences disponibles, instrumentées pour pouvoir faire fonctionner autrement la démocratie. Il convient dès lors de s’interroger sur ce qui fait société dans ce qu’elles mettent en œuvre, sur les ponts à construire entre elles, sur la manière dont elles produisent concrètement de l’émancipation. En effet, certaines formes collaboratives, que ce soit entre habitants d’un quartier populaire ou entre participants d’un chantier autogéré, n’ont ni ne visent forcément une traduction politique à proprement parler. Comment les prendre en compte dans les débats actuels sur la démocratie et la participation, sans les labelliser comme politiques « malgré elles » ? Dans quelle mesure ces formes et pratiques obligent-elles à repenser la question même de ce qui « est » ou « fait » politique ?
 
Des militants, des professionnels cherchent par ailleurs via la participation un moyen de renouer avec les principes de l’éducation populaire, dans une visée d’émancipation des précaires, des discriminé.e.s, etc. Pour autant, les dispositifs participatifs qu’ils mettent en œuvre peuvent rester tributaires d’un arbitraire institutionnel, d’une « injonction à l’autonomie », et redoubler au contraire les inégalités. Des conceptions de la citoyenneté selon lesquelles c’est aux individus de s’adapter au langage et aux pratiques citoyennes légitimes — et non aux institutions de reconnaître un pluralisme d’engagements citoyens et de s’ouvrir à la critique — freinent les processus d’émancipation.

Demain, la démocratie

C’est à l’appréhension de ces nouveaux enjeux et de ces nouveaux débats — qui réclament des témoignages et des élaborations normatives, des partages d’expériences et des approches historiques, des croisements disciplinaires et des enquêtes à perspectives multiples… — que les réponses à l’appel à contributions proposeront de travailler. L’introduction du premier Congrès du Gis Démocratie et Participation, en 2011, questionnait la diffusion de la démocratie participative : « beaucoup de bruit pour rien ? » Serait-on conduit à cette même interrogation face à la prolifération des expérimentations démocratiques aujourd’hui ? L’image d’un « archipel de la participation » est souvent utilisée pour donner une vision d’ensemble d’initiatives citoyennes entreprises par des communautés pas ou faiblement articulées et sans centre. C’est bien l’enjeu du Colloque de saisir où (en) est la participation aujourd’hui, de tenter de préciser ce qu’annonce le foisonnement des expérimentations démocratiques pour demain.
 
L’expérimentation est aussi un mode de gouvernance très contemporain, qui nous pousse à réfléchir plus avant sur le passage de l’expérimentation à la normalisation. Quel est le point commun entre les plateformes marchandes, type Uber, les initiatives de participation collective de citoyens à la définition de politiques publiques, les fablabs ou les chantiers d’habitat participatif ? Comment caractériser les trajectoires de ces expérimentations citoyennes : pourquoi certaines durent-elles, s’institutionnalisent, pourquoi certaines s’inscrivent-elles dans un fonctionnement capitaliste alors que d’autres s’ancrent dans l’économie sociale et solidaire ? Quels horizons politiques de transformation sociale ouvrent ces trajectoires différenciées ? Quelles formes de production du politique (ré)inventent-elles ?
 
Les nouveaux enjeux et débats succinctement pointés ci-dessus ont déplacé considérablement les manières d’appréhender la participation. Ils n’en confirment pas moins un positionnement de départ du Gis Démocratie et Participation : considérer la participation comme une entrée privilégiée, un point de passage obligé pour analyser les transformations de la société, plutôt que comme un objet prédéfini par une approche normative de la démocratie. Aussi, la dernière séquence du Colloque n’a-t-elle pas vocation à proposer un modèle idéal de démocratie. Mais elle rassemblera les témoignages, les éléments d’analyse discutés dans les autres séquences du colloque pour explorer les portées politiques des expérimentations démocratiques soumises à examen, et approfondir la manière dont chercheur.e.s et acteurs-actrices de la participation peuvent travailler ensemble au renouvellement de la démocratie.
 
Il s’agira de préparer l’écriture d’un Manifeste d’orientation pour les études de la participation en démocratie, en collectant les idées essentielles à sa rédaction postérieure au colloque, avec l’aide des personnes volontaires pour y contribuer. Son objectif serait de dessiner les contours et les modes de travail d’un espace de recherche sur la démocratie et la participation qui dépasserait un cadre strictement universitaire. Il s’agirait avec cet événement refondateur d’engager chercheur.e.s et acteurs-actrices sur les nouvelles thématiques, les nouveaux champs de recherche sur lesquels le Colloque aura montré l’intérêt de travailler ensemble aujourd’hui.
Table ronde de synthèse avec les rapporteur.e.s des 5 demi-journées du Colloque et discussion générale pour dégager les orientations générales d’un Manifeste définissant l’activité du Gis Démocratie et Participation pour les prochaines années.
 
Comité d’organisation du colloque :
 
Rémi Barbier (Engees, membre du Conseil scientifique du Gis Démocratie et Participation) ;
Loïc Blondiaux (CRPS-CESSP Université Paris I, président du CS du Gis D&P) ;
Marion Carrel (CEMS-EHESS et CeRIES-Université Lille III, membre du CS) ;
Agnès Deboulet (CRH-Lavue, Université Paris 8, membre du CS) ;
Patrice Duran (Ens Cachan, président du Gis D&P) ;
Jean-Michel Fourniau (Dest-Ifsttar et GSPR-EHESS, directeur du Gis D&P) ;
Martine Legris (Ceraps, Université Lille 2) ;
Clément Mabi (Costech, Université de technologie de Compiègne) ;
Catherine Neveu (IIAC-TRAM, EHESS, membre du CS) ;
Héloïse Nez (CoST-Citeres, Université de Tours) ;
Emmanuel Picavet (Phico-ISJPS, Université Paris I, membre du CS) ;
Sandrine Rui (Centre Émile Durkheim, Université de Bordeaux, membre du CS) ;
Denis Salles (Unité ETBX, Irstéa, membre du CS) ;
Julien Talpin (Ceraps, co-directeur de la revue Participations) ;
Stéphanie Wojcik (Ceditec, Université Paris Est Créteil, membre du CS) ;
Joëlle Zask (Institut d’histoire de la philosophie, Université d’Aix-Marseille, membre du CS).
 
Le Colloque a lieu  les 26, 27 et 28 janvier 2017, de 9h30 à 18h30 , à la Maison des sciences de l’homme Paris Nord – 20, avenue George Sand – 93210 La Plaine Saint-Denis – Métro Front Populaire (terminus ligne 12)
 
Pour plus d’informations : http://www.participation-et-democratie.fr/
 
 

 

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